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Kronik : Dijon-Dijon

Retour à la maison

Un roadtrip estival de 1.126 km en Honda CRF 250 L

Une troisième panne m'indique qu'il est temps de revenir à la maison. Mon premier embouteillage depuis presque deux semaines : le retour à la "civilisation" ne me réjouit guère. Mais je vais repartir, pour sûr.

Kronik : Dijon-Dijon - Retour

J'ai fait quelques kilomètres derrière Laurent, Patrice, ??? et ??? -moi et les prénoms ! On s'est dit au revoir à la sortie de Mariac : eux partent vers l'ouest, vers Arcens. A mon air emprunté, Laurent a répondu par une tape sur l'épaule :

- Allez ! On s'est tous fait avoir un jour. La prochaine fois, c'est toi qui sortiras un copain de la panade. Ya pas de remboursement, juste une dette qui passe de main en main.

En reprenant la route vers Vienne, je réfléchis un long moment à ce qu'il vient de me dire. Tout serait si simple, si c'était aussi simple.

Je fais une dernière boucle en Ardèche avant de remonter vers le Parc du Pilat. Je compte faire le tour du massif, y rester trois jours en mode "ermite" avant de remonter en un seul jour vers Dijon, peut-être même par l'autoroute.

Le soir même, je suis au sommet du Pilat. Des buissons bas, un grand pierrier, une forêt de résineux. Des oiseaux piaillent. J'ai une grande impression de solitude, d'isolement. Comme si la Terre n'était qu'à moi. Comme si, parce qu'un sagouin a construit une grande antenne blanche et rouge sur un ressaut, à ma gauche, en plus d'un autre bâtiment plus petit entouré d'une clôture.

A camper n'importe où, je redoute toujours l'arrivée d'un autochtone qui me fera déguerpir avec plus ou moins d'amabilité. S'il fait ça deux fois par semaine, je doute qu'il s'y prenne avec bienveillance. Parfois, je rêve d'un filet de camouflage pour la moto qui, avec ses plastiques rouge vif, se remarque comme un T-Max rose un jour de défilé à Sturgis.

J'ai suspendu le hamac à deux résineux, fixé la bâche un peu plus haut. Achetée au rayon "chasse", elle est vert olive, ce qui camoufle un peu ma nouvelle résidence. Je me balance en tirant doucement sur une ficelle passée autour d'un troisième tronc : flemme absolue. C'est dans ces moments-là que je regrette de voyager seul. Cela a plein d'avantages, dont celui de ne pas avoir à composer avec les envies d'un(e) autre, mais j'aimerais parfois un peu de compagnie. Je me balance en sirotant un jus de fruits qui fut frais. Un bruit de moteur sur la piste au-dessus de moi. Je me raidis. Le bruit s'estompe. Je respire. Le soleil décline : je m'assoupis. Calme et volupté.

Je suis resté deux jours au sommet du Pilat. L'endroit est moyennement fréquenté. J'y ai croisé quelques marcheurs et puis des personnes en voitures à gros pneus qui visiblement travaillent ici à faire je ne sais quoi. Un dernier incident a achevé de me convaincre qu'il est temps de rentrer : en traversant un taillis, une écharde de bois est venue se planter -par je ne sais quelle bizarrerie et malgré le sabot moteur- dans la durit d'eau qui mène à la pompe, y perçant un petit trou. Je me suis arrêté quand de la vapeur est montée le long du réservoir. J'ai pu réparer avec du scotch épais -la bidouille a l'air de tenir. Je suis rentré au campement sans forcer.

J'ai dû regarder le calendrier pour me rappeler quel jour on est : jeudi. Donc demain je suis à la maison, avec le week-end pour tout nettoyer et rendre la CRF à Antoine. J'ai remballé mes affaires pour la dernière fois et j'ai demandé au Gugusse qui Parle tout Seul de me ramener à la maison au plus vite et non plus au plus court, comme précédemment.

L'autoroute, après deux semaines de départementales : grosse erreur avec les pneus à tétines ! La moto louvoie au-dessus de 110. Je ressors vite fait et programme un azimut brutal vers la maison. Ça va être long, mais ça vaut mieux que de me vautrer dix mètres devant un 19 tonnes. Cluny, Buxy, Meurseult... ça sent l'écurie.

Dijon. Des feux rouges. Des voitures partout. Embouteillage : je joue les ballerines entre les portières. Une rafale de factures et de courrier sans intérêt dans la boîte aux lettres. Je décharge, mélancolique, ma monture. Il reste de la poussière, de la boue, des feuilles et des brindilles de tous les endroits où j'ai roulé. J'en suis presque à tout balayer soigneusement dans un petit pot que j'étiquetterai "Liberté, été 2018". A part les rayures sur les caches réservoir et les griffures sur le garde-boue et le pare-mains gauche suite à ma chute chez Clarisse, le reste de la moto m'a l'air en bon état.

Samedi, je ramène la moto à Antoine. Il m'a entendu venir et rigole en me voyant me lever par réflexe sur les cale-pieds pour faire les trente derniers mètres de piste un peu défoncée qui mènent à sa grange.

-Ah ben voilà ! On va faire un toi un crosseux, finalement. Tu verras : c'est la seule manière aujourd'hui d'avoir l'impression d'aller super vite et de se faire plaisir à 40 à l'heure !

Quand je reprends le Bourgeman qu'Antoine a gardé pendant ces deux semaines, tout est bizarre dessus : la selle trop basse, trop large, le guidon trop haut, le poids trop élevé, les suspensions qui cognent, les freins bof-bof, le flou en virage. Il n'y a que le moteur qui est mieux.

Quand même. Un petit trail léger. CRF, WR... ils ont un truc chez Kawa ou chez Suz' ? Pour remettre ça avant l'automne, avant qu'il ne fasse trop moche. Prendre un vendredi et peut-être même un lundi et mettre le cap vers les routes blanches sur la carte, blanches sous les roues.

Mais plus tout seul : c'est trop dangereux. Ma bonne étoile m'a sortie de deux situations très merdiques ; quand en aura-t-elle marre ? Trouver un pote pour tracer la route à flanc de coteau, avec de quoi passer la nuit dans la pampa, loin du bruit et de la foule, tant que c'est encore possible. J'ai tout ce qu'il faut sous la main : la machine, l'équipement et un terrain de jeu immense dans un rayon d'à peine 250 kilomètres autour de la maison.

Tiens tiens ? Il y a une CRF Rallye d'occaze à vendre chez mon concess'.

Plus d'infos sur la Kronik de l'été

Attention Kronik ! 100% mauvaise foi ! Ceci n'est pas un article ni une brève (voir historique si nécessaire). L'abus de kronik peut être dangereux pour la santé de certains. Ne pas abuser.

Commentaires

thom

Merci pour cette chronique estivale.

J'ai guetté chaque nouvel épisode tous les mardis avec impatience.

En espérant que tu aies l'occaze de remettre ca sous peu sourire

28-08-2018 10:02 
toma301

Une reprise du Bourgeman, la bonne idée. ça donne envie d'essayer les pneus à tétines ton récit, Un jour sûrement.

28-08-2018 10:09 
freedom ciao tutti

félicitations pour ta chronique, a la prochaine.

28-08-2018 16:17 
tom4

merci pour cette chronique fleuve, c'était très sympa à lire.

ça donne envie d'aller rouler

du coup, hier, plutot que d'aller bosser à vélo, j'ai pris la moto.
et j'ai du "me perdre", j'ai fait 55km au lieu de 15 :)

tom4

29-08-2018 17:30 
Manu5108

ça y est t'est contaminé...

03-09-2018 12:04 
Aristoto


bonjour à tous et à Kpok


J'ai adoré ces kronikss estivales. Un vrai régal de simplicité, d'authenticité. Des écrits qui te donnent envie de prendre les chemins de traverse en pépère solitaire avec une petite brèle de 10 ans. De re dormir à la belle. De se la sauter (repas), d'être à 300 kms de chez toi et vivre une aventure. Des rencontres brèves et ttes simples.


Merci pour ce très chouette récit de voyage.





05-09-2018 14:11 
Bronco

Oui excellent merci!

05-09-2018 15:16 
KPOK

Merci, la foule. Je me suis bien amusé à vous écrire tout ça -et mesure une fois de plus combien il est difficile d'écrire un compte-rendu de balade sans être ennuyeux.

05-09-2018 21:00 
Godzilla

respect

Bravo.
Jamais ennuyeux, ça coule tout seul.
C'était bien dans toute cette grisaille.

Faudra penser à remettre ça.

09-09-2018 12:51 
 

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