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Essai Yamaha XS1100

Histoire sur deux-roues

4 cylindres en ligne, 1.102 cm3, 95 ch et 90,2 Nm, 256 kg, réservoir de 24 litres

Yamaha XS 1100 ! Si la moto est devenue un mythe, c'est avant tout une moto qui doit gagner ses lettres de noblesse face aux Honda CBX 1000, Kawasaki Z1000 et autres Suzuki GS 1000 lors de sa sortie en 1978. Et pourtant ! Cette même année, c'est bien une Yamaha XS 1100 - ou encore XS Eleven - qui remporte une grande course internationale sur route. Explications et essai du modèle historique, complètement restauré, sur circuit.

Retour en arrière. Jim Budd et Roger Heyes s'associent avec pour objectif de remporter la course d'endurance des Castrol Six Hours disputée en Australie. Avec l'épreuve Stock du Tourist Trophy, cette course était largement reconnue à l'époque comme l'une des plus importantes courses de motos de série, c'est-à-dire des motos identiques à celles que l'on peut acheter dans le commerce. Et en 1978, cela faisait déjà huit années que la course était organisée sur le circuit d'Amaroo Park par le plus grand moto club de Nouvelle Galles du Sud, le Willoughby District Motorcycle Club basé sur la côte nord de Sydney.

Essai de la Yamaha XS1100 Team Avon
Essai de la Yamaha XS1100 Team Avon

Découverte

La piste étroite et sinueuse de 1,94 km d'Amaroo est une version de l'hémisphère sud du tracé de Brands Hatch avec beaucoup de dénivelé et une majorité de virages à droite. L'épreuve attirait pas moins de 20.000 spectateurs et une grille complète de 40 motos se bousculant tout au long des 360 tours et plus, chaque tour se bouclant en moins d'une minute. C'était de loin la course de moto la plus importante et la plus prestigieuse d'Australie durant ses 18 années d'existence jusqu'en 1987, avec les trois dernières courses disputées à Oran Park. Puis vint le Grand Prix 500 d'Australie à Phillip Island à partir de 1989 qui d'une certaine manière lui succèda.

Complètes avec ses arrêts cruciaux pour le ravitaillement et le changement de pneus, les Six Hours étaient retransmises chaque année en direct à la télévision dans leur intégralité, jusqu'à ce que Castrol cesse de soutenir l'épreuve en faveur du Motocross et plus tard des V8 Supercars. On est alors en 1987. Sa disparition est également due au fait que l'Oran Park, plus long et plus vaste, n'offrait pas l'ambiance de "chaudron" d'Amaroo et était moins spectaculaire auprès du public qui, en plus, perdait son attrait pour les courses de motos de série au profit de la nouvelle catégorie Superbike qui arrivait alors.

Jim Budd sur la XS Avon aux Castrol 6 Hours 1978
Jim Budd sur la XS Avon aux Castrol 6 Hours 1978

A leur apogée à la fin des années 70, les Castrol Six Hours étaient vraiment la course de motos de série la plus prestigieuse, la plus médiatisée, la mieux financée et la plus importante sur le plan commercial du calendrier mondial. C'était celle qui comptait ! En tant que tel, elle a bénéficié d'un énorme soutien de l'industrie moto jusqu'au niveau des usines, ainsi que de leurs clients de l'Océanie qui la considéraient comme un test grandeur nature de leurs motos et des pneus qu'ils pourraient acheter. Un élément clé de la course dès ses origines reposait sur le fait que les motos devaient être entièrement stock et rester similaires à celles que l'on trouvait dans les concessions. Elles étaient d'ailleurs rigoureusement inspectées avant et après la course.

Yamaha s'est tardivement mêlé à la fête en construisant finalement un modèle quatre temps de grosse cylindrée avec la XS1100, lancée seulement en 1978. Seul parmi les quatre constructeurs japonais, la marque s'était jusqu'ici plutôt concentrée sur la réussite en Grand Prix avec une série de deux temps, puis en adaptant les avantages à ses clients de tous niveaux sportifs à travers sa gamme TA / TD / TZ et leurs versions de route RD 250 / 350 / 500 LC. Mais avec la demande grimpante pour la nouvelle génération de motos à quatre temps renforçant l'essor du deux roues dans le monde (en Australie, un record de 80.538 motos ont été vendues en 1974 pour une population de seulement 13,72 millions d'habitants), Yamaha ne pouvait que regarder Honda, Kawasaki et Suzuki, ainsi que Ducati et BMW se battre lors des grandes épreuves d'endurance comme les Castrol Six Hours et profiter de l'effet bénéfique du "victoire le dimanche, vente le lundi" en concession. Yamaha ne pouvait désormais plus attendre pour se lancer sur ce marché et les débuts en 1978 de la XS1100 furent le fruit du travail de la marque pour présenter un modèle. Elle s'est alors proclamée moto de série la plus rapide au monde, une affirmation renforcée par ses performances sur les courses d'accélération, les courses sur circuit arrivant plus tard.

La Yamaha XS1100 Team Avon
La Yamaha XS1100 Team Avon

Confrontée à la toute aussi nouvelle GS1000 de son rival Suzuki et aux Kawasaki KZ900/1000, ainsi qu'à la superbe arme secrète de Honda, la CBX1000 six cylindres lancée début 78 et présentée comme la moto la plus rapide, l'imposante XS1100 de Yamaha (256 kg à sec sur les balances de contrôle des Castrol Six Hours) utilisait une transmission finale par arbre reprenant la technologie acquise auprès de BMW et se présentait ainsi plus comme un tourer que comme une sportive. C'était particulièrement vrai avec le haut niveau de couple disponible à mi-régime du moteur de 1.105 cm3 à double arbre à cames en tête et refroidissement par air mesurant 71,5 x 68,6 mm, avec 90,2 Nm culminants à 6.500 tr/min mais aussi disponibles en grande partie sur toute la plage de régimes. La puissance à la roue arrière atteignait les 95 chevaux à 8.000 tr/min. Mais bien que plus lourde et moins rapide que ses concurrentes, la XS1100 s'est imposée comme une machine taillée pour la victoire grâce aux efforts de Pitmans Motorcycles, l'importateur sud-australien.

Mal Pitman, 67 ans et dont l'entreprise familiale a été fondée en 1955, a ainsi travaillé main dans la main avec les ingénieurs Yamaha sur le développement de ces premiers quatre-temps :

Yamaha Japan a eu une période torride avec ses TX500 et TX750. Et en 1976, quand ils ont présenté le trois cylindres XS750, c'était pour démontrer leur capacitéà résoudre les problèmes qu'ils avaient rencontrés jusqu'ici. Ils espéraient vraiment que la XS750 et les plus grosses motos qui ont suivi, menées par la XS1100, soient totalement sûres. Donc en décembre 77 ils ont envoyé une équipe comprenant un technicien et trois pilotes du Japon pour passer trois semaines avec nous pendant que nous testions les motos dans l'Australie du Sud lors de longues virées entre Swan Reach, au nord-est d'Adelaide et Loxton puis en redescendant vers la sud et la frontière avec Victoria jusqu'à Pinnaroo.

Le moteur de 1.102 cm3 développait 95 ch
Le moteur de 1.102 cm3 développait 95 ch

Nous faisions des trajets de 650 km chaque jour pendant près de trois semaines. Ils voulaient que nous fassions plus de 180 km/h en permanence pour qu'ils puissent vérifier la durabilité du moteur en utilisation réelle, s'arrêtant tous les 100 km pour vérifier l'huile. Ils avaient des capteurs partout sur la moto pour mesurer les températures et autres. C'était au milieu de l'été, il faisait donc 40°C tous les jours avec des températures qui tournaient sur la route à 60°C. Sous cette chaleur, les pneus arrière ne duraient qu'une seule journée, avant de finir en lambeaux. Nous avons globalement acheté tous les pneus de 17 pouces d'Adélaïde pour maintenir la moto en marche. Mon cousin Dean Pitman et moi sommes devenus très rapides sur les changements de roues ! De plus, notre pilote Greg Pretty s'est senti très à l'aise à haute vitesse sur la XS, après avoir appris à la dure le premier jour que l'on ne coupe pas l'accélérateur en milieu de courbe sur une moto à arbre, car lorsque le vous le faite vous perdez 5 cm et vous manquez alors de garde au sol ! Il n'a pas été trop blessé en découvrant ça, alors il a continué à rouler. Après il a été impossible à battre quand il a commencé à piloter pour nous, grâce également à son poids de 52 kg qui permettait de compenser le surpoids de la moto !

Pretty et la Yamaha XS1100 Pitmans sont instantanément devenus l'homme et la moto à battre lors de la saison de courses de motos de séries de 1978, remportant pour leur première les Adelaide Three Hours avant de faire équipe avec Mick Cole pour remporter les Perth Four Hours. Cette course permit à Cole de gagner sa place sur la Honda CBX qui arriva peu après. L'importateur victorien de Yamaha, Milledge, remporte alors la victoire la course suivante des Sandown Three Hours de Melbourne avec Bob Rosenthal roulant seul du début à la fin sous une pluie torrentielle. En revanche, lors des Calder Two Hours, c'est Cole qui s'impos sur la Honda tandis que Greg Pretty échoue à la quatrième place de cette course "sprint". C'est d'ailleurs la seule manche qui ne sera pas remportée par une Yamaha cette année-là. Pretty renoua ensuite avec la victoire aux Surfers Paradise Three Hours en solo avant de rééditer avec Jeff Miller lors des Castrol Six Hours. "Meet the new Boss", voilà ce que titraient les publicités Yam' dans la presse moto australienne pour vanter la série de victoires de la Pitman XS.

Rob Phillis sur la Kawasaki Z900 #32 face à Bob Rosenthal sur la XS1100 #41 à Hume Weir en 1978
Rob Phillis sur la Kawasaki Z900 #32 face à Bob Rosenthal sur la XS1100 #41 à Hume Weir en 1978

Outre les équipes dirigées par l'importateur Yamaha de chaque Etat (Yamaha Australia n'existait pas encore), le succès de la XS1100 dans les mains de Pretty en faisait une machine de choix pour les autres concurrents des Six Hours étant donné qu'elle n'avait en théorie aucune pièce moteur spéciale comme ce put être le cas en Superbike où seuls les équipes factory en bénéficiaient. Pour le Team Avon Tyres, dirigée par l'importateur Avon Lindsay Walker, la course était l'occasion de démontrer la valeur du nouveau pneu Roadrunner face aux produits concurrents, en particulier Metzeler. Son équipe avait utilisé des Kawasaki jusqu'à présent, ses pilotes Jim Budd et Roger Heyes remportant les Castrol Six Hours en 1976 avec une Z900. En 1978, ils avaient jusqu'à présent piloté des Z1000 et Suzuki GS1000, sans grand succès : la Kawasaki avait un trop petit réservoir et la Suzuki des problèmes de garde au sol. Cela valait-il la peine de passer sur la nouvelle Yamaha ?

Lindsay Walker :

Avec la course qui approchait, nous avons débattu pendant un certain temps de la machine à piloter et nous nous sommes finalement décidés pour la Yamaha. Nous savions que ce n'était pas la moto la plus rapide à Amaroo Park, mais en même temps, les XS1100 avaient remporté presque toutes les grandes courses de production en Australie jusqu'à présent cette année-là. Et un élément clé était que, malgré la plus grosse cylindrée des trois motos, la Yamaha était la plus économe. Et avec son réservoir de 20 litres, elle pouvait faire les Six Hours avec seulement trois arrêts contre quatre pour les Suzuki et Honda et même cinq pour les Kawasaki.

Alors que la Honda avait la vitesse brute grâce aux 105 chevaux de son moteur de 1.047 cm3 permettant à Graeme Crosby de décrocher la pole position avec 0,4 seconde d'avance sur la Suzuki d'Alan Hales, des interrogations planaient autour de l'impact du six cylindres sur l'usure des pneus. Avant-course, Jim Budd fit un commentaire prémonitoire : "Je sais qu'il existe plusieurs pronostics sur la course de cette année, mais je pense que ce sera l'année du changement rapide de roues". Trop vrai !

La XS était avantagée sur les courses longues par les 24 litres de son réservoir
La XS était avantagée sur les courses longues par les 24 litres de son réservoir

Lorsque le drapeau fut agité à 10h00 le dimanche 22 octobre pour donner le départ, type Le Mans, de ces Castrol Six Hours, Graeme Crosby prit immédiatement la tête des 40 équipages sur sa CBX. Après s'être qualifié troisième sur la grille, Jim Budd a retenu une grosse glissade au départ de l'Avon XS1100 avant de laisser échapper une fumée tout au long du premier tour, ce qui inquiéta ceux qui le suivait sur la piste ainsi que dans les stands. Heureusement, il ne s'est pas vu infliger de drapeau noir pour éviter une explosion et la fumée s'est progressivement dissipée à mesure que l'huile brûlait, le carter avait simplement été trop rempli ! Mais Budd était retombé à la 9e place lorsque Crosby, Greg Pretty sur la Pitmans Yamaha et Alan Hales sur Suzuki avaient pris le large. Crosby a ensuite ralenti et laissé Pretty prendre la tête en signalant avec insistance à son équipe que quelque chose n'allait pas à chaque passage devant les stands. Après seulement 14 tours, il ramenait au stand la Honda qui souffrait d'un mal mystérieux attribué plus tard à un mauvais lot de carburant, menant le favori d'avant-course à l'abandon après 41 minutes de course. A ce moment-là, Hales avait repris la tête à Pretty, chacun comptant un tour d'avance sur Budd jusqu'à ce que Hales passe la main à son coéquipier Neil CHivas. Pretty et Budd profitent alors des plus grands réservoir de 24 litres et la moindre consommation des Yamaha pour rester plus longtemps en piste. Le Sud Australien passe la main à Jeff Miller qui allait ensuite crasher la Pitmans XS1100 40 minutes plus tard.

A mi-course, Hales menait les débats après le second ravitaillement et tentait de reprendre un tour d'avance à l'Avon Yamaha, cette fois avec Heyes aux commandes, mais proche de devoir faire le plein. Résistant, Heyes affrontait la Suzuki des leaders durant cinq tours jusqu'à ce que Hales tombe dans la Dunlop Loop, cédant alors les commandes de la course à Neill et Cole sur une Honda CBX. Alors troisième, Heyes marquait son arrêt au stand et en profitait pour réaliser le premier changement de pneus en course de l'histoire de l'épreuve (interdit avant 1978).

Lindsay Walker :

Je pensais que cette année, tout le monde devrait changer les pneus car les vitesses plus élevées signifiaient une usure accrue des pneumatiques sur l'asphalte très abrasif d'Amaroo. J'ai donc décidé de changer de pneu à mi-course, ce qui a permis à la Yamaha de se relancer dans la course à la victoire puisque le changement d'une roue est plus rapide sur une transmission par arbre. Nous nous sommes entraînés au changement de roue tous les soirs pendant un mois et lorsque nous l'avons fait en course en à peine plus de temps qu'un ravitaillement normal, ça a dévasté les concurrents.

En fait, le pneu utilisé ne semblait pas trop usé, mais Walker croyait à raison qu'un Avon arrière neuf donnerait à ses pilotes à la fois plus de performances et un avantage psychologique pour la seconde moitié de la course. L'arrêt n'aura duré que 74 secondes.

Le changement de roue crucial des Castrol 6 Hours 1978
Le changement de roue crucial des Castrol 6 Hours 1978

Le pneu neuf permis à la Yamaha de rouler plus vite que la Honda leader qui à son tour dut s'arrêter également pour passer un nouveau Metzeler arrière sur instruction des commissaires pour éviter les problèmes de sécurité. L'arrêt difficile a pris 4min10 et repoussé la CBX à la troisième place derrière la Ducati 900SS de Warrian et Kelly. C'est donc Heyes qui franchit la ligne d'arrivée en vainqueur à 16h00 avec plus d'un tour et une confortable avance de près de deux tours sur la desmo qui elle n'avait pas changé ses Metzeler. La victoire de 1978 marque le début d'une longue série pour la XS1100 qui dominera l'épreuve jusqu'à la fin de l'événement en 1987 avec 5 victoires en 10 participations. Mais c'est bien ce premier succès qui donna le plus de satisfaction à la direction de Yamaha.

Il y a un autre retournement dans cette victoire puisque le changement de pneu était en fait l'initiative de Mal et Dean Pitman ! Les cousins avaient l'intention d'effectuer le changement de roue sur leur propre moto avant la chute de Miller et l'abandon de la Pitmans Yamaha. Ils ont alors emmené leurs équipements jusqu'au box d'Avon.

Mal Pitman :

Nous avions un peu d'expérience dans le changement de pneus après nos trois semaines d'essais sur route avec la Yamaha. C'était sympa de la part de Lindsay de nous demander de le faire pour eux !

Après sa victoire en course, la Yamaha XS1100 du Team Avon n'a étonnamment pas fini dans le musée de l'usine au Japon, ni même dans la salle d'exposition du distributeur McCullock Yamaha qui l'avait fourni à Avon. Au lieu de ça, la moto désormais enregistrée pour une utilisation sur route a été vendue à Graeme Hadley qui faisait partie de l'équipe de ravitaillement lors de la victoire à Amaroo Park. Il la récupéra en avril 1979 et l'utilisa pour ses déplacements et ses virées, parcourant 35.000 km jusqu'en 1989, date à laquelle elle fut mise au garage après quelques petits accidents. Graeme décède lors d'un voyage d'affaire au Japon en décembre 1994 et sa veuve Debbie vend la XS1100 à Bruce Loy, un pompier de Sydney, en 1996. Bruce nettoie lors les toiles d'araignée et l'utilise à son tour pour ses trajets personnels jusqu'en mai 2007. Elle est à cette époque retrouvée par Mal Pitman qui voulait mettre la main sur une des motos des Castrol Six Hours pour la restaurer. Bruce, qui cherchait une machine plus légère mais toujours avec un arbre de transmission, fut d'accord pour échanger la XS contre une XJ650 plus récente. Les deux hommes se sont rencontrés à mi-chemin entre Adélaïde et Sydney pour échanger leurs motos. La XS1100 affichait désormais 68.856 km sur le compteur et attendait avec impatience sa cure de jouvence en prenant la direction de l'Australie du sud pour retrouver son lustre d'antan.

La Yamaha XS1100 lors de son rachat par Pitman
La Yamaha XS1100 lors de son rachat par Pitman

Je savais que c'était la véritable moto grâce aux numéros de moteur et de châssis. Mais dès que je l'ai ramenée chez moi et que j'ai commencé à la démonter, j'ai trouvé tous les signes qui montrait qu'il s'agissait d'une machine de course. Les bouchons de vidange et de remplissage étaient forés pour passer les câbles de verrouillage, tout comme divers écrous. Les supports de repose-pieds montraient des signes d'usure là où se trouvaient les supports de plaques et quand j'ai retiré le support du feu arrière, un autocollant du sponsor SIDI était toujours en dessous tandis que l'autocollant de couronne de laurier Avon était toujours sur le bouchon du réservoir. Je l'ai entièrement démontée et reconstruite à partir de zéro. Mais je ne voulais que des pièces d'origine, pas des pièces de rechange. Il m'a donc fallu sept ans de travail et de voyages à travers le monde pour trouver les pièces dont j'avais besoin, en particulier le système d'échappement. Certaines pièces du moteur étaient également difficiles à obtenir. Je l'ai finalement terminée en avril 2014. J'ai alors parcouru environ 600 km pour roder le moteur sur les collines d'Adélaïde près de chez moi. Elle fonctionnait à merveille. Donc je l'ai emmenée au Broadford Bonanza peu de temps après. L'événement accueillait cette année-là le Castrol Six Hours Revival et Lindsay Walker était là pour se joindre à ce voyage dans le passé.

La restauration aura pris 7 ans à Pitman
La restauration aura pris 7 ans à Pitman

En selle

Depuis cette apparition unique, l'Avon Yamaha a été vendue à Motorcycling Australia, la fédération nationale de motos du pays, pour rejoindre les nombreuses motos de compétition de sa collection. Elle est actuellement exposée sur le musée du circuit de Bathurst. Avant cela, j'ai eu la chance que Mal Pitman me propose de piloter sa moto fraîchement restaurée pour des sessions sur le circuit de Broadford.

Le circuit de Broadford est assez similaire à celui d'Amaroo Park où cette Yamaha a connu la gloire 40 ans plus tôt. Il comprend quelques virages en dévers qui sont des dangers potentiels pour une moto à arbre comme celle-ci où la garde au sol est susceptible d'être un gros problème si vous relâchez trop les gaz pour une raison quelconque alors que vous êtes déjà sur l'angle. Je me suis auto-encouragé avant de monter sur la selle moelleuse et plutôt large de 810 mm de la Yamaha, du genre "assure toi d'avoir la bonne trajectoire avant de prendre un virage, de totalement freiner avant de t'engager pour pourvoir accélérer plutôt que de freiner sur l'angle comme on pourrait l'envisager sur une moto à chaîne. Mais surtout soit doux et elle sera gentille. Pas de soucis, mec...

Le large guidon aide à manier cette lourde machine
Le large guidon aide à manier cette lourde machine

Fraîchement restaurée, la XS1100 presque comme neuve est une belle révélation pour une moto de 40 ans. D'accord, avec cette géométrie de direction ouverte (la fourche Kayaba de 37 mm est ouverte à 29,5° avec 130 mm de chasse) et surtout l'empattement long de 1.545 mm, c'est une moto physique et il faut faire des efforts important pour l'emmener d'un angle à l'autre, en encore plus dans les Esses en descente menant derrière le Paddock de Broadford. On n'est pas non plus aidé par les 256 kg à sec (278 kg avec le plein de 24 litres). On pourrait la croire fatigante à rouler, mais la Yamaha ne semble cependant pas aussi lourde que les autres quatre cylindres japonais de l'époque que j'ai pilotés. Avoir le poids plus bas facilite la direction et aide surtout à mieux gérer les bosses, même avec ce débattement minime de 80 mm de la roue arrière offert par les amortisseurs Kayaba d'origine.

La Yamaha XS1100 est également un gros gabarit avec ses 1.545 mm d'empattement
La Yamaha XS1100 est également un gros gabarit avec ses 1.545 mm d'empattement

Essai

De plus, le large guidon, assez surélevé, fourni un bon effet de levier pour garder le contrôle et pour vous aider à emmener la moto à travers le tortueux tracé et ses virages. Cependant, la XS tire tout droit et reste très stable dans la ligne droite, même lorsque la roue avant se soulève inévitablement en passant la quatrième. C'est tout aussi bien car le règlement des Castrol Six Hours interdisait l'utilisation d'un amortisseur de direction. Donc si votre moto était remuante - et beaucoup l'étaient à l'époque - dommage, il fallait juste s'accrocher. Mais pas avec la Yamaha qui reste super stable sur les grosses accélérations accélération renforcées par le couple de 90,2 Nm disponible à 6.500 tr/min.

Le couple est généreux et atteint un maximum de 90,2 Nm à 6.500 tr/min
Le couple est généreux et atteint un maximum de 90,2 Nm à 6.500 tr/min

Et c'est l'élément clé de cette moto ! Cette copieuse propulsion provenant du moteur musclé se présente à l'exact opposén de sa rivale de l'époque, la Honda CBX 1000. Ses dimensions presque carrées de 71,5 mm x 68,6 mm fournissent de gros et volumineux cylindres, bien que moins imposants que ceux de la Honda à course courte et hauts régimes, qui se traduisent par des changements de rapports et une approche de la conduite rapide moins fatigante. Le moteur de la XS1100 tracte sans effort à la sortie des virages lents, avec l'impression que le couple arrive sans effort juste en ouvrant les gaz en grand à partir de 2.500 tr/min.

Ce fut l'une des premières motos à adapter des carburateurs CV. Et donc, non seulement, il n'y avait pas d'à-coup ou de tressaillement en sortie de courbe lente, mais la réponse de l'accélérateur était nette et précise - sans cependant être aussi agressive que les productions suivantes - mais toujours immédiate et par dessus tout contrôlable. La XS comprenait également un allumage transistorisé avec avance à vide, un élément emprunté au monde de l'automobile qui a considérablement amélioré les performance de l'accélérateur grâce à sa capacité à avancer le calage de l'allumage en cas de besoin. Cela aide le gros moteur à délivrer la puissance en douceur, peu importe le régime ou le rapport sélectionné.

L'arrivée de la puissance est en revanche très bien dosée et dosable
L'arrivée de la puissance est en revanche très bien dosée et dosable

J'ai d'autant plus apprécié cela lors de ma session suivante alors que l'Avon Roadrunner arrière commençait à patiner et à glisser en sortant du virage à droite en seconde à la fin de la ligne droite. Grâce à ma technique approuvée d'approche des virages, j'étais prêt à reprendre l'adhérence en prenant soin de ne pas relâcher l'accélérateur pour stopper la glisse et risquer de perdre de la garde au sol, mais de la contrôler avec l'accélérateur. Le fait que je garde la Yamaha délibérément aussi droite que possible en sortie de courbe, pour utiliser la bande de roulement de l'Avon arrière, a également aidé quand elle commençait à partir. A l'autre bout de cette ligne droite dans le virage en montée qui y mène, la Yamaha commençait également à glisser, mais c'était amusant parce que tout semblait très contrôlable grâce à l'excellent carburateur et à l'accélérateur réactif mais prévisible, ainsi qu'aux pneumatiques.

La transmission par arbre nécessite de prendre de nouvelles habitudes sur la piste
La transmission par arbre nécessite de prendre de nouvelles habitudes sur la piste

Partie cycle

La seule chose à laquelle je ne me souciais pas vraiment sur la Yam était le changement de rapports sur la boite mécanique, assez dure. Il faut impérativement utiliser l'embrayage pour chaque montée ou descente de vitesse et surtout tenir compte du fait que le changement est très lent. A tel point qu'en essayant de le précipiter, on peut manquer un rapport, comme j'ai pu le faire à deux reprises devant Mal Pitman. Oops !

Mais la tenue de route était meilleure que ce à quoi je m'attendais, surtout si vous continuez à tirer sur les gaz en virage, ce qui prévient tout sous-virage naissant. Mal avait évidemment pris soin de vérifier que les composants de la fourche modifiée "Version 2" fournis par Yamaha pour les Six Hours 1978 étaient toujours installés, ce qui assurait un retour d'information plus que suffisant de la part de l'Avon avant et ne plongeait pas trop quand je serrais les freins à la fin des deux lignes droites.

La fourche Kayaba est toujours équipé des éléments développés par Yamaha en 1978
La fourche Kayaba est toujours équipé des éléments développés par Yamaha en 1978

Freinage

La Yamaha a étonnamment bien freiné, même si elle avait besoin d'une pression ferme sur le levier avant pour la faire ralentir depuis les 180 km/h (au compteur, assez fonctionnel). Il faut dire que les doubles disques avant de 298 mm étaient assez grands pour leur époque. De plus est, en 1978, les Japonais avaient commencé à en apprendre davantage sur les matériaux des disques, de sorte que leurs freins commençaient enfin à devenir fonctionnels. Avec la transmission finale par arbre, j'étais réticent à l'idée de trop utiliser le frein moteur de peur de claquer l'extrémité arrière. Mieux vaut rétrograder de manière plus mesurée et obtenir une aide supplémentaire très utile pour arrêter la moto de cette façon, sans être trop excité comme j'ai pu l'être plusieurs fois, faisant ainsi bouger la roue arrière dans le virage. Pas une bonne idée !

A l'avant, des étriers à simple piston freinent les disques de 298 mm
A l'avant, des étriers à simple piston freinent les disques de 298 mm

Voir la course en vidéo

Le début de la course

La fin de la course

Conclusion

L'histoire a failli se répéter lors d'une énième session sur la moto, quand j'ai effectué une belle petite bataille avec Bob Rosenthal, qui avait également piloté une Yamaha XS1100 aux Castrol Six Hours de 78, mais qui était ici montée sur un autre artefact de la collection de Motorcycle Australia : la Moreparts Ducati 750 SS que Mike Hailwood et Jim Scaysbrook pilotaient lors de la même course et avec laquelle ils avaient mené la catégorie 750 cm3 jusqu'à la casse de la boîte de vitesses. Même sur une piste aussi sinueuse, la Yamaha a donné un bon aperçu de ses performances face à la Desmo plus légère et plus agile, mais moins rapide, même avec son empattement légèrement plus court et cela grâce à ce moteur coupleux et à une puissance maximale plus qu'acceptable de 95 chevaux à 8.000 tours. Au début j'avais commencé à changer les rapports à 7.500 tr ou juste au-dessus du couple maximal de 6.500 tr, mais Pitman m'a dit d'utiliser 1.000 tours de plus.

Mal Pitman et la Yamaha XS1100 Team Avon originale
Mal Pitman et la Yamaha XS1100 Team Avon originale

La zone rouge est de 8.500 tr/mlin sur un circuit court comme celui-ci, mais sur l'Adelaide Raceway où il y a une ligne droite d'un kilomètre, nous utilisions toujours le régime maximal parce que nous n'avons jamais eu d'autre boite, sachant qu'elle peut atteindre 9000 tr/min une fois par tour. Elle a toujours survécu à ça !

Sur ces lignes droites rapides, Greg Pretty atteignait 235 km/h et la Yamaha était certainement plus rapide que toutes les autres à ce jeu, y compris la Honda CBX. Elle continuait simplement d'accélérer. Nous avons eu la chance d'avoir une bonne vitesse même si nous avions un désavantage poids, mais nous avions un avantage sur le carburant et une garde au sol raisonnable. Nous avions par contre un désavantage sur les pneus et nous devions contourner ces points. Mais nous étions convaincus que les avantages l'emporteraient sur les inconvénients, c'est pourquoi nous l'avons prise pour la course... et gagné !

Points forts

  • Moteur
  • Stabilité
  • Maniabilité
  • Freinage

Points faibles

  • Poids
  • Boite de vitesse

La fiche technique de la Yamaha XS 1100 Team Avon Tyres

Commentaires

WHITEGOLD

Très bonne bécane, j'ai possédé un modèle 79 de 82 à 84, équipée d'un carénage king's et d'une paire de sacoches krauser, c'était une formidable GT.
Passé les 205 km/h ça plafonnait un peu et ça gigotait si le train de pneus était altéré, mais les accélérations étaient vraiment réjouissantes ce qui en faisait une machine très agréable au quotidien.
A titre anecdotique ce modèle était doté d'un kick amovible logé sous la batterie,ce qui m'a sauvé la mise au moins deux fois. Les derniers modèles n'étaient plus dotés de ce raffinement.

22-05-2020 09:54 
WHITEGOLD


Devinette:
Cette superbe machine, en 83 était en promotion chez Yamaha à Sète au prix de 24000 francs.
En euros constants , c'est a dire en tenant compte de j'inflation et du cout de la vie actuel , combien couterait elle maintenant ???
Etes vous prêt à lire la réponse, car celà va avoir un impact sur vos certitudes forgées depuis des décénies par les théories de Chomsky et Bernay(merçi Clew).
7500 euros , voui vous avez bien lu et vous pouver vérifier sur la calculette de l'insee.
Vous trouvez pas qu'on se fout de notre gueule en tentant désormais en nous fourguer des meules a plus de 20000 euros et bien sur en nous explicant que celà est parfaitement justifié?

23-05-2020 09:32 
fift

Avec un smic mensuel à 500 francs, il y a une calasse dans le simulateur...
24 000 francs, ça ne fait jamais que 50 mois de smic pipeau.

23-05-2020 17:03 
WHITEGOLD

Fift, très peu de gens en 83 étaient au smic qui effectivement était dérisoire, il était presque impossible d'en vivre.
Un ouvrier qualifié gagnait au minimun 2000 francs mensuel, très souvent beaucoup plus...
Les plus de 55ans, à vos fiches de paie de l'époque...
Actuellement beaucoup de salaires d'ouvriers ou d'employés sont souvent très proches du SMIC ...

Un chiffre en valeur absolue ne signifie rien, il faut établir une comparaison avec un produit similaire dans un autre contexte, temporel ou géographique en tenant compte du coût de la vie ainsi que de l'inflation si la comparaison est temporelle.

24-05-2020 13:25 
Zaz27

Bonjour,
Inscrit spécialement pour répondre à X.
Non, en 1983 le SMIC n'était pas à 500 francs mais à "équivalent 500 euros".
Le rapport prix-moto/montant SMIC est donc de 5 (arrondi).
Le prix de vente de cette XS serait donc en mai 2020 de 1540 ¤ x 5 SMIC = 7700 euros. A ce tarif j'en achète 2 (ou 3...)
CQFD.

25-05-2020 13:17 
Zaz27

Oublié de dire que "Devinette" a un raisonnement parfait.

25-05-2020 13:20 
fift

Effectivement, ch’suis pas en forme en ce moment, c’est pas la première bêtise.
j’avais pourtant vérifié ...

25-05-2020 15:48 
 

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