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Stage moto "Conduire Juste"

Méthode Jean-Pierre Beltoise

Un stage de perfectionnement moto post-permis, basé sur la prise de conscience du risque

En marge des stages de pilotage, quelques stages post-permis se partagent un marché étroit. Connu pour la voiture mais moins connu du grand public pour la moto que les stages AFDM ou Team Media, Jean-Pierre Beltoise propose également sa méthode "Conduire Juste" pour un stage d'une journée. Pour qui et quel besoin ? Pour le savoir, il faut le vivre... Essai et reportage...

Une méthode basée sur le comportement

Le stage se situe sur le circuit Jean-Pierre Beltoise, du côté de Trappes, en région parisienne. Le rendez-vous est donné à 9h, à moto ou... en voiture. Car ici, tout est fournis : équipement (casque, blouson et pantalon) ET moto ! ou scooter... puisque les stages ont lieu, au choix, sur 125, scooter ou gros cube. Le stage - créé par les pilotes Jean-Pierre Beltoise et Vincent Eisen en 1999 - peut commencer.

Stage Conduite Juste moto

Jean-Pierre Beltoise a apporté au monde moto une certaine philosophie de la conduite, jusqu'à alors appliquée à la voiture. Mais le concept reste identique : "Conduire Juste". Le moniteur l'annonce : on n'est pas ici pour du pilotage, mais pour analyser, imaginer, anticiper, adapter sa conduite... bref, c'est d'abord une histoire de comportement, même si la technique est également largement revue : position du corps, maniabilité, regard, utilisation des freins, rappel de gaz au rétrogradage, trajectoire...

Loin des stages avec un instructeur pour 10 voire 20 stagiaires, les stages se font ici en petit comité : 1 instructeur pour 3 stagiaires maximum, avec 6 stagiaires maximum par stage (et 2 instructeurs dans ce cas-là).

Du coup, ce stage est idéal pour sensibiliser la population de motards et de scootéristes aux risques du deux-roues avec un mélange de théorie et de pratique avec une attention privilégiée.

Au final le stage présenté se subdivise en 4 parties majeures :

  • Préparer la conduite
  • Voir
  • Prévoir
  • Anticiper

Gaz !

Soleil, piste chaude. Les motos sont à l'arrêt, guidon droit. Le premier conseil arrive: avoir le guidon systématiquement braqué à gauche, pour éviter que la moto ne bouge, immédiatement suivi du "ayez toujours une cale sous la selle pour la béquille latérale".

Et quand on parle de béquille, le conseil suivant aborde le béquillage, afin de vérifier la technique nécessaire pour forcer le moins possible.

Instructeur moto et conseils

Le béquillage/débéquillage

  • guidon le plus droit possible
  • prendre la béquille par le plat du pied mais en biais vers la droite de 20°, pour que le talon ratrappe en cas de glisse
  • avoir bien la moto en appui sur les deux sabots
  • se rapprocher au maximum
  • tenir le guidon droit
  • regarder vers l'arrière
  • utiliser le poids du corps

pour débéquiller, il s'agit de la manoeuvre inverse

  • soit on garde la béquille latérale, on fait avant/arrière et on tourner le guidon vers soi/l'intérieur
  • soit on prend le guidon à deux mains, on tourne le guidon vers l'extérieur (ainsi si la moto s'incline, elle s'inclinera vers soi)
  • obtenir un léger mouvement de balancier
  • appuyer puis tirer, en utilisant le poids du corps

Les conseils pleuvent ensuite sur les réglages de la moto :

  • prendre l'habitude d'utiliser le coupe-circuit régulièrement, afin de vérifier son fonctionnement,
  • régler le sélecteur (au pied),
  • régler au mieux : selle, guidon, amortisseur,
  • régler les leviers afin que les mains tombent bien dessus...

Instructeur moto et conseils

puis sur la position du pilote, une fois les réglages effectués :

  • être le plus proche du moteur (le centre de gravité)
  • bien se tenir avec le bas du corps, proche du réservoir,
  • avoir la partie la plus large du pied sur le repose-pied, afin de pouvoir amortir facilement avec les jambes,
  • serrer avec les genoux,
  • avoir les bras fléchis,
  • avoir les mains le plus à l'extérieur possible,
  • ne pas avoir le poignet cassé sur l'accélérateur,
  • avoir le dos légèrement penché vers l'avant,

Accueil du passager ou SDS sur une moto

et l'accueil du passager :

  • toujours briefer un passager avant de l'accueillir,
  • sortir les repose-pieds passager (pour éviter de retrouver des pieds sur l'échappement),
  • guidon braqué et freins actionnés pour accueillir,
  • rouler souple.

Le 8 et le Regard

Après les conseils, le premier exercice arrive... consistant à faire des huits entre deux cônes, moto en première, réglée sur le ralentis et sans toucher aux commandes.

Le huit entre les cônes

C'est le bon moyen de travailler le regard, ce dernier devant chercher loin où l'on veut aller.

L'instructeur souligne la difficulté de ce regard qui doit toujours chercher loin en premier puis se rapprocher (contrairement à l'habitude où l'on regarde près pour ensuite porter le regard loin). L'exercice confirme une nouvelle fois si nécessaire l'importance du regard, indispensable pour pouvoir tourner court, d'autant que le moniteur est là pour surveiller, et forcer à faire tourner la tête, toujours de plus en plus tôt.

Et si le regard ne porte pas au bon endroit, la sanction est immédiate : la moto chute... A vitesse lente, il s'agit juste d'un "posé", sans gravité... sauf pour l'amour propre.

Chute au ralentis

Revenir aux bases de l'apprentissage de la moto-école apporte de l'humilité et montre que finalement, quels que soient les milliers de kilomètres déjà effectués, il y a toujours et encore à apprendre... surtout quand on passe en position amazone ou les genoux sur la selle.

Le parcours lent à genoux

Les virages se succèdent donc pour les deux stagiaires à grands renforts d'instructions orales au fur et à mesure des évolutions. Et comme il n'y a jamais plus de 3 stagiaires par instructeur, autant dire que les conseils sont permanents et personnalisés.

Et effectivement, la tête doit tourner très tôt, et surtout bien regarder le cône suivant, alors que le virage est à peine entamée. Bref, il faut toujours anticiper davantage que l'on ne croit... à s'en dévisser les cervicales. Qui a dit que c'était une partie de plaisir ?

Quand les stagiaires sont à l'aise assis sur la selle, l'exercice passe alors à "une main", puis sur les genoux. Le tout permet de mieux sentir la moto... et finalement de mieux la maîtriser. Et ce n'est pas si facile que çà, surtout quand le ralentis est réglé relativement haut.

Une fois la maniabilité au lent effectuée et mieux acquise, il est alors temps de prendre un peu de vitesse et de revoir le freinage. Qui peut se vanter de freiner court en toute sécurité ?

Le freinage, le regard et les bras

Les bases du freinage sont donc reprises.

Quand on freine, la fourche avant s'enfonce de plus en plus, et il y a de moins en moins de poids sur l'arrière, d'où le risque de blocage, peu efficace pour freiner de façon courte.

La technique consiste alors à freiner de façon dégressive, la moto droite, et si on sent le début de blocage, penser à soulager le frein, mais sans jamais relâcher. Le regard doit être loin (pour aider à bien se rendre compte) et la moto bien droite. Le conseil est ici de ne pas avoir les bras tendus... ceux-ci bloquant la direction de la moto (exactement le contraire de ce que l'on apprend souvent en moto-école où l'on dit toujours non seulement d'avoir les bras tendus mais en plus verrouillés). Il faut au contraire laisser le guidon libre, ne serait-ce que pouvoir toujours faire un évitement. Par contre, le bas doit être verrouillé, près du réservoir, moto bien serrée.

Exercice de freinage

La technique parait longue à expliquer, mais est immédiatement suivie d'exercices, multiples, refaits et refaits encore pour bien sentir les évolutions :

  • lancé à 50 km/h, puis freinage en utilisant uniquement l'arrière, jusqu'à bloquer,
  • lancé à 50 km/h, puis freinage en utilisant uniquement  l'avant,
  • lancé à 50 km/h, puis freinage combiné avant/arrière
  • lancé à 15 km/h, freinage sur des gravillons.

Chaque essai se solde par une distance de freinage raccourcie, repères aidant.

Le roulage, l'attention et la position

Les motos s'élancent ensuite sur la longue piste circulaire extérieure... pour en effectuer deux tours, comme pour se dérouiller les roues. Le moniteur n'a rien dit. Au bout des deux tours, l'ouvreur s'arrête et demande au stagiaire ce qu'il a remarqué.

Rien pour l'un, un homme derrière un camion pour l'autre et un panneau de route prioritaire.

Le moniteur complète : un enfant prêt à traverser la route sur la gauche, un miroir signalant une priorité à droite... Bref, les stagiaires étaient loin d'avoir tout vu !

Il insiste donc sur la nécessité de balayer du regard, d'utiliser tout son champ de vision, de regarder du plus loin au plus près, de regarder de la gauche vers la droite.

le contrebraquage

L'exemple de l'enfant était flagrant. Il était visible de loin, puis caché par la courbe, avant d'être à nouveau visible. Et comme il était sur la partie extérieure gauche de la courbe, alors que le virage était à droite, le regard cherchant la sortie du virage ne l'avait même pas aperçu !

Pour l'homme caché derrière le camion, prêt à traverser, l'exercice a consisté à montrer comment un placement différent sur la chaussée permettait de le voir bien plus tôt. Nous sommes donc revenus près de lui.

Le moniteur, placé à droite de la route, s'est reculé jusqu'à ne plus le voir... au bout de 3 mètres. Le 1er stagiaire, placé au milieu de la voie de droite s'est reculé de 15 mètres, avant de ne plus le voir. Le 2ème stagiaire s'est placé au milieu de la voie, sur la ligne de séparation de voie et a reculé de 30 mètres avant de ne plus voir l'homme. Le conseil n'est pas ici de rouler sur la ligne centrale mais juste de démontrer comment un simple déplacement d'un mètre sur la chaussée peut suffire à voir bien plus loin en amont et de façon suffisamment tôt pour pouvoir anticiper et s'arrêter à temps et sans risque si nécessaire.

La vitesse, le champ de vision et le temps

Les conseils reviennent ensuite sur la vitesse, les distances de sécurité et le champ de vision qui se rétrécit jusqu'à ne plus faire que 30° à 130 km/h par rapport aux presque 180° initiaux.

Car le champs de vision se réduit drastiquement avec la vitesse. De 100° à 40 km/h, il passe à 75° à 70 km/h, puis à 45° à 100 km/h et à 30° à 130km/h... et encore moins plus vite.

Il insiste également sur les fameuses 2 secondes - 1 seconde de temps de réaction + 1 seconde de temps d'action - qui peuvent représenter plus d'une centaine de mètres et un accident. Car si à 50 km/h le temps de réaction correspond à 14 mètres, et le temps d'action à 28 mètres, à 130 km/h, le temps de réaction est déjà à 36 mètres et la distance de freinage sur sec portée à 130 mètres (et 220 mètres sur mouillé).

Du coup, les conseils insistent à nouveau sur l'anticipation. Car statistiquement parlant, en gagnant 1 seconde, 9 accidents sur 10 pourraient être évités.

Il insiste également sur le fait de ne pas rester dans un angle mort et soi-même à toujours effectuer un contrôle latéral rapide avant tout changement de file.

l'importance du regard sur piste

La piste, les trajectoires

En alternant, conseils et pratique, le moniteur revient sur le contre-braquage, avant de travailler les trajectoires sur la piste. L'idée est bien de pousser à gauche pour tourner à gauche... ou de tirer à droite. Mais au-delà de l'aspect mnémotechnique, on a plus de sensibilité à pousser qu'à tirer. Il réinsiste sur la position qui doit être penchée vers l'avant; le fait d'être penché, obligeant également à avoir les bras davantage fléchis et ainsi mieux sentir et agir.

La reconnaissance de la piste se fait alors d'abord à pied. A chaque virage, le moniteur demande aux stagiaires de positionner le point de corde, chaque point de corde pouvant être relié par un bout de ligne droite, plus propice à la sécurité. Une fois tous les points posés, le chemin est refait en sens inverse, avec les vrais points posés, plus ou moins éloignés du point défini par le stagiaire.

Et à chaque pas, la voix du moniteur rythme les déplacements de conseils, insistant sur le fait d'avoir une vitesse adaptée, de toujours veiller à la visibilité, de ne pas rentrer trop fort et de rouler par rapport à ce que l'on voit (ainsi qu'à l'adhérence).

le travail sur les trajectoires

Les exercices vont se dérouler sur cette piste, courte, pour travailler tours après tours, les fameuses trajectoires et positions... à grand renfort de regard porté loin.

Mais la journée touche à sa fin et les stagiaires reviennent en salle, non sans avoir ramené moto et équipement.

Après le poids de la piste, le choc des vidéos

Les clips vidéos ouvrent le bal à des exemples concrets d'accidents, violents et l'analyse des circonstances. Dans 9 cas sur 10, ils auraient pu être évités.

Le moniteur termine enfin sur l'importance de l'équipement : "le carrossier du motard, c'est le chirurgien".

Bottes, pantalon avec protections aux hanches et genoux, vestes avec coques dures (en remplacement des bouts de mousses d'origine insuffisants), casque intégral , gants avec protections... tout y passe avec conseils et explications.

Le moniteur termine sur l'importance de minimiser son rythme en adaptant sa vitesse "la bonne vitesse, c'est celle qui permet de s'arrêter" et en cherchant à s'écarter du danger.

Conclusion

Ainsi s'achève un stage d'une journée, à grand renfort de conseils, d'exemples mais aussi de pratique avec un accent très fort sur l'aspect comportemental. Car si les exercices abordent freinage, trajectoire, le point commun qui revient systématiquement repose sur le motard et son comportement, insistant sur son anticipation, son rythme, sa manière de conduire (et se conduire).

On est ici aux antipodes d'un stage de pilotage et loin de certains stages post-permis centrés sur l'amélioration de la technique ou de la maîtrise de la machine permettant d'éviter l'accident. Il est plus question de savoir-conduire et de conduire juste. Du coup, ce stage est idéal pour toute société qui veut sensibiliser sa population de motards et de scootéristes aux risques du deux-roues mais avec de la pratique et pas uniquement de la théorie.

Les chiffres sont là pour confirmer ce positionnement : 95% des stagiaires viennent de sociétés qui les ont envoyés ici dans le cadre d'un plan de formation. Et à 277 euros le stage (125 et scooter Hyosung et TGB, repas compris) ou 398 euros TTC (gros cube, repas compris), c'est un excellent investissement pour toute société qui cherche le moyen de limiter les accidents du travail. Une excellente initiative qui devrait être élargie et connue de toutes les sociétés pour qui cette formation devrait être un préalable à toute embauche d'un employé ayant un deux-roues.

Points forts

  • pédagogie, conseils
  • discours comportemental
  • tout compris : moto + équipement

Points faibles

  • prix si non compris dans le plan de formation de la société