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Pilote de légende : Jean-Pierre Beltoise

Le seigneur des anneaux

Bebel nous a quittés… Avec 22 titres dans la besace, dont onze décrochés à moto, Jean-Pierre Beltoise s’était constitué une collection unique dans l’histoire des sports mécaniques. Un talent immense et un homme exceptionnel…

Jean-Pierre Beltoise a gagné dans toutes les catégories moto. Brillant en France mais aussi hors des frontières, auteur de podiums en championnat du monde et de prestations étonnantes sur tous les circuits, s’il avait persisté sur deux roues, personne ne doute qu’il serait devenu au moins l’égal des plus grands au début des années 60.

Matois, chaleureux, Jean-Pierre Beltoise éternel ami des sports mécaniques.

Entre 1961 et 1964, Bebel accumulera onze titres de champion de France, menant à la victoire des machines complètement différentes… Kreidler, Jonghi, Bultaco, Morini, Itom, Aermacchi, Norton, AJS, Matchless, dans toutes les classes, des 50 aux 500…

La lourde Matchless 500 n'effrayait pas Bébel. Il a glané ses titres dans toutes les catégories.

JPB sur la Morini en 61 à Magny-Cours, encore une victoire

Ce parcours étonnant n’avait pas échappé aux Japonais, bien décidés de s’octroyer les services des meilleurs pour triompher sur leurs toutes nouvelles machines. Honda, notamment, espérait bien confier les fabuleuses six cylindres à ce jeune Français plein d’avenir, arrivé si haut très vite, sur les conseils avisés d’un autre grand champion, Insermini, voisin devenu intime du paternel, qui avait remarqué et encouragé le style du jeune homme, lui assurant qu’il avait l’étoffe des plus grands.

Le jeune Jean-Pierre Beltoise à ses débuts, sur une rutilante Jonghi...

Une autre rencontre de la vie, propre à modifier le destin, interviendra peu après son service militaire. Des interminables mois tragiques passés en Algérie, Jean-Pierre reviendra meurtri et sans le sou. Reprendre la compétition paraissant illusoire, la résignation de tout abandonner faisait même son chemin…

Jean-Pierre Beltoise en lutte auprès d'Eric Offenstadt. Une grande amitié unissait les deux champions

Mais Eric Offenstadt l’a regonflé à bloc, lui prêtant de quoi acheter une 500 Matchless, avec pour mission de le rembourser, uniquement dans le cas de victoires lucratives ! Sur ce plan, Eric, autre champion passé avec succès du 2 aux 4 roues, avant un tonitruant come-back à moto, ne sera pas déçu. Aux manettes du gros mono, Bebel retrouvera vite ses marques et raflera toutes les courses dans lesquelles il s’était engagé… Offenstadt remboursé, la ronde victorieuse à moto allait se poursuivre, jusqu’à une nouvelle initiative de son ami qui parla du phénomène à Jean-Luc Lagardère, jeune chef d’entreprise aux ambitions sérieuses dans le domaine du sponsoring automobile… De cette conversation, la carrière de Jean-Pierre Beltoise va basculer. Tenté depuis longtemps par la course auto et déjà vainqueur d’une épreuve au Mans, le champion multi-fonctions s’engagera aux 12 Heures de Reims 1964 sur une René-Bonnet à moteur Renault Gordini. Après avoir démontré que l’on pouvait gagner chaque catégorie à moto, le challenge fut de prouver qu’un compétiteur pouvait s’illustrer dans tous les domaines des sports mécaniques. Au passage, il souhaitait aussi éblouir Lagardère pour obtenir, dès l’année suivante, un volant officiel dans la prometteuse écurie Matra…

Courir coûte que coûte

Durant l’épreuve, Beltoise, comme à son habitude, bataillait ferme pour la victoire, quand sa voiture quittera la piste autour de 220 km/h. La carcasse, désintégrée, se consumait et les secouristes imaginaient le pilote perdu…

La Bultaco après l'ultime chute à Pau en 1964. La moto de course, c'est désormais terminé...

C’était d’ailleurs le cas, Jean-Pierre ayant été éjecté, gisait 30 mètres plus loin. Transporté inconscient à l’hôpital, le bilan semblait très lourd : genou, poignet, fémur fracturés, coude broyé, avec dix-sept fractures divergentes et traumatisme crânien. Le chirurgien de service entreprit d’amputer au plus vite, de la terre s’étant infiltrée dans la déchirure du bras, il fallait absolument éviter la gangrène… Intervint alors Gérard Laureau, son coéquipier durant l’épreuve, il implora le chirurgien de surseoir à l’amputation, souhaitant connaître l’opinion du professeur Dautry, « docteur miracle » lui ayant remis sur pied une jambe terriblement abîmée neuf ans plus tôt, après un accident aux Mille Miglia. Effectivement, Dautry sauvera le bras de Jean-Pierre et parviendra à lui reconstituer une articulation. S’ensuivront des mois de souffrances et de rééducation, avant que l’idée de reprendre la compétition ne se réveille.

Sans complexe aucun sur la minuscule Itom en 1961...

Beltoise espérait beaucoup de la nouvelle Bultaco 250, il contacta donc le boss, Bulto, pour lequel il avait si souvent couru et gagné.

Jean-Pierre Beltoise en action sur la Bultaco, pour un nouveau titre...

Ses amis ne le contredirent pas, même si, sous cape, aucun ne mettait une pièce au pari d’un retour prochain sur les pistes, tant l’état de Bébel était préoccupant. Sa main gauche restait inerte et la formation de cal bloquait irrémédiablement la mobilité du coude. Deux nouvelles opérations redonneront le moral au champion. Selon ses instructions, son bras sera immobilisé dans une position lui permettant de tenir un guidon. La force dans la main reviendra petit à petit, en malaxant une boule de caoutchouc. L’important était d’y croire et l’invraisemblable force de caractère de Jean-Pierre l’empêchait de douter une seule seconde de son retour prochain sur les podiums...

Soigneux envers la mécanique, Jean-Pierre chouchoute sa belle...

Si concernant la voiture l’avenir paraissait fort compromis, Offenstadt, l’ami de toujours, ne tarissait pas d’éloges sur Beltoise auprès de Lagardère, son nouvel employeur en Formule 3. Sceptique sur son état physique, le directeur de Matra finira toutefois par accepter une rencontre. Séduit par le personnage, un accord de principe sera élaboré pour la saison 1965. Jean-Pierre Beltoise sera pilote officiel Matra F3, à deux conditions. D’abord ne plus pratiquer la moto, ensuite, démontrer son aptitude à piloter une monoplace en condition extrême malgré son handicap. Si Bébel ne craignait pas d’affronter le second alinéa, en revanche, l’idée d’abandonner la moto lui semblait impensable. Alors, en attendant la présentation de la voiture, le voilà reparti à l’assaut des circuits aux bracelets de ses bécanes. A Montlhéry, en 125, il remportera la course sur la Bultaco, malgré d’intenses douleurs dissimulées aux officiels peu enclins à le laisser partir dans son état. Et il remettra le couvert en 500, gagnant sur la Matchless !

Sur la 500 Matchless en 1964. Six épreuves et autant de victoires !

Puis vint l’épreuve du Mans. Engagé en 250, Jean-Pierre obtient une dérogation l’autorisant à se faire pousser au moment du départ, étant incapable de mettre seul la machine en route. Accepté, mais en s’élançant de la dernière ligne, malgré son temps de qualif le plaçant sur la première. Un serrage le contraindra à l’abandon. En s’arrêtant, complètement ankylosé, la machine lui échappera des mains… Qu’importe, l’épreuve suivante se déroulait à Pau, sur un circuit qu’il affectionnait et sa deux et demi Bultaco en avait autant dans le ventre que son pilote… Malgré son courage, Jean-Pierre Beltoise effectuera sur le circuit Palois sa dernière course sur deux roues. Entraîné dans une chute collective, il s’en tirera miraculeusement, mais admettra que le destin lui intimait de tirer un trait définitif sur la moto de compétition.

Victorieux en Inter, Montlhéry 1963

De retour auprès de Lagardère, il conviendra que ses recommandations étaient justes. Cap désormais sur la voiture, où sa carrière y sera aussi intense, auréolée de 11 titres en France et Europe, la victoire au GP de Monaco en Formule 1 pour apothéose. Au bilan de ses années de compétition, Jean-Pierre assurera que ses années moto restèrent classées au plus haut de ses souvenirs. Les amateurs de sports mécaniques n’en seront pas surpris.

Chapeau l’artiste et merci pour le spectacle…

Les lauriers moto, ses préférés...

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