english

Essai moto Bimota BB3

La Superbike de route italienne à moteur bavarois

4 cylindres de S 1000 RR, 200 ch et 112 Nm, 179 kg à sec

Marquant le retour de Bimota en WorldSBK et une nouvelle ère pour le constructeur italien, la BB3 à moteur de BMW S 1000 RR n'aura finalement connue qu'une brève carrière. Malheureusement dira-t-on, car la sportive se montrait aussi à l'aise sur route que performante. Essai...

Essai de la sportive Bimota BB3
Essai de la sportive Bimota BB3

L’usine Bimota de Rimini se trouve au cœur de la Riviera Adriatique italienne, où jusqu’à cet été des millions de touristes allemands venaient poser leurs serviettes sur ses plages. Et tout comme les différentes stations balnéaires bordant les kilomètres de sable doré dépendent pour leur subsistance de cet afflux teutonique, la renaissance en 2014 du constructeur italien de motos avec un nouveau propriétaire a été lié à son alliance avec BMW. C'est ainsi qu'est sortie la nouvelle Superbike BB3 propulsée par le moteur quatre cylindres de la S1000RR du constructeur allemand.

En réalité, ce n'était pas la première fois que BMW et Bimota faisaient équipe. Le début de la collaboration remonte même à trente ans avec la BB1 Supermono en 1994-95 avec le moteur Rotax à 4 soupapes de la F650. Les deux ont alors travaillé sur la conception d'une nouvelle BMW avec la K 1200 RS lancée en 1997 avec un châssis en aluminium dérivé d'un prototype de Bimota. Après ça, la marque allemande s'est lancée dans le segment sportif, giron de Bimota, en développant le quatre cylindres à course courte de 999 cm3 de la S1000RR qui courut durant cinq saisons en Championnat du Monde Superbike. Si la moto remporta des courses, elle ne décrocha aucun titre mondial la conduisant à son retrait officiel à la fin de la saison 2013 (pour finalement revenir en 2019). Ainsi, c'est Bimota qui a eu la tâche de concourir en WorldSBK avec un moteur BMW dès 2014 en faisant équipe avec le team Alstare de Francis Batta pour mener la BB3 dans le cadre du programme de développement du modèle. Cela marquait également le retour de Bimota sur la liste des constructeurs engagés dans cette compétition où elle avait failli remporter la victoire lors de l'inauguration du championnat en 1988.

Ayrton Badovini sur la BB3 en WorldSBK
Ayrton Badovini sur la BB3 en WorldSBK

Si la marque n'était pas éligible pour marquer des points en raison du nombre insuffisant de motos produites pour répondre à la réglementation, la BB3 a connu de bons résultats avec Ayrton Badovini et Christian Iddon se plaçant systématiquement à l'avant de la classe EVO et souvent dans le top 10 final. Si Badovini avait pu marquer des points, il aurait en effet été classé deuxième pilote EVO à la mi-saison après l'épreuve de Laguna Seca, une véritable performance pour une moto qui avait effectué ses premiers tours de roues en mars de la même année.

Découverte

L'homme responsable de la création de la BB3 et de tous les autres modèles Bimota de la décennie précédente est Andrea Acquaviva. C'était également mon ingénieur de course lorsque j'ai couru pour Bimota dans les années 1990. Le projet BB3 a ainsi débuté en 2013, bien qu'un prototype BB2 également propulsé par un moteur S1000RR ait été présenté à Milan en novembre 2012 pour mettre en avant l'accord entre le spécialiste italien du châssis et BMW. Car même avant l'acquisition de la société par Daniele Longoni et Marco Chiancianesi en septembre 2013, Acquaviva et le designer Enrico Borghesan avaient déjà concrétisé leur projet de créer une superbike Bimota BMW qui soit aussi éloignée de la S1000RR de série que la DB7 l'était de superbikes Ducati.

C'est au salon de Milan 2013 que fut présentée la BB3
C'est au salon de Milan 2013 que fut présentée la BB3

La BB3 est surtout le premier modèle Bimota de route doté d'un quatre cylindres depuis la fin de la production de la YB9 600 à moteur Yamaha de 1998. Elle embarque une version non modifiée du moteur de la S1000RR et de la transmission à six rapports. Cependant, un échappement Arrow spécialement développé, combiné à une boîte à air différente avec deux conduits d'admission plutôt qu'un, ont permis d'améliorer les performances de 7 chevaux, revendiquant alors 200 ch à 13.000 tr/min. Bimota a également conserver l'ECU d'origine pour faciliter l'homologation. Pour la première fois, une Bimota se dote ainsi de trois modes moteur différents, du contrôle de traction, de l'anti-wheeling, de l'aide au départ, de l'ABS désactivable ou encore du contrôle de frein moteur et d'un embrayage à glissement mécanique. Le shifter BMW a ici été remplacé par un modèle IRC.

Le moteur 4 cylindres de la BMW S1000RR
Le moteur 4 cylindres de la BMW S1000RR

Ironiquement, Bimota a décidé de remplacer le cadre double poutre en aluminium de la S1000RR. C'est pourtant la marque italienne qui fut la première à adopter ce design dérivé du GP sur une Superbike 4 temps avec la YB4 de 1986. A la place, on retrouve un cadre périmétrique composite utilisant le moteur comme élément sous contrainte avec des longerons extérieurs en acier tubulaire fixés à des pivots de bras oscillant en aluminium. Le bras aussi est en aluminium taillé dans la masse. Cette oeuvre d'art métallurgique exploite un mono-amortisseur Öhlins TTX36 via une liaison progressive. La géométrie de direction est relativement classique avec la fourche Öhlins TTX de 43 mm réglée sur un angle de chasse de 25°, une trainée de 106 mm et un empattement de 1.430 mm.

Bimota abandonne le cadre périmétrique en aluminium pour des tubes d'acier
Bimota abandonne le cadre périmétrique en aluminium pour des tubes d'acier

Des roues OZ en aluminium forgé sont équipées avec une jantes avant de 3,50 pouces assortie à une arrière de 6 pouces et deux disques avant flottants Brembo de 320 mm saisis par des étriers monobloc GP4RC à 4 pistons et fixation radiale. Le disque arrière de 220 mm est mordu par un étrier à deux pistons.

Les jantes OZ sont en aluminium forgé
Les jantes OZ sont en aluminium forgé

Le carénage en fibre de carbone conçu par Enrico Borghesan comprend aussi un sous-cadre de selle autoportant en carbone. La BB3 ne pèse ainsi que 182 kg (avec eau et huile mais sans carburant) avec une répartition du poids de 51/49 contrastant avec la BMW plus extrême à 54/46.

Le carénage de la BB3 est en fibre de carbone
Le carénage de la BB3 est en fibre de carbone

En Selle

La première chose à dire c'est que la BB3 semble assez différente de la BMW S1000RR avec laquelle elle partage son moteur. Durant la quinzaine qui a suivi, j'ai pris la S1000RR de mon ami Ron pour une virée. La Bimota se sentait définitivement plus petite et plus étroite que l'Allemande. Malgré la même hauteur de selle de 820 mm, on se sent assis légèrement plus haut sur la moto italienne. Cependant, il est toujours possible de mettre les deux pieds à plat sur le sol au feu rouge. Quoi qu'il en soit, la position n'est pas trop extrême pour rendre la BB3 fatigante à piloter : le poids du corps n'est pas trop porté sur les bras et les épaules, la moto est même plus équilibrée en termes de position de conduite.

La position de conduite est plus équilibrée que la S1000RR d'origine
La position de conduite est plus équilibrée que la S1000RR d'origine

Bimota ayant équipé la BB3 du même tableau de bord que la BMW, il y a un léger sentiment de déjà-vu, jusqu'à ce qu'on laisse son regard se poser sur le magnifique triple té supérieur, de toute évidence en alliage taillé dans la masse, ou sur la protection en carbone du réservoir de 16 litres, ou encore... eh bien, chaque Bimota jamais fabriquée est un vrai régal pour les yeux, c'est tout ce qu'il y a dire.

Le compteur est directement repris de la BMW, tout comme l'électronique embarqué
Le compteur est directement repris de la BMW, tout comme l'électronique embarqué

Sur circuit

La première occasion que j'ai eu de prendre le guidon de la BB3 s'est présentée lors d'une journée piste sur le tout nouveau Circuito Tazio Nuvolari près de Pavie sur les rives du Pô. Malheureusement, trois des virages de ce circuit de 2.80 km avaient été resurfacés deux jours plus tôt et se montraient mortellement glissants, ce qui obligeait à contourner la trajectoire par l'extérieur des virages pour éviter de chuter comme beaucoup l'ont fait ce jour là.

Essai de la BB3 sur le circuit de Nuvolari
Essai de la BB3 sur le circuit de Nuvolari

Mais même sur le petit tronçon de piste qui pouvait être emprunté plein gaz en toute sécurité, y compris la courbe à droite à prendre en 3e et la ligne droite principale, la nouvelle Bimota affichait une tendance inquiétante à pousser l'avant, provoquant un dribble important lorsque j'essayais de maintenir ma vitesse en courbe. De retour dans les stands pour enquêter sur ça, le coupable fut immédiatement trouvé : le pneu avant était mal en point sur le côté droit, provoquant le dribble, que nous avons tenté de résoudre en ajustant la suspension. L'équipe Öhlins-Andreani qui s'occupe du team Alstare s'est alors penché sur le problème, mais il fut évident après 14 tours que le problème venait du pneu, pas des suspensions.

Sans doute pas adapté à la moto, le pneu avant a énormément souffert
Sans doute pas adapté à la moto, le pneu avant a énormément souffert

OK, c'est peut-être un défaut, ça arrive, donc on en monte un nouveau... mais le résultat est le même. Les pneus montés n'étaient juste pas à la hauteur des performances de la moto avec ce dribble certainement provoqué par la combinaison d'une carcasse trop rigide et d'un composé trop dur. Mais avec 29°C et un plein soleil, ce n'était certainement pas à cause de la température, même si cela donnait l'impression que le pneu ne parvenait pas à chauffer suffisamment. Nous avons tenté de réduire la pression, légèrement dans un premier temps, puis drastiquement à seulement 1.8 / 1.6 bar, mais en vain.

Cette première prise en main a révélé un vrai problème sur le comportement de la machine
Cette première prise en main a révélé un vrai problème sur le comportement de la machine

Afin de faire un véritable essai de la Bimota, je suis donc retourné à Rimini deux semaines plus tard pour une journée complète de roulage sur la même BB3, mais désormais équipée de Pirelli Diablo Supercorsa. J'ai alors pris la direction des routes de la région que Massimo Tamburini utilisait lui-même pour évaluer et développer ses différentes créations, comme les Ducati 916 et MV Agusta F4, pour trouver un terrain adapté. Ok, alors qu'avons-nous maintenant ?

En ville

La lecture du rapport sélectionné sur le compteur est facile à voir. Il est vraiment impressionnant de voir à quel point la Bimota roule aussi à basse vitesse en utilisant l'embrayage léger à actionner qui ne rend pas la conduite trop usante en ville ou dans la circulation. La sensation d'équilibre de la moto la rend accessible pour des motards moins expérimentés dont le rêve de posséder une Bimota peut désormais se réaliser. Les intentions d'Andrea Acquaviva de faire de cette moto une machine polyvalente aussi à l'aise sur route que sur piste se sont réalisées. C'est à la fois une moto indulgente et rapide.

La BB3 est équilibrée et se comporte aussi très bien à basse vitesse
La BB3 est équilibrée et se comporte aussi très bien à basse vitesse

Autoroute et voies rapides

Et rapide, elle l'est ! Très, très rapide même... mais avec des feux, un klaxon et une plaque d'immatriculation. On atteint 160 km/h sur le dernier rapport à seulement 7.000 tr/min, ce qui en fait une véritable moto de route capable d'atteindre les 320 km/h alors que le rupteur du ride-by-wire est paramétré à 14.000 tr/min. Pour les débuts de la BB3 à Aragon, Badovini s'était fait flasher à 308 km/h dans la ligne droite d'un kilomètre, soit 2 km/h de plus que la S1000RR de BMW Italia. Et tout cela s'effectue avec la tonalité grandiose, bien que légèrement assourdie, de l'échappement Arrow.

Forcément, avec son moteur de 200 ch, la Bimota est une championne de la vitesse
Forcément, avec son moteur de 200 ch, la Bimota est une championne de la vitesse

Départementales

Malgré sa géométrie de direction relativement conservatrice, la BB3 est nettement plus agile et plus légère que la S1000RR. Les deux motos que j'ai testées avaient les mêmes pneus Diablo Supercorsa, donc ils ne sont pas en cause. S'engager dans une courbe est presque intuitif. La Bimota ne tombe pas vers le point de corde, mais s'y rend de manière mesurée, presque comme sur pilote automatique. Elle est également plus facile à faire passer d'un côté à l'autre dans les virolos par rapport à ce que ce l'on attend normalement d'une sportive de 1.000 cm3 aussi puissante. Le pilote Christian Iddon m'avait précédemment vanté les mérites de la maniabilité dans les virages lents et moyens, me prévenant que j'allais me régaler. Devinez quoi, il avait raison ! Lui et Badovini pilotaient des motos identiques à la BB3 de série en WorldSBK EVO et leur configuration de châssis ainsi que leurs commentaires sur les suspensions ont été intégrés aux paramètres par défaut de la sportive de route. Vous voyez, la compétition améliore bien les motos !

La BB3 se montre très précise dans ses trajectoires
La BB3 se montre très précise dans ses trajectoires

La qualité de roulement est également improbablement bonne pour une moto sportive aussi affûtée. Je suis impressionné de voir à quel point elle ignore les gros défauts de la route, passant sur toutes les imperfections, sauf les pires, avec une conformité étrange. Cela n'a cependant pas été obtenu au détriment de la stabilité dans les virages plus rapides, comme j'ai pu le constater en soumettant la Bimota désormais chaussée de Pirelli au même examen qu'elle n'avait pas réussi à Nuvolari. Cette fois le test passe avec brio. Le sous-virage que j'avais rencontré sur circuit a également disparu, la Bimota épousant une trajectoire serrée dans cette courbe rapide. De plus, ceux-ci offrent bien plus de feeling et de retour d'information. Selon le constructeur, les seules modifications apportées à la moto entre mes deux roulages étaient le changement de pneus et la modification des réglages de suspension pour les adapter aux Pirelli.

Les suspensions gomment parfaitement les défauts de la route
Les suspensions gomment parfaitement les défauts de la route

J'avais déjà remarqué à Nuvolari que la BB3 accélérait extrêmement bien, avec le contrôle de traction de l'ECU BMW de série éliminant tout problème d'adhérence, bien qu'elle aimait lever la roue à l'accélération, mais de manière contrôlée dans le sens où la roue plane au-dessus de l'asphalte lorsque l'on ouvre en grand et que l'on passe les rapports à la volée avec le quickshifter IRC. C'est une bonne décision de l'avoir installé car il est plus lisse et précis que celui de BMW. Le technicien de Bimota, Davide Comandini, mérite ici une tape dans le dos pour sa patience à l'avoir bien mis en place. Que cette accélération soit due au poids plus léger ou aux sept chevaux supplémentaires de la BB3 par rapport à la BMW, je ne sais pas.

Freinage

La meilleure chose avec la Bimota n'est pas tant sa capacité à aller de l'avant, mais aussi celle à s'arrêter. Les freins Brembo Monobloc délivrent un freinage puissant, comme toujours. Mais la façon dont la Bimota s'arrête avec un stabilité absolue, sans jamais soulever l'arrière, quelle que soit la force avec laquelle on actionne le levier, est vraiment impressionnante et donne du crédit au système anti-levée de l'ABS BMW. Je n'ai pas eu le courage d'aller chercher les limites de cet ensemble en forçant l'ABS à intervenir sur route sèche. Mais avec les pneus Pirelli et les freins Brembo, la Bimota dispose d'une capacité d'arrêt phénoménale. Bizarrement, l'équipe Alstare a retiré ces Brembo et les a échangés contre des Nissin sur la moto de course. OK, il n'y a pas d'ABS en course, mais quand même, pourquoi ??

Puissant et précis, le freinage Brembo se montre toujours aussi efficace
Puissant et précis, le freinage Brembo se montre toujours aussi efficace

Conclusion

Malheureusement, les nouveaux propriétaires de Bimota, Daniele Longoni et Marco Chiancianesi, n'ont pas eu les liquidités nécessaires pour acheter suffisamment de moteurs BMW pour permettre au constructeur de continuer à fabriquer la version Gen1 de son moteur superbike sur laquelle la BB3 était basée. BMW est donc passé au Gen2 en 2015 avec d'importantes modifications techniques. C'est pourquoi seuls 40 exemplaires de la BB3 ont été construits et que le prototype du roadster naked qu'Acquaviva avait imaginé n'a jamais atteint la production. Dommage.

Dommage que seuls 40 exemplaires aient vu le jour
Dommage que seuls 40 exemplaires aient vu le jour

Pourtant, après avoir roulé sur route et sur circuit, j'étais convaincu que la BB3 était la meilleure Bimota jamais construite en 40 ans d'existence de la société. C'était le 50e modèle différent de Bimota que j'ai piloté (oui, je suis aussi surpris qu'ils aient construit autant de motos différentes !) et ce fut une expérience importante à plus d'un titre, pas seulement sur le plan personnel. C'était une moto de référence, de la même manière que la YB4 à moteur Yamaha pouvait être championne en 1988 lorsque Davide Tardozzi a failli remporte le premier titre WSBK. Mais alors que Kawasaki est entré au capital de la marque à part égale avec les actuels propriétaires nous donne la certitude que Bimota est bien de retour.

La Tesi H2 propulsée par le méga-moteur 4 cylindres suralimenté du Special K fera la une des journaux. Mais la KB4 qui vise la route, plus conventionnelle et de style néo rétro avec un moteur de Ninja 1000 SX qui suivra sera probablement la meilleure vente de la société. Et avec Acquaviva, le créateur de la BB3, aux commandes, il faut s'attendre à voir de nombreuses solutions de conception de la BB3 intégré à la KB4, y compris dans le format du cadre composite.

De retour pour de vrai, en effet. Mieux vaut tard que jamais.

Points forts

  • Moteur
  • Freinage
  • Partie-cycle
  • Look

Points faibles

  • Seulement 40 exemplaires
  • Tarif

La fiche technique de la Bimota BB3

Conditions d’essais

  • Itinéraire: petites routes variées + circuit
  • Problème rencontré : Des pneus pas adaptés à Nuvolari