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Quelle moto pour la piste ?

Choisir sa catégorie selon son niveau, ses goûts et son budget

Comparo sur circuit des Kawasaki Ninja 400, ZX-6R et ZX-10R

La tentation d’aller sur piste pour se faire plaisir sans retenue et avec beaucoup moins de risques que sur la route est de plus en plus forte. Mais quelle monture choisir ? Quelle moto est la meilleure sur circuit ? Vaut-il mieux une petite vaillante qu'une grosse non maîtrisée ? Pour se faire une idée, nous avons réalisé le comparatif avec trois sportives de cylindrées différentes, à l’occasion d’une journée piste sur le circuit du Mans.

Quelle moto pour la piste ?
Quelle moto pour la piste ?

Quand on voit l’aisance des champions à la télé, on se dirait presque que c’est facile, mais dans la vraie vie, on n’est pas tous pilotes de MotoGP, loin s’en faut. Du coup, la monture idéale pour eux n’est pas forcément celle qui nous conviendra le mieux. Petite cylindrée agile, supersport affûtée ou superbike bardée d’assistances ? Voyons quel bénéfice peut en retirer un motard aguerri.

« More power » Répondait toujours Freddie Spencer aux ingénieurs du HRC quand ils lui demandaient ce qu’il voulait pour faire évoluer sa 500 2 temps. C’était en 1985 et elle développait environ 140 ch ! Aujourd’hui, s’il essayait une MotoGP qui en avoue environ le double, il ne tiendrait peut-être plus le même discours… Mais nous ne sommes pas tous pareils et piloter une moto moins puissante, mais plus agile peut-être aussi une véritable source de plaisir quand on n’est pas champion dans l’âme, ou tout bêtement qu’on préfère les petites…

Petite cylindrée, supersport ou superbike ? C'est ce qu'on va voir...
Petite cylindrée, supersport ou superbike ? C'est ce qu'on va voir...

Un tracé adapté !

Ceux qui pilotent un peu de tout vous le diront : en roulant sur une 125 on chope une banane d’enfer. Au guidon d’une petite machine légère on a l’impression que tout est permis et que l’on passe les virages à une vitesse folle. On freine tard, on jette la moto sans retenue et on ouvre les gaz comme un goret. Le plaisir à l’état pur, la rigolade, sous réserve que la piste soit adaptée.

Avec une 125 moderne (15 ch), la piste de karting est sans doute le meilleur endroit pour s’amuser. Pour notre essai, nous étions sur le mythique circuit Bugatti et une 125 n’aurait pas eu sa place au milieu des machines présentes. La montée qui mène à la courbe Dunlop aurait été un enfer. Déjà, notre petite cylindrée de référence, une 400 Kawasaki Ninja était un peu à la peine, pourtant, elle accrochait un peu plus de 180 km/h à fond de cinquième avant d’arriver dans la chicane. C’est très peu face au 1000, mais hormis à cet endroit précis, où la différence de vitesse est importante, on se sent parfaitement en sécurité sur la petite Kawa.

C'est sur le circuit Bugatti du Mans que l'on tester toute l'étendue de la gamme sportive
C'est sur le circuit Bugatti du Mans que l'on tester toute l'étendue de la gamme sportive

Le simple disque avant fait le boulot sans mollir, car même si la bête n’affiche que 168 kg tous pleins faits sur la bascule, ses 45 ch ne l’emmènent pas à des vitesses stratosphériques qui feraient chauffer ses freins. (Pour mémoire, l’énergie cinétique à dissiper est proportionnelle à la masse, mais surtout au carré de la vitesse, donc plus que les kilos, ce sont les kilomètres/heures qui comptent). Faible puissance signifie aussi des pneus un peu plus étroits mais qui ne décrochent pas à l’accélération. Avec un 110 avant et un 150 à l’arrière, la 400 Ninja est largement pourvue et l’absence d’assistance électronique, hormis l’ABS, ne crée aucune angoisse ni frustration. Le petit Twin grimpe allègrement jusqu’à 10.000 tr/mn dans un « silence rageur ». Il n’électrisera pas les foules, mais il fait bien le job.

Les petites cylindrées comme la Ninja 400 sont très faciles d'accès
Les petites cylindrées comme la Ninja 400 sont très faciles d'accès

La position typée sport GT avec des bracelets au-dessus des guidons n’est pas fatigante, alors que le châssis encaisse les poneys sans broncher. Ainsi, on peut se concentrer sur le pilotage pur, sans arrière-pensée et aller chercher les limites. Au guidon, toutes proportions gardées, on retrouve les sensations d’une 125, avec un peu de kilos et des chevaux en plus, juste ce qu’il faut pour s’amuser. Même sans être pilote, on se sent plus dominant que dominé. On peaufine ses trajectoires, sa position, on retarde ses freinages sans appréhension, bref, on s’amuse comme un petit fou… Mais les copains vous déboîtent gravement dans les bouts droits. On n’est pas ridicule dans les portions sinueuses, mais au Mans, 45 chevaux, c’est un peu juste. Il faudrait que tout le monde ait la même moto, mais sauf à rouler en catégorie « 300 », ce n’est pas le cas. Du coup on ne peut pas vraiment se tirer la bourre avec les potes et ça a un petit côté frustrant. Pour autant il n’est pas inutile de rappeler qu’une Moto3 de 80 kg et 55 ch à la roue et un pilote de GP se qualifieraient au milieu des 1000 pour le départ des 24 h du Mans… (record du tour en 1,41.754 !).

En revanche, leur puissance modérée reste un frein, surtout si vous rouler avec des potes
En revanche, leur puissance modérée reste un frein, surtout si vous rouler avec des potes

Donc une petite cylindrée, c’est un choix qui reste pertinent, d’autant que depuis quelques années la catégorie s’étoffe et que désormais on a l’embarras du choix : Honda CBR500R, KTM RC 390, Yamaha YZF-R3 sont là pour mener la vie dure à notre petite kawa sur les circuits. De plus, outre un prix d’achat et d’utilisation raisonnable ces petites machines sont aussi moins onéreuses en cas de chute. Moins d’essence, moins de pneus et surtout moins chères, voilà une alternative pas bête pour qui veut se faire la main et plus si affinités. Conclusion, la raison du plus fort n’est pas toujours la meilleure et nous allons le démontrer tout à l’heure…

600 et quelques cm3, la cylindrée idéale ?

En passant de la catégorie 300 à la 600 et en particulier du twin au quatre cylindres 636 cm3 de la ZX-6R, on double quasiment le prix (6.199 à 11.699 €), on triple presque la puissance (45 à 130 ch), pour un poids majoré de seulement 28 kg, avec un bien meilleur ratio poids/puissance. En fait on change d’univers. Même si la 636 ne peut participer aux épreuves de Supersport du fait de ses 36 cm3 supplémentaires, elle revendique une pure filiation sportive. Fourche inversée, double disque avant avec étriers radiaux, châssis 100 % aluminium (bras oscillant et cadre) suspensions de qualités réglables, shifter « up », contrôle de traction…, etc. Elle a tout d’une grande et à son guidon, on se prend volontiers pour un pilote.

En passant sur la ZX-6R on change littéralement de catégorie
En passant sur la ZX-6R on change littéralement de catégorie

Précise, tout en restant maniable, elle dispose d’une mécanique enjôleuse, un peu moins pointue que la moyenne des 600 quatre cylindres du fait de sa cylindrée 6% supérieure. Rageuse elle dépasse allègrement les 15.000 tr/mn et offre une belle plage d’utilisation. Cependant, qui optera pour ce type de motorisation devra jouer copieusement du sélecteur pour rester dans les tours, sous peine de rester scotché en sortie de virage. Il convient donc d’avoir de belles trajectoires et un pilotage coulé pour ne pas trop perdre de vitesse en virage. Rentrer à la bonne vitesse et sur le bon rapport est un petit jeu qui demande de l’adresse.

Les 600 ont l'avantage d'être également très maniables
Les 600 ont l'avantage d'être également très maniables

Les 600 pardonnent moins les erreurs que les 1000. A ce niveau, leur pilotage est plus « fin ». Pour autant, en sortie de virage, on ne s’interroge pas sur l’angle de rotation de la poignée de gaz à donner. Antipatinage ou pas, on met à fond, sans peur et sans reproche. Les risques de high-side sont modérés pour un pilote amateur. Le pneu arrière de 180 mm, standard de la catégorie, offre un excellent niveau de performances et pour ceux à qui les montes d’origines ne suffisent pas, on trouve d’authentiques gommes sportives chez tous les manufacturiers dans ces tailles.

Les supersports ont tendance à moins pardonner les erreurs de jugement
Les supersports ont tendance à moins pardonner les erreurs de jugement

Par rapport à la 400, les performances font un bond en avant et l’écart avec les 1000 est beaucoup moins criant. Sur certains circuits, les chronos sont même très proches. Du coup les complexes sont en partie dissipés. En sortant bien des virages, on parvient à faire illusion et à rattraper tout ou partie de son retard en repoussant son freinage. Il n’y a guère qu’au raccordement qui précède la ligne droite des stands qu’on se fait immanquablement déposer. La 600 et quelques, c’est donc le juste milieu pour qui veut se lancer. Il n’y a guère que sur certains « détails » et tout particulièrement le freinage que l’on parvient à chatouiller les limites, même sans être un virtuose du guidon. La qualité des freins n’est pas celle d’une 1000 et on ressent comme un petit coup de mou quand on les sollicite sévèrement sur plusieurs tours.

On peut cependant accélérer gaz grands ouverts avec nettement moins de risques
On peut cependant accélérer gaz grands ouverts avec nettement moins de risques

Avant de chevaucher la 1000, on se dit que la 636 c’est le bon intermédiaire. De plus, même si la catégorie Supersport se réduit aujourd’hui à deux modèles (la Yamaha YZF-R6 et la Kawasaki ZX-6R 636 qui ne peut pas courir), on trouve sur le marché, pas mal de machines d’occasion de toutes sortes qui sont compétitives sur piste et bon marché (Honda CBR600RR, Suzuki GSX-R 600). En outre, malgré leurs régimes moteur ahurissants, ces machines sont réputées fiables. Du coup dès 2.000 €, on a une machine prête à rouler qui freine et qui tient la route. C’est une option tout à fait sérieuse pour qui n’a pas d’autre ambition que de se faire plaisir. Avec un budget plus élevé, le choix devient vaste. Il y a aussi des twin 748/749 voire 848 et les triples 675 ou 800. A noter enfin que la ZX-6R 636 est une alternative intéressante pour celui qui ne veut pas acheter une moto ayant déjà couru.

La piste à 200 purs sangs !

200 chevaux et quelques, près de 22.000 €, pour 208 kg avec les pleins, au moment d’enfourcher la ZX-10R, le pedigree impressionne. Ai-je les capacités pour piloter un tel engin, vais-je me faire envoyer en l’air à la première accélération ? Au-delà du prestige que dégagent les 1000 et la Kawa en particulier, on s’interroge sur ses propres compétences, surtout quand on repense aux 140 ch de la moto de Freddie Spencer… Est-ce bien utile ? Pour le savoir, le mieux, c’est de partir prudemment faire quelques tours en piste.

Les superbikes comme la Ninja ZX-10R se montrent finalement assez faciles grâce à un couple plus présent
Les superbikes comme la Ninja ZX-10R se montrent finalement assez faciles grâce à un couple plus présent

Le gabarit en impose un peu plus que la 636, mais l’écart de poids est peu sensible. 10 kg, ça ne fait guère que 5 % de différence. Ce qui se remarque plus en revanche, c’est le couple moteur beaucoup plus présent. Du coup, celle qui effrayait au départ s’avère finalement plus docile et facile à piloter. Un tout autre univers là encore, mais qui sait rester accessible. Sûr que ces 200 purs sangs sont bien élevés. On peut se tromper d’un rapport en entrée de virage, il y a toujours ce qu’il faut en bas du compte-tours pour propulser comme il faut en sortie. C’est quand l’aiguille grimpe vers le rouge que l’on a plus tendance à prendre peur. Là ça pousse pour de bon et il faut avoir le cœur (ou le reste) bien accroché au moment de rentrer dans la courbe Dunlop. Cette fois on arrive vraiment vite et même en montant les rapports, l’accélération reste vigoureuse à haute vitesse.

Mais heureusement, la qualité des freins et des suspensions est à la hauteur des performances moteur. Le freinage est à la fois puissant, progressif, dosable et endurant, avec juste ce qu’il faut de mordant. Les étriers Brembo M 50 associés à des disques flottants de 330 mm assurent autant qu’ils rassurent. Certes, on arrive plus vite sur les virages, mais on est plus serein sur la capacité de la moto à ralentir pour entrer à la vitesse où l’on veut, en dosant de manière précise son freinage. La qualité des suspensions est aussi en net progrès, même si la 636 était déjà bien pourvue. Ici la fourche avant pressurisée et l’amortisseur arrière, tous deux réglables en compression/détente offrent un touché de piste encore plus délicat. De fait, le freinage ABS exploite totalement l’adhérence disponible et ne se déclenche pas.

La partie cycle richement dotée assure un contrôle total
La partie cycle richement dotée assure un contrôle total

A l’accélération, c’est le même constat. Les assistances électroniques ne se déclenchent que rarement pour le commun des motards et quand elles le font, c’est avec douceur, sans effrayer le pilote. A bord, tout est fait pour vous rendre la vie plus facile. Le shifter « up and down » (montée/descente) en est la parfaite illustration. Ainsi, hormis les vitesses atteintes qui peuvent effrayer au début, la 1000 n’est pas plus difficile à piloter. Elle donne et pardonne plus en même temps. Quand on dit qu’elle donne, c’est une image, puisqu’elle vaut encore presque le double de la 636, soit quasiment 4 fois le prix de la 400, plus de quatre fois moins puissante il est vrai. Il faudra aussi composer avec des pneus plus chers qui durent moins longtemps. Mais ici, pas de souci pour se tirer la bourre avec les potes, ils ne vont pas vous larguer en ligne droite ! Là, il y a l'embarras du choix puisque les principaux constructeurs européens et japonais disposent de leur superbike maison avec les Aprilia RSV4 1100 Factory, BMW S1000RR Ducati Panigale V4 S, Honda CBR1000RR Fireblade, Suzuki GSX-R 1000 R et autres Yamaha YZF-R1, sans compter les anciennes versions disponibles en occasion.

Et quand on se rate, les nombreuses assistances sont là pour prendre le relais
Et quand on se rate, les nombreuses assistances sont là pour prendre le relais

Question de budget plus que de compétences

Au final, on se fera plaisir avec les trois machines, sous réserve d’un circuit et d’une concurrence adaptés avec la Ninja 400. La force de ces machines c’est de savoir rester accessibles d’un pur point de vue du pilotage. Pour le budget, c’est moins vrai. Mais comme on dit le prix s’oublie et la qualité reste. Perso je me suis bien amusé avec la 400, mais il me manque un petit quelque chose pour craquer. La ZX-10R est une très agréable découverte. Je l’imaginais plus méchante, mais elle sait se rendre accessible. Après une double dizaine d'années sur les circuits, mon choix ira plutôt vers la ZX-6R 636, qui est un bon compromis pour affiner son pilotage et si j’ai encore un peu de budget je mettrais bien quelques euros dans les freins (peut-être des plaquettes plus endurantes et un liquide de frein qui supporte mieux la chaleur ?). 130 chevaux sont bien suffisant pour se faire plaisir, progresser sur circuit tout en étant ensuite exploitable sur route !

Le budget sera un facteur déterminant dans le choix de sa monture
Le budget sera un facteur déterminant dans le choix de sa monture

Points forts Ninja 400

  • La facilité
  • L’agilité
  • L’homogénéité
  • Le prix

Points faibles Ninja 400

  • Les performances un peu justes
  • Ne pas pouvoir se tirer la bourre avec les copains

La fiche technique de la Kawasaki Ninja 400

Points forts ZX-6R

  • Le moteur rageur et pas trop creux
  • La partie-cycle très saine
  • Les performances accessibles

Points faibles ZX-6R

  • Le freinage un poil juste en endurance
  • Le shifter qui ne fonctionne pas au rétrogradage (’est qu’on devient difficile !)

La fiche technique de la Kawasaki ZX-6R 636

Points forts ZX-10R

  • La puissance abordable
  • Les assistances discrètes et efficaces
  • La finition et la qualité perçue
  • Le shifter up & down

Points faibles ZX-10R

  • Le prix
  • Le coût d’utilisation

La fiche technique de la Kawasaki ZX-10R

Les Journées K

K comme Konviviales. Aux journées K, on accepte tout le monde, avec ou sans Kawa. Vous pouvez donc venir entre amis, vous tirer la bourre, sans distinction de marque. Pour parfaire vos connaissances, vous pouvez compter sur des instructeurs sympathiques et disponibles qui vous observeront et vous donneront des conseils. Les groupes de niveau vous permettent de rouler en sécurité, « sans crainte et sans reproche », au milieu de motards qui ne se prennent pas la tête. Bref, une belle et bonne expérience et l’occasion de rouler sur le mythique tracé du Mans, quelques jours après le GP. Magique ! Comptez 155 € la journée pour une Kawa et 175 si vous roulez sur une autre marque. Attention, il n’y a qu’une seule journée par an.

Les Journées K permettent de rouler sur piste, que l'on soit sur une Kawasaki ou n'importe qu'elle autre marque
Les Journées K permettent de rouler sur piste, que l'on soit sur une Kawasaki ou n'importe qu'elle autre marque

Commentaires

VFatalis

Il y a aussi une question de gabarit, j'envisage difficilement de caser mon double mètre sur une 600 du coup obligé de partir sur une 1000 moins facile à exploiter

24-07-2019 15:53 
aximum

"sur une 1000 moins facile à exploiter"

L'article dit que finalement la 1000 s'avère plus docile et facile à piloter. Après c'est pas le même budget, certes.

25-07-2019 09:09 
passûr

Quelle moto pour quelle piste pour quel budget et pour quel "pilote" ?
Eut été la bonne question.

Personnellement, petit circuit (moins dangereux, le loisir ne doit pas conduire dans un fauteuil roulant).
Budget très faible (pour ne pas avoir de frustrations).
Petite cylindrée légère (youngtimer parfait) en rapport avec le budget.
Pour un "pilote" qui ne cherche pas à rouler au dessus de ses pompes, si j'avais dû être très bon je l'aurais su depuis longtemps...

12-09-2020 15:28 
 

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