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La Chronique de Koud'pied o'Kick

La KronikKoud'pied o'Kick est un journaliste professionnel écrivant actuellement pour un grand hebdomadaire. Vous le retrouvez chaque mois exprimant son opinion sur un monde qu'il affectionne énormément : la moto, avec un amour immodéré de la controverse, à nul autre pareil.

KroniK de novembre

Les Disciples de Longtarin

Avertissement : le texte qui suit est humoristique (de humour, « forme d'esprit qui cherche à mettre en valeur avec drôlerie le caractère ridicule, insolite ou absurde de certain aspects de la réalité [...], in Le Petit Larousse illustré). En cas de mécompréhension de cette notion, s'en remettre à l'avis du supérieur hiérarchique le plus proche, ou, à défaut, d'un passant dans la rue.

La Kronik illustrée par Sato

Oubliez Platon. Brûlez Heidegger, Spinoza. Jetez Kant, Sophocle et Professeur Choron. Le Théoricien du Procès-verbal, c'est lui. Longtarin*. C'est à lui que l'on doit la mise au point de la prune bondissante-éclairante, du PV à fragmentation, de l'amende à aire d'effet, du permis mouchard et du radar probabiliste. Précurseur dans de nombreux domaine, on peut affirmer que ce fut lui qui fit des Forces de l'Ordre françaises ce qu'elles sont aujourd'hui. Ses deux ouvrages, "Métaphysique du Procès-verbal" et "Mon Radar et Moi, une Vie" ont largement contribué à façonner ceux qui, aujourd'hui, forment la fine fleur de la bleusaille. La fulgurance de ses analyses – dont le célèbre « z'êtes crac dedans »- et son approche révolutionnaire de l'arrestation du contrevenant l'ont hissé au même niveau que d'autres bienfaiteurs de la Nation comme Guillotin ou Thiers.

« Des contrevenants encore impunis »

De son oeuvre, on retiendra cette maxime, pierre angulaire de la Doctrine Policière Moderne : « Il n'y a pas d'innocents, que des contrevenants encore impunis ».

Base de sa philosophie, elle élève les nobles notions de suspicion et d'intransigeance au rang de vertu. Dès 1974, il prophétise l'avènement du radar automatique. Grand gourou du permis à point, principal promoteur du dos d'âne en sortie de virage aveugle, il lutta pendant toute sa carrière pour faire équiper les brigades routières d'hélicoptères de combat, nécessaires selon lui au respect des limitations de vitesse dans les parkings souterrains.

Au moment de faire valoir ses droits à une retraite bien méritée en 2003, il reçut des main du ministre de l'Intérieur lui-même un Mesta 206 -que dis-je- le Mesta 206 avec lequel il avait fait ses premières armes, précieusement conservé au Musée des Armées depuis quelques années dans l'attente de cet événement. Entièrement restauré, cet appareil trône maintenant dans sa salle à manger, au côté de son « tableau de chasse » : 1.342 suppressions de permis, 16.902 point retirés, 3,015 millions d'euros d'amendes, 23.535 procès-verbaux dressés pour stationnement abusif, et un score impressionnant de 6.892 contrôles routiers. Ces statistiques, certifiées par le ministère, font de l'Agent Longtarin un exemple pour tous.

De la pratique à la théorie

C'est de la pratique qu'il tira ses principales théories, et non l'inverse. Des expériences issues de ses nombreuses interceptions, il fit une synthèse qui figure en introduction des manuels de formation des brigades routières.

Avec l'aimable autorisation de son éditeur, nous en reproduisons ici quelques extraits :

– Ne jamais déclencher le radar avant de voir le blanc des yeux du contrevenant.
– Ne visez pas les pneus. De face, visez le radiateur. Et de l'arrière, le réservoir d'essence.
– Epargnez l'argent public : réquisitionnez un véhicule si vous devez vous en servir comme bélier plutôt que d'employer votre véhicule de service.
– Statistiquement parlant, il faut trois balles pour immobiliser un véhicule. Avec un chargeur, il est donc possible de procéder à au moins trois contrôles de routine.
– Si le contrevenant conteste, sortir son arme accélère l'obtention d'aveux complets.

Longtarin en action

Dans Mon Radar et Moi, une Vie, Longtarin dépeint avec un réalisme criant ses plus brillantes interceptions. Ce long extrait, publié en accord avec les autorités compétentes, jette sur son oeuvre un éclairage diffus que n'assombrit pas le judicieux placement, à des emplacements stratégiques, d'épithètes de choc et de sous-entendus lourds comme la brise charriant l'épais sillage de sa foudre judiciaire.

Embusqués sur la départementale 143 au kilomètre 15, à hauteur de St Flouze, le Sergent Dutromblon et moi-même, Adjudant Longtarin, avons mis en ordre de marche vers quatorze heures vingt-deux notre Mesta 206 de dotation conformément au règles stipulées dans la Circulaire Départementale 84-31 en date du 16 Août 1986 relative au Positionnement des Cinémomètres d'Interception.

Pour maximiser l'effet de surprise, celui-ci fut dressé le long d'une clôture de couleur claire, afin de rendre sa détection visuelle plus problémifiante pour les contrevenants avérés. Basculé en mode actif vers quatorze heures trente, conformément aux Instructions émanant de la Haute Hiérarchie, nous avons mené dès quatorze heures trente et une notre première interception réussie. Grâce à l'emploi judicieux et combiné d'une herse et d'un projectile -en l'occurence, une poubelle de marque Plastic Omnium qui se trouvait là-, le véhicule de notre premier suspect s'immobilise, non sans avoir endommagé un Platane Séculaire avec son pare-choc avant. Vérification faite, nos doutes s'avérèrent confirmés : le rétroviseur dudit contrevenant était resté en position « nuit » alors que le soleil était levé depuis au moins sept heures et cinq minutes. Après un court conciliabule, le Segrent Dutromblon et moi-même décidons de faire preuve d'indulgence : le malfaiteur fut relaxé avec un simple avertissement et sommé de dégager la voie publique, conformément aux Directives Relatives aux Bonnes Relations avec les Usagers de la Route édictées il y a peu par le Ministère.

A quatorze heures trente-quatre, nous arrêtons une camionnette de marque Renault et de couleur grise, transportant deux personnes et un chargement suspect. S'agissant visiblement de denrées alimentaires, nous avons alerté par radio les services compétents, à savoir la 412e Brigade de Grenadiers-Vétérinaires. A notre grand désappointage, il nous fut répondu par un civil non identifié (je cite) : « arrête de nous les briser avec tes conneries, Longtarin », et ce avant même que nous eussions l'occasion de décliner notre identité. Dans le doute, nous avons procédé à la suppression suspensive des denrées alimentaires qui, après analyse, rejoindront l'ensemble de Pièces à Conviction amassées dans le Réfrigérateur de Service de la Brigade. Le Sergent Dutromblon, lui, a procédé à la pose d'un garrot sommaire sur la jambe du conducteur, blessé par inadvertance lors de la tentative d'immobilisation de son véhicule par ledit Sergent. Sitôt ladite camionnette repartie, nous, Adjudant Longtarin, l'avons couvert pendant qu'il prélevait dans l'Armurerie de notre Véhicule de Service un nouveau chargeur, chargé à 9 balles comme le préconisent les Autorités Supérieures.

A quatorze heures quarante-et-une, et malgré la pluie, nous réalisons un magnifique doublé : un cycliste et un véhicule de tourisme pris en flagrant délit de tentative d'excès de vitesse. Contrôlé à quarante-huit kilomètres à l'heure, l'automobiliste allait très certainement, dans les secondes qui suivaient le dépassement dudit cycliste, commettre l'irréparable. Devant deux adversaires présumés dangereux, le Sergent Dutromblon fit preuve d'un sang-froid et d'une coordination remarquable : empoignant de la main gauche la boîte contenant notre Dotation Régulière de Clous à Quatre Pointes et de la main droite son fusil à pompe Remington de Service, il mit un terme à la cavale qui n'allait certainement pas manquer d'avoir lieu. Rapidement maîtrisé, l'automobiliste avoua sa faute sans résistance, avant d'être menotté et enfermé dans Notre Véhicule de Service pour interrogatoire une fois de retour à la Brigade. De mon côté, j'administrais les Derniers Sacrements Administratifs au cycliste, gravement blessé au ventre par son excès de vitesse.

A quatorze heures quarante-huit, nous avons solennellement présenté les armes à la Voiture de Notre Adjudant-Chef , sans doute en Mission de Réapprovisionnement à l'Intermarché local.

A quatorze heures quarante-neuf, profitant d'une incompréhensible baisse de vigilance de la part de notre Mesta 206, un motocycliste tente de s'enfuir alors qu'aucune mesure n'avait pu être faite. Lancés à sa poursuite à bord de notre Véhicule de Service, nous avons dû rapidement renoncer après avoir omis de débrancher le câble de notre Cinémomètre. Nous avons lancé un appel radio : le criminel sera rapidement intercepté par le peloton de l'Adjudant Bourrasque et condamné pour destruction de Matériel Appartenant à l'Etat, de Délit de Fuite et de Tentative d'Excès de Vitesse sur la Voie Publique ayant Entraîné la Chute d'un Radar.

A partir de quatorze heures cinquante-quatre, notre Mesta 206 a commencé à donner d'inquiétants signes de faiblesse lors de sa remise en marche. Sa chute a certainement déréglé l'unité de calibrage, car tous les véhicules qui sont passés devant nous pendant les deux heures suivantes n'ont pas dépassé le trente-huit kilomètres à l'heure. C'est à seize heures vingt, alors que nous avons décidé de retourner à la Brigade, que le Sergent Letromblon s'est aperçu que nous avions oublié d'éteindre notre Gyrophare Avertisseur à l'issue de notre dernière interception.

Un patrimoine national

Ces lignes résument l'état d'esprit, l'engagement, l'abnégation, l'héroïque sacrifice de l'Adjudant Longtarin à la cause de la sécurité routière. Cette oeuvre sublime, Bible de cette noble profession, passera à la postérité comme le manifeste prémonitoire d'une France droite dans ses bottes©.

Car ils ne seront jamais assez remerciés, ces obscurs héros du devoir, verbalisant les pieds dans les flaques les contrevenants commis d'office et les terroristes routiers™. Heureusement, la réforme technologique est en marche, et bientôt, l'avènement du radar numérique viendra les soulager de cette terrible épreuve. Disposés aux carrefours stratégiquement accidentogènes, ils viendront peser de tout leur poids dans la balance des statistiques de l'insécurité routière. D'ici quelques années, grâce à l'impulsion donnée par l'Adjudant Longtarin, l'expression « mettre un policier derrière chaque conducteur » sera une réalité, avec des ordinateurs de bord obligatoires, reliés directement avec le centre de traitement des amendes de Rennes. A cette date, son triomphe sera total. La France pourra rouler tranquille, à l'ombre des jolis képis bleus.

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Calmez toutes vos alarmes, Vivons sous le charme... Des chaussettes à clous ! (B. Vian) --

* que Franquin, d'où il est, veuille bien m'excuser ce cet emprunt.

Koud'pied o'Kick, - le 1er novembre 2004

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