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Histoire constructeur : Moto Martin

Les cadres Made in France

Dans les années 70, les motos à cadre Martin étaient des symboles, de puissance, de sport, avec une pluie de records et de trophées pour asseoir le mythe. Et tout çà grâce à un Français, George Martin. L'homme a eu la bonne idée au bon moment et fait preuve de détermination et de dévouement pour la mettre en pratique jusqu'à fabriquer plus de 5.800 sportives et kits de cadre Moto Martin et devenir ainsi l'un des plus prestigieux constructeurs de moto.

L'histoire des Moto Martin commence en 1972 et continue jusqu'en 1986. Les cadres sont alors tous fabriqués à la main, avec un objectif unique focalisé sur l'exploitation des performances de la nouvelle génération de quatre cylindres japonais d'une façon que les lourds châssis d'origine à la direction lente, souvent fragile et instable, étaient incapable de faire.

Inévitablement, les constructeurs nippon ont finalement acquis leur propre expertise dans l'art de concevoir un cadre et l'arrivée de la Suzuki GSX-R 750 en 1985, avec son châssis en aluminium, a marqué la fin de l'âge d'or des constructeurs de cadres en Europe pour des entreprises comme Rickman, Dresda, Egli, Segale, P&M et Moto Martin. Seuls les Britannique Harris Performance, équivalent anglais de Moto Martin et Spondon ainsi que le Hollandais Bakker Framegebouw ont survécu en se concentrant sur les Grands Prix et d'autres cadres de compétition, ainsi que sur des bras oscillants supérieurs et autres pour la nouvelle génération de Superbike.

Histoire constructeur : Moto Martin
Histoire constructeur : Moto Martin

Né à Nantes, Georges Martin s'installe à Paris pour suivre une formation d'ingénieur. Il trouve cependant d'abord du travail comme dessinateur pour une entreprise d'ascenseurs. Motard convaincu, il conduit alors une Velocette Thruxton qu'il troque en 1969 pour l'une des nouvelles Honda CB750 tout juste lancée. Mais alors que le quatre cylindres offre un niveau de performance totalement différent des monocylindres britanniques qu'il avait pilotés jusqu'alors, Martin trouve que la maniabilité laisse à désirer. Conscient qu'il s'agit d'une critique courante dans la liste croissante des clients Honda, Georges abandonne son travail et emménage dans un petit atelier près de Bastille où il travaille à la conception d'un nouveau cadre pour le moteur Honda le jour et y dort la nuit. Sa conception à double amortisseur avec un cadre en acier CrMo 25 CD 4S, proposée avec un carénage intégral de type course, est étroitement basée sur le design de cadre à épine dorsale Egli-Honda récemment présenté et qui allait prochainement remporter le Championnat du Monde d'Endurance 1972 entre les mains de Godier/Genoud. Celle-ci utilise la colonne vertébrale tubulaire comme réservoir d'huile pour le moteur Honda à carter sec. Et quant elle est présentée en février 1972 au Salon de Compétition organisé à moins d'un kilomètre de son atelier, Martin est submergé de commandes alors que sa "Bol d'Or" s'affiche à un prix beaucoup plus bas que le coûteux kit suisse.

Georges Martin
Georges Martin

Ce succès commercial s'intensifie une fois que les premières moto sont livrées aux clients. Il faut dire que les résultats sont à la hauteur des attentes en offrant une meilleure maniabilité, ainsi qu'un gain de poids d'environ 40 kg par rapport aux 210 kg de la Honda de série.

Le succès appelle plus de commandes et de place, entraînant un déménagement dans un atelier plus grand. En 1973, George Martin crée son usine Moto Martin dans la station balnéaire vendéenne des Sables-d'Olonne, où il ouvre également une concession Kawasaki. Le timing est parfait puisque la légendaire Z1 900 vient d'être lancée, dotée d'un moteur encore plus performant que la Honda de 750 cm3, mais souffrant de problèmes de tenue de route encore plus prononcés. La gamme de châssis Martin s'élargit alors avec des kits pour ce moteur, ainsi que pour le trois cylindres deux temps H2R et son homologue sur la Suzuki GT750.

Moto Martin Kawasaki lors des Iron Bikers
Moto Martin Kawasaki lors des Iron Bikers

Cependant, l'architecture plus imposante du moteur à carter humide de Z1 n'est pas adapté au format de cadre à épine dorsale développé pour la Honda. Martin introduit alors un nouveau design de cadre à berceau ouvert avec une extrémité arrière à mono-amortisseur en porte-à-faux, mais toujours en acier chrome-molybdène. Cela devient la marque de fabrique du cadre Moto Martin pour la décennie suivante, n'accueillant initialement que les moteurs Kawasaki Z900 puis Z1000, mais s'adaptant avec le temps à une grande variété d'autres moteurs. Associé aux propres fourches et roues en aluminium coulés de Martin (respectivement faites pour lui par Betor et JPX), ce labyrinthe de tubes de petit diamètre est invariablement nickelé et surmonté d'un carénage Café Racer complet avec un becquet intégré à la selle, ce qui devient emblématique des Moto Martin. Malgré la nature bien rembourrée de la selle monoplace et le fait que ses motos n'ont jamais vraiment excellé en compétition, Martin conçoit ses kits comme des machines de compétition avec des phares, comme il l'expliquait lui-même dans une interview de 1979 :

Nos clients recherchent une certaine conception technique qui n'est pas nécessairement le format le plus efficace, mais qui est certainement le plus original et le plus marquant. Moto Martin ne prétend pas construire les meilleures motos du monde. Ainsi le cadre à berceau ouvert que nous faisons pour les Kawasaki et Suzuki est meilleur que les originaux, mais a une structure moins rigide que notre châssis Bol d'Or pour la Honda, qui utilise le moteur comme élément porteur. Mais nos clients préfèrent le design de la structure ouverte à celle-ci, car ils pensent que c'est mieux. Nous devons toujours porter une attention particulières aux solutions techniques que nous utilisons dans nos cadres, en prenant soin d'évaluer chaque composant sur la base de trois critères différents. Premièrement, cela doit donner l'impression d'avoir une origine course, car c'est ce que veulent nos clients ; deuxièmement, il doit être simple à fabriquer car cela garantit la fiabilité ; et troisièmement, vous devez toujours garder à l'esprit le prix de vente, car tout ce que nous produisons doit être abordable. Je sais moi-même ce que signifie être motard et devoir compter ses sous pour pouvoir rouler. Si vous ne faites pas attention aux coûts, vous perdrez le client, le rêve que nous vendons doit être à la portée de tout le monde.

Moto Martin Kawasaki 1000 de 1979
Moto Martin Kawasaki 1000 de 1979

Cette philosophie a parfaitement fonctionné. En 1979 la production de Moto Martin s'est tellement développée que l'espace est à nouveau un problème. A l'automne, l'entreprise emménage donc dans une nouvelle usine de 1.000 m² aux Sables-d'Olonne, permettant à l'effectif d'augmenter jusqu'à 24 personnes en 1980, puis 35 en 1983. L'usine assure alors la production de plus de 600 motos complètes et kits chaque année, dont la moitié destinée à la France, puis un tiers à l'Allemagne et le reste principalement à la Suisse, la Belgique, les Etats-Unis et l'Australie.

Les cadres sont alors en cours de construction pour accueillir les moteurs de Kawasaki Z1000J, Honda CB900FZ, Suzuki GS1000 et Yamaha XS1100, avec une conversion de la transmission finale par chaîne pour ce dernier. La version Honda du cadre présente désormais un format à double berceau au lieu du berceau ouvert. Mais c'est un légende urbaine que ce choix ait été fait après qu'il ait été découvert que le vilebrequin de la CB900 cassait à moins qu'il ne soit entièrement supporté dans un cadre fermé. La réalité est plus prosaïque selon Georges Martin, qui insiste sur le fait que cette histoire est une pure fiction :

Cela n'a rien de vrai, ce n'est jamais arrivé avec nos montures. Nos cadre Martin découlent à la fois de considérations marketing et liées à la course. Le cadre poutre est très facile à construire, il est rigide et léger, mais la culasse est difficile d'accès. Le cadre périmétrique est beau mais lourd et facilement endommagé en cas de chute. Le cadre à double berceau a d'abord été conçu pour la piste, tout comme d'autres fabricants de cadres ont pu le faire à l'époque, car il s'est avéré être le meilleur design en termes de stabilité de conduite et d'accessibilité du moteur.

Moto Martin Kawasaki 1230
Moto Martin Kawasaki 1230

En 1980, les premiers exemplaires de la plus emblématique de toutes les Moto Martin sont livrés : la CBX six cylindres.

La suspension arrière Uniflex avec liaison progressive est désormais disponible. L'utilisation de freins Brembo Serie Oro, de roues Marvic et d'une fourche Marzocchi s'est normalisée, le monoamortisseur arrière restant systématiquement un DeCarbon de fabrication française.

En 1983, une version à empattement plus court du cadre périmétrique est proposée, avec un empattement de 1.450 mm au lieu de 1.500 mm et une maniabilité plus vive grâce à un angle de chasse fermé à 25° ainsi qu'une géométrie de direction plus serrée via une traînée réduite à 105 mm, ceci grâce à ses propres triples tés moulés.

Moto Martin Suzuki 1100 GSX
Moto Martin Suzuki 1100 GSX

Avec un pic de production de ses cadres existants, Georges Martin peut alors explorer ponctuellement des cadres pour d'autres constructeurs de moteurs non japonais, comme les twin et trois cylindres Laverda, un design de Triumph triple étroitement dérivé du cadre Rob North ou même un prototype de Villa 125 cm3 pour un projet de championnat monomarque qui n'a finalement jamais vu le jour. Les cadres Moto Martin ont également été construits pour accueillir un bicylindre en V Ducati de 860 cm3, un Benelli Sei (en repartant du design du CBX) et même un moteur de BMW K100. Mais les quatre japonais constituaient toujours la grande majorité des kits Moto Martin, y compris les Suzuki GSX1100 et Honda CB1100R de 1983 ou même la Honda VF100 avec des tubes de cadre à section carrée, suivie un an plus tard par la Suzuki GSX-R 750 à châssis aluminium qui viendra changer la donne.

Après une longue pause, Georges Martin a repris la fabrication à petite échelleLes constructeurs japonais apprennent enfin à produire un cadre offrant une bonne tenue de route et avec les économies d'échelles rendues possibles par leur volume, à un prix bien inférieur à celui auquel Georges Martin pouvait espérer rivaliser. Avec la chute des ventes, en 1986, Martin passe complètement sur quatre roues, mettant fin au statut de fabricant de motos de Moto Martin en faveur de la création de copies françaises de Lotus Seven, puis plus tard d'AC Cobra et de Ford GT40 propulsées par des V8 américains.

A sa retraite, Georges Martin revient dans le monde moto en créant d'abord GMP (Georges Martin Production) pour fournir des pièces de rechanges sur les modèles d'avant 80 ainsi que des accessoires rétro. Il reprend également place au poste à souder en concevant quelques exemplaires de ses cadres traditionnels pour les courses d'endurance classiques, motorisés par les moteurs Honda RSC1000 et Kawasaki Z1000.

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Commentaires

1364

Raaaha! Ces machines en ont fait rêver plus d'un !
À l'époque, en posséder une glorifiait son détenteur. clin d'oeil

05-08-2020 08:47 
Charlie_41

Des sportives qu'on a souvent vu sur la roue arrière

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[lesmotosmythologiques.blogspot.com]

05-08-2020 09:58 
TiMilo

Le 3 cylindres H2 R ???
Y'aurait pas un R de trop ?

Beau reportage tout de même.
Ma préférée :

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Ce cadre met encore plus en valeur le six cylindres.

05-08-2020 13:15 
AS

Et oui que du rêve, à 19 ans je n'ai pas eu les moyens d'avoir une Martin, mais qu'est ce que j'en ai rêvé, j'ai juste mis un bras oscillant Martin avec des commandes reculées Rask et des amortisseurs Fournales sur mon 900 Bol d'Or en 1981

05-08-2020 19:06 
Godzilla

Mon ancien garagiste me parlait de temps en temps de "Martin et ses tubes de chauffage". super content

06-08-2020 14:57 
L'iguane

Sont rarement en chromoly les tubes de chauffage...

06-08-2020 19:10 
1364

@ AS : Et alors ? Ça saucissonait toujours vaille que vaille, ou, le 900 BO, se rachetait une conduite ?

Non, parce que d'origine... Aïe ! Aïe ! Aïe ! clin d'oeil

07-08-2020 09:12 
WHITEGOLD

C'est vraiment le constructeur qui à la fin des seventies m'a fait rêver, mais seulement rêver, faute de moyens...
Martin par la qualité de ses cadres vendus a des prix honnêtes méthamorphosait des machines ordinaires en machines extraordinaires à des années lumières des production artisanales dispendieuses actuelles où bien souvent il ne faut dans artisanales n'en retenir que le suffixe....

11-08-2020 13:41 
CLEW

Citation
WHITEGOLD
...où bien souvent il ne faut dans artisanales n'en retenir que le suffixe....

question

11-08-2020 13:56 
A-Lain

Citation
CLEW
Citation
WHITEGOLD
...où bien souvent il ne faut dans artisanales n'en retenir que le suffixe....

question

si si c'est bien dit
(ne pas confondre avec le préfixe).

11-08-2020 17:20 
nicoxj900

c'est profond

11-08-2020 18:49 
 

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