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Roman : René (épisode 45)

Episode 45 : Les premiers tours de roues sont difficiles, par contre…

La tension est palpable, ce n'est qu'un premier roulage, mais tout le monde semble tendu en guettant l'horloge en bord de piste.

Soudain, les haut-parleurs se mettent à grésiller, et une voix balance quelques mots en anglais. Là, les mécanos s'agitent, passent les couverture chauffantes, et effectuent les dernières vérifications.

Cette fois, c'est la bonne. Une sirène se fait entendre, les commissaires de pistes agitent les drapeaux tandis que le pace car fait son retour, les pilotes commencent à sortir des stands, les moteurs chauffent, et quelques machines commencent à prendre la piste…

René vient lui aussi de s'élancer… Un simple tour pour prendre la température, en un peu plus de deux minutes. Il regagne le stand et s'adresse aussitôt à Albert :

« Elle tourne pas cette meule ! Et dès que je prends les freins, elle se relève… J'ai même pas pu faire un second tour, trop dangereux car y'en a qui avoinent déjà, et la piste est pas facile à enregistrer. J'ai l'impression qu'elle trop haute de l'avant. Par contre, le moulbif a l'air pas si mal que ça, même si j'trouve qu'il prend pas assez d'tours à mon goût… »

Papy regarde Juju. Le jeune informaticien branche alors son computer sur la moto, tapote rapidement son clavier, puis retire la fiche. Pendant ce temps, Jean-Yves, aidé d'Ovomaltine, vient de baisser les tubes dans les tés de fourche. Max se tourne vers Albert, celui-ci lève le pouce, et la moto ressort des stands.

Cette fois, René effectue trois tours d'affilée, dont le dernier en 1'58. De retour auprès de son équipe, il hoche la tête :

« C'est un poil mieux, elle tourne désormais. Le problème, c'est que maintenant ça drible au freinage. Je commence à comprendre la piste, mais je peux pas accélérer car elle guidonne. Vu la façon dont les autres y roulent, j'suis sûr que j'me prend déjà dix s'condes dans la tronche ! »

Nouvelle séance de réglage, et nouvelle tentative : quatre tours et… 1'55 !

Pendant ce temps, CORSER et LACONI, les plus rapides, sont déjà en 1'43. Faut dire qu'ils ont effectué des essais hivernaux ici même, et qu'ils connaissent parfaitement la piste…

Heureusement, la météo est clémente, et le vent nul, c'est déjà ça !

On tente une sortie avec la deuxième machine sans grand résultat, les chronos ne descendent pas et l'équipe commence à avoir le moral dans les chaussettes…

Régis vient de faire claquer un magnifique 1'40, alors qu'ils ne tournent que depuis trente minutes, puis c'est TOSELAND de passer en 1'38, puis VERMEULEN enfonce le clou avec un beau 1'37'5 : les temps ne bougeront plus de la séance, et tous se tiennent en moins de trois secondes… sauf le team GAGA qui piétine en 1'50 !!!

Fin de la première séance d'essai…

René est furibard en rentrant au stand :

« J'ai beau me dépouiller ! Ou elle tourne et elle drible, ou elle va mieux à l'accélération mais tourne plus…
Franchement, si ça continue comme ça, on peut remballer le matos et aller à la pêche, c'est impossible d'aller plus vite avec ce truc ! »

Max et Albert s'interrogent. D'ou vient le problème ? Du pilote ? De la moto ? Des deux ?…

Maurice tente de calmer son frangin, pendant que Dave s'en mêle en prenant la défense du Respectable.

« René est capable d'être aussi rapide que les meilleurs du plateau, il l'a prouvé sur la M1 à ROSSI. C'est clair qu'il y a un truc qui ne marche pas sur la moto, mais faut trouver quoi… »

« Admettons, dit Max, mais jamais on s'était retrouvé aussi loin des chronos de référence. On va étudier la télémétrie en détail, et tout reprendre à zéro. Un chance que tout le plateau dispose des mêmes pneus, au moins, à ce niveau-là, on est à égalité ! »

Bref, y'a du taf en perspective…

Le dîner est prévu à vingt heures, ça laisse trois plombes pour tenter de trouver un solution… en statique dans le stand !

D'après René, le problème semble provenir de l'arrière, et il regarde l'amorto en hochant la tête :

« Marche pas ce truc, grommelle l'Ancien assez énervé, j'pensais au début qu'j'allais pas êt' capable de jouer avec ces gars-là, mais finalement, y vont pas si vite que ça…
Non, le blèm', c'est qu'ça r'bondit et ça guidonne sans arrêt quand on arrive à m'faire une brèle qui tourne, comme si l'ressort arrière gatouillait comme celui d'une Viragro. Et quand j'prend l'autre, celle-là elle bouge plus, mais elle refuse de virer…
Moi, j'ai beau faire c'que j'peux, j'y suis pour rien, y z'ont pas l'air d'êt' doué chez BIMOCATI…j'me souviens quand l'Grigou, il en a essayé une au Mans, ben…, c'était déjà pas fameux ! »

Juju, après analyse des relevés informatiques, confirme les dires du Respectable, rien n'est cohérent entre l'arrière et l'avant, mais faut trouver pourquoi…

Albert baisse la tête en se tenant le menton. Il semble en proie à une profonde réflexion. Le chef mécano, au bout d'un certain temps dans cette position, lève les yeux vers Papy et Jean-Yves, puis déclare :

« C'est vrai qu'elle n'a jamais été réglée comme ça, René charge beaucoup plus l'avant que Alain…
A mon avis, faudrait reculer le moulin pour mettre plus de poids sur l'arrière et faire travailler d'avantage l'amorto en charge. On peut aussi jouer sur l'empattement en le rallongeant avec le réglage de l'axe de bras oscillant et, tant qu'on y est, faire plonger un poil plus l'avant tout en relevant les bracelets, z'en pensez quoi ? »

Papy et Jean-Yves se concertent. Pourquoi pas après tout ? Max se range aussi à l'avis d'Albert car il sait pertinemment que celui-ci maîtrise suffisamment son sujet pour ne pas trop se perdre dans une direction aléatoire.

De toute façon, quand on ferme la marche à douze secondes des meilleurs, on se doit de tout tenter pour redresser la barre…

Les mécanos se mettent aussitôt à l'œuvre sur les deux machines, laissant toutefois l'une d'entre-elles dans une configuration plus soft, histoire de pouvoir comparer l'évolution des réglages. Seul point positif dans l'immédiat, le moulin semble à la hauteur de la concurrence avec une vitesse de pointe équivalente, et des accélérations terribles en sortie de courbe.

A vingt heures précise, le boulot achevé, le team ferme la porte du stand pour regagner le restau de l'hôtel avec une certaine appréhension. Il va y avoir des commentaires qui vont fuser de la part des autres équipes, sans compter les scribouillards qui risquent de poser des tas de questions embarrassantes au sujet des perfs de René, l'intrus de service, mais aussi de cette BIMOCATI attendue au tournant…

L'arrivée du team dans la salle provoque un silence dans l'assemblée : les girls sans doute…

Pas un ne pipe mot. Faut dire que les filles sont en tenue… plutôt légère, une directive de Max pour détourner l'attention de l'épineux sujet préoccupant l'équipe…

Le repas se passe dans le calme le plus total. Les managers et pilotes discutant du déroulement de la séance avec quelques regards en loucedé vers les girls du magna de la capote, lesquelles profitent de l'occase pour bien allumer la salle en adoptant des positions… assez subjectives !

Bizarrement, les journaleux restent assez discrets, au grand soulagement de Maurice, craignant une réaction de son fougueux frangin avec inquiétude, René ayant déclaré « faire bouffer son assiette au premier locdu qui oserait le brancher… », ce à quoi Max lui a demandé de rester calme, par respect pour la marque…

C'est Garry MC COY qui a lancé l'offensive au dessert :

« Bon, on en est qu'au premier roulage, mais je suis content de constater que la PETRONAS est bien plus efficace que la BIMOCATI. Faut avouer que quand on est contraint de faire rouler le troisième âge pour aligner une moto sur la grille, y'a pas de miracle à attendre… »

Boum…, silence total !

L'ensemble du team GAGA se tourne alors avec anxiété vers René. Pépère se met à trembler, le nez dans son assiette…

Comment va t'il réagir ???

Il reste ainsi un long moment sans réagir, puis, très lentement se lève et se tourne vers l'australien. Il se contente de regarder MC COY droit dans les yeux quelques instants, pour enfin répondre avec un petit sourire :

« J'va t'dire, mon p'tit gars (tu permets ? j'pourrais être ton père…), à mon âge, on prend son temps…
La course, c'est seulement dimanche, et j'me rode pour l'instant. Toi, t'es d'ici, tu connais la piste et ta moto. Faut être un pneu indulgent, on fonctionne comme un moteur diesel qui a besoin d'un temps d'chauffe pour bien marcher, mais on va faire le maximum pour te montrer le dosseret d'selle dès la première manche… »

Visiblement satisfait de sa réplique, l'Ancien regagne ensuite sa chaise. Max et les autres poussent un grand « OUF ! » de soulagement en constatant que, finalement, René semble avoir écouter les recommandations du chef du team.

Mais Garry poursuit :

« Oui mais un moteur diesel, ça n'a jamais été un moulin de course… », ajoute-il malicieusement en lançant un clin d'œil au Respectable.

René se retourne une nouvelle fois près de lui :

« Ben si tu veux, on va jouer à un p'tit jeu, histoire que tu m'comprennes. T'es d'accord avec moi pour affirmer que quand on sait grimper sur une bécane, on sait grimper les frangines… ? »

Max et les autres se regardent avec connivence ; pas bête, Pépère…

MC COY répond, quelque peu surpris :

« Heuuu…, oui sans doute, mais tu veux en venir où ??? »

René poursuit, un petit sourire :

« A ceci : regarde bien les filles ici présentes… Tu en choisis une, j'en fais de même, on grimpe dans les piaules, on met gaz, puis on en prend une autre, et ainsi de suite jusqu'à ce que l'un de nous finisse dans l'bac à sable. Le perdant paye un coup à l'autre, ça marche ? »

Maurice est obligé de se planquer sous la table pour ne pas exploser !

« Ma fois, répond Garry, à part le fait que je trouve le jeu dangereux pour ta santé, je veux bien essayer ! »

« Je parie sur René !, lance Régis LACONI, aussitôt imité par FORET, CHAMBON et CHARPENTIER, vas-y René ! Montre lui au bouffeur de kangourou ce qu'un frenchie est capable de faire… »

Pépère se penche en douce vers son frangin :

« File-moi ta fiole miracle », souffle t'il à l'oreille de Maurice, tout en se levant.

« Fais gaffe ! Une goutte seulement… », recommande celui-ci en s'exécutant.

Seules les filles sont un peu hésitantes en regardant MC COY.

« Patron, il est petit, moche et avec des grandes oreilles, on dirait un chimpanzé… », protestent-elles en direction du boss.

« Mesdemoiselles, il en va de notre honneur, c'est un ordre et je double vos gages… », répond Max d'un ton impératif.

C'est pas de gaieté de cœur, mais elles obtempèrent finalement. Ça s'appelle du professionnalisme, et c'était un des critères de sélection à l'entrée dans la boîte !

Les deux concurrents choisissent chacun une fille, et quelques temps plus tard, les premiers cris parviennent de l'étage…

Les pronostics vont bon train, les paris aussi. Même le personnel, d'abord circonspect d'une telle scène dans un hôtel cinq étoiles, s'y met en crachant au bassinet !

C'est MC COY qui descend le premier, un peu marqué sous le coup de l'effort. Il choisit une deuxième fille, et remonte rapidement, croisant au passage un René frais comme un gardon, lequel sifflote en se dirigeant tranquillement pour changer de monture…

Bientôt, les deux premières filles redescendent à leur tour, l'une d'entre-elles est visiblement éprouvée !

Au bout de quatre descentes, Garry semble sur les rotules.

« J'abandonne… » dit-il en baissant la tête…

Pendant ce temps, les cris à l'étage se poursuivent ; à chaque redescente du Respectable, force est de constater qu'il reste aussi fringuant qu'au départ, à l'inverse des filles…

René persiste ainsi encore cinq fois, histoire de bien enfoncer le clou (façon de parler…). Puis, il décide d'arrêter les frais, et déclare :

« C'est pas tout ça, mais moi, l'effort ça me donne soif : Garry ? sert-moi un verre… »

L'assemblée, ébahie par la performance de l'ancien, fait une véritable ovation à Pépère, tandis que MC COY se lève et se dirige vers lui en le regardant comme s'il avait affaire à un fantôme :

« Pas possible…, un extra-terrestre…, jamais vu un truc comme ça… », bafouille t'il en venant néanmoins serrer la main du vainqueur. En sportif accompli, il reconnaît ainsi la valeur de son adversaire.

« Aller, tu f'ras mieux la prochaine fois…, lui déclare René en se moquant gentiment de lui, paye moi mon verre plutôt, t'es mon pote désormais ! »

Il semble que Superpapy vienne de marquer un premier point…

Tu veux que je dise comment c'est terminée la soirée ? Ben ouais, dans la piscine… Mais je te raconte pas la suite car on est surtout là pour causer moto !

Demain matin, les choses sérieuses vont reprendre…

René Gédeufoitrentans "le gatouillable" by Sato

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