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Portrait : Giacomo Agostini

Ago nous fait visiter sa Sala Trofei

Retour sur la carrière du plus titré des pilotes de motos

Giacomo Agostini représente la royauté motarde ! Ok, je m'entousiasme peut-être un peu, quoique. Mais se voir accorder une audience avec celui qui fut Champion du Monde à 15 reprise dans sa maison au sommet d'une colline de Bergame, au nord de l'Italie, c'est un peu comme prendre le thé avec la Reine dans le château de Windsor.

Agostini est le pilote de Grand Prix le plus titré de tous les temps, avec pas moins de 122 victoires en GP (plus une en mondial F750) et 159 podiums sur186 départs. Il s'est aujourd'hui associé à sa fille Vittoria pour proposer une demi-journée de visite dans sa nouvelle Sala Trofei ou salle des trophées.

Ce n'est pas un musée, pas tant que je suis encore vivant ! insiste Ago.

Celle-ci abrite un large éventail de souvenirs acquis au cours de sa brillante carrière en course, y compris les 364 trophées qu'il a remportés sur deux-roues. Le Package Visiteur comprend cette visite, suivie d'un dîner avec Ago lui-même et d'une nuit dans l'élégante Villa Vittoria B&B.

Si j'ai eu la chance de suivre une visite privée de cette collection fraîchement ouverte avec Ago à mes côtés, c'est aujourd'hui une expérience accessible à n'importe quel fan de MotoGP.

Giacomo Agostini nous ouvre les portes de sa Sala Trofei
Giacomo Agostini nous ouvre les portes de sa Sala Trofei

Giacomo Agostini :

J'avais tous mes trophées empilés dans une petite pièce de la maison et je ne savais même pas combien j'en avais. Je pensais en avoir environ 250, mais il y en a en fait presque un pour chaque jour de l'année.

Du haut de ses 77 ans, Ago reste aussi magnétique et affable que jamais, gardant son apparence de star de cinéma. Mais il a surtout ce don unique de pouvoir convaincre même les plus humbles fans de course qu'ils sont la personne la plus importante au monde pour lui à ce moment, qu'il signe un autographe ou pose pour un selfie.

Ma gemme Maria et moi avions décidé de réduire la taille de notre maison maintenant que les enfants l'ont quittée. Nous avons donc acheté une très jolie petite villa à proximité et nous nous sommes préparés à déménager. Mais nous ne sommes pas parvenus à vendre notre maison au prix que l'on souhaitait. Donc à la mi-2019, j'ai décidé de transformer la nouvelle maison en un B&B que Vittoria pourrait gérer, tout en faisant une Sala Trofei sur le site avec le garage que nous avions au bas de notre allée actuelle. De cette façon, je pourrais enfin commencer à profiter de tous les souvenirs que j'ai.

Le tout premier musée dédié à Ago se situe sur la propriété du pilote
Le tout premier musée dédié à Ago se situe sur la propriété du pilote

L'ère Yamaha

L'architecte local Michele Giavarini a conçu la structure, avec une extension des pelouses de la maison sur le toit. Mais c'est Giacomo qui a lui-même agencé l'exposition. Celle-ci comporte six motos dont un tout-terrain Yamaha de 1974 qui lui avait été remis pour rester en forme après sa signature avec le constructeur. A côté, il y a une autre Yamaha, le twin de 350 cm3 de 1974 sur lequel il a remporté son premier titre mondial pour eux pour sa première saison sur un deux temps, plus une paire de MV Agusta 3 cylindres, une 350 à frein à disque de 1972 et une 500 à tambour de 1967, chacune bénéficiant de la plaque n°1 rappelant ses succès au niveau mondial. Au premier plan, on retrouve la MV Continuazione 500 reprenant les caractéristiques de 1973 qu'Ago utilise lors des événements historiques auxquels il participe chaque année à travers le monde. C'est l'une des six "nouvelles" 3 cylindres MV fabriquées à Varèse il y a 20 ans sous la direction du regretté Claudio Castiglioni.

Six motos sont exposées sur place
Six motos sont exposées sur place

Derrière, sur une reproduction de l'asphalte de Floride se trouve la Yamaha TZ750 OW31 d'origine, utilisant le moteur de première série de 698 cm3 avec laquelle il remporta le Daytona 200 en 1974.

Daytona est un très beau souvenir. Ici, vous voyez des photos quand je mène la course, une autre quand je me suis arrêté pour le ravitaillement et celle-ci après l'arrivée quand j'étais si déshydraté qu'ils ont dû me faire une injection pour que je puisse aller à la remise des prix pour recevoir cet énorme trophée ici sur le mur. Mais là, j'ai rencontré la Trophy Girl et ça m'a aidé à récupérer rapidement !

La victoire à Daytona est un grand moment de la carrière d'Ago
La victoire à Daytona est un grand moment de la carrière d'Ago

Ce devait être une décision énorme de quitter MV Agusta après tant d'années et 13 succès en Championnat du Monde pour aller chez Yamaha ?

C'était difficile, bien sûr. J'ai commencé en Grand Prix avec MV Agusta et j'ai gagné beaucoup de courses. MV était vraiment ma deuxième famille. Mais avec Yamaha aussi j'avais une très belle moto et une très belle équipe avec de très bonnes personnes. Le seul problème est que je suis Italien, que les gars étaient Japonais et que l'on parlait en anglais ! Nous avons donc fait beaucoup d'erreurs. Mais finalement nous nous sommes compris, surtout quand les Japonais de Yamaha ont commencé à bouger les mains en parlant comme de vrais Italiens ! Ils étaient comme des Italiens, mais avec des visages japonais parce qu'ils étaient passionnés par la course alors que pour Honda c'était peut-être plus le business. J'ai beaucoup réfléchi avant de passer de MV à Yamaha car je devais aller au Japon et tout était différent, la nourriture, manger avec des baguettes, dormir par terre ou enlever ses chaussures au restaurant. Mais après deux semaines j'ai compris que c'était ma troisième famille car j'ai rencontré des gens très sympas et quand je demandais à changer quelque chose ils le faisaient rapidement sans même discuter. Tout ce que j'ai demandé a été fait et c'est ainsi que nous avons gagné les championnats ensemble, d'abord avec ce 350 lors de notre première saison et avec la 500 la deuxième.

Agostini et la Yamaha TZ750 OW31 avec laquelle il a remporté la Daytona 200
Agostini et la Yamaha TZ750 OW31 avec laquelle il a remporté la Daytona 200

Mais le passage du quatre temps au deux temps avec autant de succès ne s'est certainement pas fait du jour au lendemain ?

Non c'est vrai. J'ai passé deux semaines au Japon pour tester les 700, 500 et 350. Chaque jour à 9h, une voiture venait me chercher et j'allais sur la piste privée de Yamaha où je passais toute la journée et tous les jours à rouler. Un jour pour tester ci, un autre jour pour expliquer ça ou pour changer cela. Ils étaient très patient et ont fait tout ce que je demandais. J'ai d'abord préparé la 700 pour Daytona, car c'était ma première course de la saison. Une fois qu'elle était prête, j'ai testé la 500 et puis je n'ai piloté la 350 que le dernier jour. Seulement le dernier jour parce qu'il était plus important pour Yamaha de gagner Daytona et les GP 500. J'ai donc essayé la moto et j'ai dit : "Oui, c'est bien, mais pas parfait." Je leur ai dit tout ce qui devait être fait puis je suis parti. Ils ont donc tout modifié et le pilote d'essai a fini par rouler 1,5 seconde plus vite que moi la fois suivante ! Alors quand j'ai reçu la moto pour ma première course au Grand Prix de France à Charade, j'étais une seconde et demie plus rapide que tout le monde et j'ai gagné la course. Une autre belle victoire pour une première : premier GP avec Yamaha, premier GP avec un deux-temps et première course pour ce nouveau 350.

La "télémétrie" spéciale d'Ago

Les ingénieurs Yamaha n'étaient surement pas habitués à avoir un pilote qui était si calé techniquement ? "Peut-être, mais voici ma télémétrie spéciale !" a répondu Giacomo en me conduisant vers une armoire en verre contenant de nombreux cahiers dans lesquels il a enregistré à la main les moindres détails : pas seulement les résultats de chacune de ses courses, ses réglages de boîte et ses chronos, mais a également détaillé un aide mémoire de chaque circuit sur lesquel il a piloté, notamment avec les dangers potentiels, le rapport idéal pour chaque virage selon la moto et a également souvent dessiné le tracé du circuit pour le mémoriser à cette époque pré-internet.

J'ai tout noté. Regardez, cette piste est mouillée et je dois changer les rapports, ici la piste est sèche mais il y a des traces humides sous les arbres auxquelles je dois faire attention. J'ai donc utilisé ça comme référence lorsque j'y retournais l'année suivante. Donc, quand je suis allé chez Yamaha, j'ai vérifié mes notes et dis : "OK, sur la 500 j'ai besoin de ça, sur la 350 de ça... Les rapports doivent êtres changés avec une première, seconde et troisième plus courte / plus longue..." Mais Yamaha n'avait pas les rapports, je leur disais donc "je veux celui-ci", ils le faisaient et je gagnais.

Giacomo nous présente ses cahiers de télémétrie
Giacomo nous présente ses cahiers de télémétrie

A côté des cahiers se trouve un polo jaune soigneusement plié mais qui fût bien utilisé :

Je l'ai porté sous mes cuirs noirs dans les années 1960 pour mettre un peu de couleur et pour avoir l'air cool. Finalement, il a commencé à partir en lambeaux alors je l'ai jeté. Mon père ne savait pas au début que j'avais commencé à piloter. Quand il l'a découvert il était vraiment en colère et s'y est complètement opposé. Il a fini par s'y faire, surtout après mes premières victoires. Après son décès, je nettoyais ses affaires et j'ai trouvé ce polo jaune dans un tiroir de sa chambre ! Il l'avait récupéré dans la poubelle ! Alors je l'ai mis ici pour lui rendre hommage.

On retrouve même le polo jaune qu'il portait à ses débuts
On retrouve même le polo jaune qu'il portait à ses débuts

Les premiers succès

Le chemin à parcourir fut long entre l'arrivée d'Ago dans l'équipe d'usine japonaise et son premier trophée, qu'il expose fièrement, datant de 1953 lorsqu'il avait 11 ans et s'était imposé dans un gymkhana local sur une Moto Guzzi 250 Airone. Ce n'était cependant qu'un concours de maniabilité à basse vitesse :

Je ne pouvais pas toucher le sol car j'étais trop petit. J'utilisais un marchepied pour monter ou descendre. Je devais donc continuer à rouler sinon je tombais !

Agostini en 1964 lors de sa signature avec MV Agusta
Agostini en 1964 lors de sa signature avec MV Agusta

Tout près, on retrouve son premier trophée de course datant de mai 1962 quand à l'âge de 20 ans il s'imposa dans sa catégorie dans la course de côte Bologne-San Luca sur une Morini de 175 cm3 :

J'ai battu toutes les motos d'usine avec ma Moto Morini privée. Parfois les gens disent : "oh, il a beaucoup de chance parce qu'il a..." Non, je n'ai rien, j'ai juste acheté ma moto, j'ai commencé à courir et j'ai battu toutes les usines.

Des équipements qui traversent le temps

Cela l'a amené à rejoindre l'équipe de course de la petite entreprise de Bologne et à gagner le championnat italien 250 en 1965 sur le monocylindre Morini, le premier de ses 18 titres nationaux italiens, en portant le casque Cromwell orné d'autocollants Morini qui est le plus ancien des casques exposés. Les autres, des AGV qui datent de 1971, ont tous la peinture tricolore distinctive d'Ago. Les modèles résument à eux seuls l'évolution du design des casques de course. A côté de son premier bol Cromwell trônent des lunettes avec une lentille brisée par une pierre, "pas sur un circuit, mais sur un parcours routier comme le TT ou Brno", qui rappellent les dangers liés au pilotage d'une moto à l'époque. Le Cromwell MV a fait des envieux. "Un Japonais a voulu me l'acheter et m'a même proposé 140.000 $ ! Mais j'ai refusé, je le garderai car il fait parti de mon histoire personnelle."

Du bol Cromwell à l'intégral AGV, Ago a connu toute l'évolution des casques
Du bol Cromwell à l'intégral AGV, Ago a connu toute l'évolution des casques

On retrouve également une gamme de combinaisons en cuir que Giacomo a porté au fil des ans :

Regardez, voici mon premier cuir qui ne pèse que 1,2 kilogrammes, voyez à quel point le matériau est fin. Et ici le dernier pèse 8,5 kg avec toutes les protections ! Aujourd'hui quand vous chutez, vous vous relevez immédiatement, surtout avec l'airbag !

Ago portait-il toujours des cuirs Dainese comme il le fait aujourd'hui ?

Non, parce que lorsqu'il a commencé, Lino Dainese est venu me dire "Ago, je veux te rencontrer et te féliciter pour tes succès, mais je suis petit, je viens de commencer et je n'ai pas assez d'argent à te donner pour que tu portes du Dainese". Donc il avait compris qu'il n'était pas possible pour lui d'avoir Agostini parce qu'Agostini coûte cher et qu'il venait de lancer sa société. Mais à la fin 1975, je suis passé chez Dainese. Mieux vaut tard que jamais !

Même chose pour les combinaisons qui se sont renforcées au fil des ans
Même chose pour les combinaisons qui se sont renforcées au fil des ans

La combinaison américaine Bates qu'Ago a porté pour remporter les Daytona 200 avec Yamaha est également exposée :

Elle est tellement lourde, mais le cuir est très solide. Je suis certain que même en cas de chute elle ne s'use pas!

Il y a également une belle sélection de gants, de sa première paire fine faite à partir de cuir de prêt à porter aux actuels gants renforcés Dainese. Entre les deux, il y a une paire inhabituelle de la fin des années 60 avec des clous de protection à l'extérieur des mains et sur les paumes :

J'ai fait ça avec mon cordonnier parce quand vous tombez, l'instinct vous pousse à mettre les mains pour vous protéger. J'y ai pensé après avoir chuté et j'ai donc fait faire cette paire protégée. Je pense que c'était la première du genre...

Agostini et le TT

Mais durant cette période glorieuse où il enchaînait les succès, battant régulièrement le record du tour, Ago était aussi connu pour ne tomber que très rarement :

Oui, c'est vrai. Mais j'ai toujours essayé de me rappeler que pour finir premier il faut dans un premier temps finir. Sur l'Ile de Man, j'ai remporté dix courses du Tourist Trophy en ne tombant qu'une fois, dans la même course et au même endroit que mon coéquipier de l'époque Mike Hailwood ! J'ai chuté en premier et Mike a chuté au tour suivant exactement au même endroit, au Sarah's Cottage. Dans la nuit, il avait plu, mais l'asphalte était très sec, sauf sur un petit trou d'eau de 5 cm de large. Mais nous avions exactement tous les deux la même trajectoire. Je n'ai pas pu redémarrer parce que j'avais cassé le levier de vitesse, mais Mike avait seulement plié le sien, il a donc pu repartir et gagner la course. OK, il l'a fait à contresens en direction de la descente et il aurait pu être disqualifié, mais il n'y avait aucun moyen de pousser la MV Agusta en haut de la colline, c'était impossible !

Agostini et Hailwood au Tourist Trophy
Agostini et Hailwood au Tourist Trophy

Agostini à Ballaugh Bridge lors du TT de l'Ile de ManIl y a toute une collection de trophées du TT, mais en dehors de ces dix victoires sur l'Ile de Man, quel est votre meilleur souvenir ?

Le résultat n'est pas si satisfaisant, mais c'est peut-être le moment où je n'ai pas pu finir le TT qui a été ma meilleure course, en 1967, lorsque ma chaîne a cassé dans le dernier tour et que je battais la Honda de Mike. Je savais que j'allais gagner et lui aussi. Il est venu me trouver ce soir-là pour sortir ensemble pour fêter une si belle course. Mais gagner le Tourist Trophy ne ressemble à rien d'autre, car là on trouve tout : lent, rapide, neige, pluie, brouillard, soleil, bord de mer, montagne... et il faut en permanence se rappeler où l'on se trouve, car un tour fait 60 km de long ! Gagner l'Ile de Man est, je pense, le succès le plus satisfaisant possible car on doit prendre tellement de risques. C'est très dangereux, c'est une longue course et tu sais que, peut-être, tu ne la finiras pas parce que tu vas chuter ou mourir. Donc quand tu termines et que tu es sur le podium, tu peux enfin respirer. Et si tu gagnes c'est encore mieux ! Mais je suis très fier d'avoir un endroit nommé à mon nom, ici avec une photo d'Ago's Leap ! C'est très difficile aussi juste avant cet endroit, quand on descend Bray Hill à fond. Parfois, dans le creux, le fond du réservoir d'huile sous le moteur touche. Repartir en wheelie juste après est presque une célébration : regardez, j'ai survécu à Bray Hill !

Le sens du spectacle

Pourtant, Ago était également célèbre pour faire le show, comme lors des courses de pré-saison sur la côte italienne, illustrées sur les photos des murs de la Sal Trofei, où les tracés étaient bordés de ballots de paille devant les lampadaires et les maisons sur lesquels Ago venaient se pencher pour faire voler la paille pour le plus grand plaisir des spectateurs :

Eh bien, je voulais utiliser toute la largeur de la rue, donc il fallait toucher la paille pour aller vite. Ok, parfois je me penchait peut-être volontairement plus loin, mais ces courses devaient surtout divertir le public, pas comme les Grands Prix où il faut être totalement sérieux. Je me souviens d'une fois à Cesenatico, un homme est venu me voir après une course et m'a dit : "Ago, j'étais en train de fumer ma cigarette et à chaque fois que tu passais, tu l'éteignais ! Alors je la rallumais, mais tu repassais et ça recommençait à chaque fois !

Agostini et sa MV 500 poursuivant la Honda de Hailwood à Riccione en 1967
Agostini et sa MV 500 poursuivant la Honda de Hailwood à Riccione en 1967

Mais quelques fois c'était nettement plus dangereux :

Mike Hailwood a fait la même chose. Lors du Senior TT 1967, nous avions tous les deux des cuirs noirs et après la course nous avions tous les deux les épaules couvertes de blanc, de quand nous passions les ponts et maisons et effleurions la pierre. Nous étions à la limite !" C'était d'ailleurs autant un ami qu'un ennemi. En tout cas, c'était merveilleux de piloter l'un contre l'autre.

Les meilleurs souvenirs

Il est temps d'aborder quelques moments marquants de la carrière d'Ago, à commencer par la plus mémorable des 311 victoires obtenues au cours de sa glorieuse carrière de pilote.

"Ce pourrait être ma première victoire avec la Morini 175. Ca m'a permis de réaliser que j'avais du talent. Mais c'est probablement Daytona, car il y a eu beaucoup de première : première victoire avec Yamaha dans ma toute première course pour eux et la première course avec un deux temps, d'abord avec le gros 700, première fois aux Etats-Unis et première fois sur des virages inclinés. Donc ce fut un très bon moment."

Au cours de sa carrière, l'Italien a remporté 311 victoires en course
Au cours de sa carrière, l'Italien a remporté 311 victoires en course

Sa moto préférée ?

La MV Agusta 500 à trois cylindre ici présente est la meilleure. Elle n'est pas facile à piloter, mais j'ai commencé avec en 1964 et je l'ai pilotée jusqu'en 1973. J'ai été le premier à tester le trois cylindres, parce que le comte Agusta a dit qu'il voulait un pilote italien pour la nouvelle moto. J'ai donc pu en faire ce que je voulais et elle est même sur mesure pour moi ! Elle fait ainsi 91 cm de la colonne de direction à la selle, puis 13 cm du repose pied au sélecteur de vitesse, des choses de ce genre. Puis, tout comme Daytona avec Yamaha, j'ai remporté ma toute première course sur cette moto lors de ma première course avec MV. C'était lors du GP d'Allemagne 350 au Nürburgring et j'ai tout donné pour battre Jim Redman et Mike Hailwood qui étaient déjà Champions du Monde tous les deux et j'ai gagné ! J'ai pleuré de joie toute la nuit parce que je n'arrêtais pas de penser : "Je viens d'arriver en Grand Prix et je peux déjà battre les grands champions, c'est fantastique.

La MV Agusta 500 exposée est celle que le pilote retrouve lors des événements classiques dans toute l'Europe
La MV Agusta 500 exposée est celle que le pilote retrouve lors des événements classiques dans toute l'Europe

Ago garde beaucoup de bons souvenirs de l'Allemagne :

"Le Nürburgring était un endroit formidable pour moi. J'y ai remporté ma première course de Grand Prix avec MV en 1965 et aussi ma dernière victoire avec MV en 1976. En fait, l'Allemagne est un pays étrange pour moi car j'ai remporté ma toute dernière course de moto à Hockenheim en 1977 sur la Yamaha TZ750."

En 1978, le nom d'Agostini est apparu dans les reportages sur les courses automobiles alors qu'il tentait de se forger une tardive carrière sur quatre roues à l'âge de 36 ans, comme l'attestent quelques photos exposées dans la Sala Trofei.

J'ai commencé trop tard pour réussir. Mais au milieu de ma carrière, Ferrari m'a offert la chance de courir en Championnat du Monde de Formule 1. Après trois jours de réflexion, j'ai dit non. Pourquoi ? Parce que j'aimais les motos, pas les voitures, alors pourquoi changer ? J'avais tout sur deux-roues : chaque dimanche je gagnais, ou du moins j'arrivais toujours sur le podium. J'étais heureux du talent que Dieu m'avait donné, donc je suis resté à moto. Ce n'est qu'à la fin de ma carrière que je me suis dit, OK, juste pour m'aider à oublier la course je piloterai quelques voitures un certain temps. Parce que vous savez, c'est très difficile d'arrêter de courir, un jour il faut se dire OK ça suffit, j'arrête. J'ai gagné tout ce qu'il y avait à gagner, donc j'ai arrêté.

Alors que Ferrari lui avait proposé la F1, Ago ne s'est essayé aux courses de voitures qu'après sa carrière à moto
Alors que Ferrari lui avait proposé la F1, Ago ne s'est essayé aux courses de voitures qu'après sa carrière à moto

Ago et le cinéma

Suspendues dans la Sala Trofei, trois affiches de films rappellent la participation d'Ago à des longs métrages dans les années 70, dont le mémorable Bolidi sull'asfalto a tutta Birra qui s'ouvre avec un Ago sans casque sur une BSA A65 Lightning contre une Lamborghini Miura. Avec sa dégaine de star de cinéma, pourquoi n'a-t-il pas fait plus de films ?

Faire ces trois films était un bon moment, avant de me marier avec Maria. Mais mon coeur était dans la course, pas dans l'industrie du cinéma. Oui, c'était la belle vie, de bons dîners, des gens sympas, beaucoup de filles et j'étais beaucoup plus détendu. Tout l'inverse du départ d'une course, que le coeur bat la chamade et que l'on vit à la limite. C'est juste du showbiz, comme ils disent.

L'exposition nous rappelle qu'en plus de son incursion dans l'auto, Ago a également joué dans quelques films
L'exposition nous rappelle qu'en plus de son incursion dans l'auto, Ago a également joué dans quelques films

J'ai donc décidé d'arrêter la course automobile et de lancer le Team Agostini en 1982 avec le soutien de Yamaha. Je ne voulais pas faire ça, mais Marlboro et Yamaha m'ont poussé. Je suis très content qu'ils l'aient fait, d'abord parce que cela m'a aidé à oublier la course en tant que pilote. Parce qu'alors, j'étais toujours sur les circuits mais en tant que manager. Et puis je suis aussi très fier car une fois encore j'ai gagné ma toute première course en tant que team manager avec Graeme Crosby à la Daytona 200, puis avec Eddie Lawson avec lequel avons gagné pas mal de courses en Grands Prix et pas moins de trois championnats du monde !

Une renomée à la hauteur de sa carrière

Ces succès, ainsi que ses nombreux titres de pilotes et ses trois années à la tête de l'équipe factory Cagiva en GP 500, ont valu à Ago le titre de Cavaliere della Repubblica, la plus haute distinction civile italienne, équivalente à notre Légion d'Honneur et dont le certificat est accroché au mur de la Sala Trofei.

40 ans après l'arrêt de sa carrière de pilote, Giacomo Agostini a créé l'un des rappels les plus fascinants de l'âge d'or des Grands Prix moto. Non seulement les trophées méritent d'être admirés, mais aussi tous les diplômes du Championnat du monde, les certificats de titres italiens, ces incroyables cahiers de "télémétrie" (je donnerais tout pour les feuilleter !) et l'histoire des casques, des combinaisons en cuir et des autres équipements de protection qui constituent cette collection. La plupart des musées moto, désolé Giacomo mais c'en est bien un, se focalisent sur les motos elles-mêmes et c'est la première fois que j'en visite un qui parle d'une personne, de quelqu'un qui les a conduites.

Quelle exposition fascinante c'est aussi ! Il existe également un court mais intéressant film sur la carrière d'Ago, bien qu'en italien uniquement, qui peut être visionné dans la Sala Trofei si les visiteurs le souhaitent.

Giacomo Agostini
Giacomo Agostini

Quatre décennies après avoir arrêté la compétition, Ago roule non seulement tous les jours, il a huit motos à la maison et un Yamaha TMax, mais aussi lors des événements classiques chaque année, le plus généralement sur la MV-3 exposée ici ou sur une Yamaha 500 de 1975 de prêt similaire à celle avec laquelle il remporta le titre mondial. Bien que les années aient passé, la popularité de l'homme est toujours aussi grande et celui-ci se retrouve à chaque fois assailli par les fans :

J'essaie de toujours bien me comporter avec tout le monde, surtout avec les tifosi. Je pense que si vous avez la chance de tout avoir, vous devez parfois donner quelque chose en retour. Donc, contrairement à certains pilotes modernes qui ne se donnent pas la peine de signer un autographe, je suis toujours conscient que si quelqu'un vous arrête et vous demande ça, ou même une photo, c'est parce qu'il vous admire et qu'il vous aime bien, alors pourquoi ne pas leur faire plaisir avec une simple signature. Il y a quelques jours j'étais à l'aéroport de Bergame pour prendre un vol et un petit garçon de 8 ans m'a demandé un autographe. Je lui ai dit que j'en serais ravis s'il pouvait me dire quel était mon nom et ce que j'avais fait. Eh bien il m'a regardé et a dit : "Vous êtes Giacomo Agostini et vous êtes 15 fois Champion du Monde !" Bingo !

Ce que nous faisons désormais avec la Sala Trofei est une extension de cette histoire. Les gens aiment venir, rester un jour avec Ago et me poser toutes les questions qu'ils ont, puis obtenir un autographe ! Peut-être que certaines personnes ont voulu me demander quelque chose depuis des années. C'est leur chance de le faire. Je les attends !

Plus d'infos sur Giacomo Agostini

Visiter la Sala Trofei d'Agostini

La visite de la Sala Trofei peut se faire en contactant directement la Vittoria Agostini à la Villa Vittoria Charme e Relax. Le pack Una Giornata Col Campione (Une journée avec le champion) comprend une nuit à la Villa Vittoria, une visite guidée de la Sala Trofei avec Ago en personne, avec le transfert en minibus entre la Villa et la maison du pilote, puis un diner dans le centre historique de Bergame, toujours en compagnie de Giacomo. Les réservations se font par groupe de 8 à 13 personnes. Les tarifs dépendent de la chambre choisie dans la Villa Vittoria et vont de 450 € à 700 € tout compris par personne.

Commentaires

PELE

Super reportage, c'était lui le roi en 1970, quand j'ai passé mon permis.
MV agusta et Ago, ce sont deux noms inséparables.

21-05-2020 18:42 
cajo

Belle rencontre et bel article qui donne un aperçu rapide de la carrière du grand pilote multi-champion du monde qu'il fut.
Ago aura marqué son époque, tant il était séducteur et avait du talent. Son statut privilégié de pilote d'usine avec les meilleurs machines, et son grand professionnalisme favoriseront les succès et forgeront le mythe "Ago". On aimait ou pas, n'empêche qu'il a été un très très très grand, qui l'age aidant, et au fil de ses participations à des expos-démos d'anciennes, se révèle bien plus humble qu'à l'époque ! V




ps : LA Daytona, ça écorche un peu ... les 200 miles de Daytona, c'est plus exact nan ? clin d'oeil

21-05-2020 19:42 
eriko

Je l'ai vu en 73 au Paul Ricard lorsqu'il
A essayé de résister a Saarinen dont c'était la première sortie sur la 500
Yam 4 cylindre et là on a vu un très grand Ago .La Mv3 était dépassé mais il s'est battu jusqu'à la chute..
Derrière Phil Read a assurait sur la nouvelle Mv4.

22-05-2020 18:35 
1364

@ eriko : "... La Mv3 était dépassé mais il s'est battu jusqu'à la chute..
Derrière Phil Read a assurait sur la nouvelle Mv4."

Cela c'est sûrement passé comme tu le dis, puisque tu y étais, mais je doute que Phil Read ait assuré sur la MV 4 (cylindres)...

En tous cas, allez voir cet article, en recopiant ce lien dans la barre d'adressage de votre navigateur internet préféré... c'est édifiant ! :
[motards-en-voyage.com]

23-05-2020 07:51 
 

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