english

Essai Ducati Panigale V4 R

La meilleure, tout simplement

V4 de 998 cm3, 221 ch (234 cv) et 112 Nm, électronique et ride-by-wire, carénage aérodynamique, 193 kg pleins faits, 39.900 euros

2019 représente une année charnière pour Ducati en compétition et même pour les courses de Superbike en général. Pour la première fois depuis 31 ans et la création du Championnat du Monde Superbike en 1988, il n'y aura plus de V-Twin Ducati sur la grille lorsque débutera la saison à Phillip Island en février. En effet, pour la première fois, on ne trouvera plus une seule moto bicylindre et toutes les motos sur la grille seront équipées de moteur d'un litre pour la 1re fois depuis 2008, année où la FIM relevait le plafond de capacité des twins à 1.200 cm3 contre 1.000 cm3 pour les 4 cylindres.

Essai de la Ducati Panigale V4 R

C'est parce que Ducati a mis fin à sa lignée de sportives desmo V-Twin remontant à 1972 que Paul Smart remporta l'Imola 200 pour la première course avec une 750 à V-Twin desmodromique. 14 titres de Champion du Monde Superbike plus tard, le dernier prix était remporté en 2011 par Carlos Checa sur une 1098R, Ducati a finalement décidé de produire un modèle quatre cylindres pour les courses Superbike en s'appuyant sur son V4 Desmosedici de MotoGP, introduit quant à lui dès 2002 et dont la dernière version a permis à Andrea Dovizioso de terminer 2 fois vice-champion du Monde MotoGP derrière Marc Marquez et Honda.

La technologie Desmosedici Stradale avait déjà été introduite sur le marché il y a un an avec la Panigale V4 S, mais avec un moteur de 1.103 cm3 inéligible pour le WorldSBK. Mais lors du dernier salon EICMA de Milan, Ducati a dévoilé sa toute première superbike à 4 cylindres et à vocation routière ! Car pour pouvoir rouler dans le championnat, une moto doit être entièrement homologuée et produite à un minimum de 125 exemplaires avant sa première saison de course, 250 à la fin de la première et 500 à la fin de la seconde. Les machines doivent également respecter une limite tarifaire de 40.000 euros. Ainsi, la V4 R de 998 cm3 s'affiche à 39.900 euros TTC.

Phares avant de la Ducati Panigale V4 R

Pour s'assurer que suffisamment de motos auront été produites avant le coup d'envoi de la saison le dernier week-end de février, la production a débuté en janvier. On l'a même vue sur les lignes de montage lors de notre visite de l'usine à Bologne.

Découverte

Il s'agit là de la moto la plus puissante jamais réalisée par Ducati avec une puissance de 221 chevaux à 15.250 tr/min en version route, soit 2.250 tours plus hauts que les 214 chevaux de la V4 S, avec un couple de 112 Nm à 11.500 tours/minute (contre 124 Nm à 10.000 tr/min pour le V4 de 1.103 cm3). Le régime moteur atteint quant à lui 16.500 tr/min sur le dernier rapport et 16.000 sur tous les autres.

Le 4 cylindres de la Ducati Panigale V4 R

Ca, c'est pour la version route, car en configuration piste avec sa ligne d'échappement Akrapovic la puissance monte jusqu'à 234 chevaux pour un poids de 193 kg avec les pleins d'eau, d'huile et le réservoir aluminium de 16 litres rempli (ou 172 kg à sec). Le rapport puissance/poids incroyable atteint 1,36 cheval par kilo, soit très proche du 1,38 ch/kg de la 1299 Supperleggera (215 ch) qui reste la valeur de référence sur tous les modèles de route fabriqués à ce jour. Mais à l'inverse de sa Superleggera qui ne compte que 500 exemplaires, Ducati ne considère pas la V4 R comme une édition limitée et entend bien en produire au moins 1.000 exemplaires rien qu'en 2019.

Silencieux Akrapovic de la Ducati Panigale V4 R

Tout le carénage a été redessiné et l'on voit ici pousser des ailettes sur les flancs. Elles sont dérivées des winglets utilisés par Ducati en MotoGP en 2016 avant la modification de la réglementation afin de les rendre moins intrusifs visuellement (ou moins dangereux) bien qu'apparemment moins fonctionnels. L'aérodynamique mise au point en soufflerie comprend également un écran plus courbé et plus haut de 34 mm pour renforcer la protection du pilote, bien que je doive admettre n'avoir passé qu'un maximum de 4 secondes par tour derrière lui sur le sinueux circuit de Jerez. Aragon ou Phillip Island seraient une autre affaire. Le carénage redessiné comprend également de grandes ouvertures en forme de branchies dans chaque flanc pour permettre aux radiateurs de dissiper leur chaleur plus efficacement. Les ouvertures d'admission dans le nez du carénage sont beaucoup plus grandes que sur la V4 S pour une respiration plus profonde à des régimes plus élevés. La forme suit la fonction.

Ailette de la Ducati Panigale V4 R

Le cadre à doubles longerons raccourcis de la V4 R reprend le même design dit "Front Frame" que sur la S, mais avec moins de métal derrière la colonne de direction pour offrir plus de flexibilité, autrement dit une "rigidité optimisée" (les règles du WSBK permettent l'ajout de matériaux au cadre, mais pas de retrait). C'est important pour Chaz et Alvaro, moins pour nous, il n'était donc pas si tragique que les motos d'essai ne soient pas encore équipées de cette configuration de cadre qui n'a pas encore été produite en grande quantité. La géométrie reste identique entre les deux, la seule différence réside dans le degré de flexion et, bien entendu, dans une faible quantité de poids. Le sobre monobras oscillant en aluminium moulé offre un empattement de 1.471 mm, bien que la V4 R aime les grosses accélérations. Il est désormais possible de régler le pivot du bras oscillant sur 4 positions par incréments de 2 mm.

Ducati Panigale V4 R

La suspension Öhlins Smart EC 2.0 de la V4 S disparaît ici du package car les suspensions électroniques sont interdites en WSBK. Au lieu de ça, la V4 R est équipée d'une fourche inversée Öhlins NPX 25/30 à revêtement TIN de 43 mm, ajustée mécaniquement et plus légère qui se combine bien à l'amortisseur arrière TTX-36 pour procurer une grande confiance et un véritable sentiment d'agilité auquel je ne m'attendais pas. Après avoir eu la chance de tester toutes les machines WSBK d'usine entre 1988 et 2015, la maniabilité presque délicate de la nouvelle Ducati m'a rappelé la façon dont se pilotait la Honda RC45 Castrol 750 avec laquelle John Kocinski avait remporté le titre mondial en 1997. Le V4 à 90° japonais précédent combinait deux traits souvent mutuellement exclusifs, l'agilité et la stabilité et c'est ce que la Ducati V4 R au format similaire propose également, mais dans un ensemble beaucoup plus puissant. Malgré le long empattement, la V4 R se montre ainsi plus facile à changer de direction que n'importe quelle autre Superbike V-Twin desmo que j'ai pu piloter.

La Ducati Panigale V4 R à Jerez

Quelques semaines seulement après la présentation de l'EICMA, Ducati a invité une dizaine de privilégiés pour toute l'Europe à rejoindre ses pilotes de WSBK Chaz Davies et Alvaro Bautista pour passer une journée au guidon de la moto sur le circuit de Jerez sous le soleil du sud de l'Espagne. C'était en tout cas l'idée, car la journée a débuté avec de la pluie, de la brume et une piste mouillée ! Mais peu après-midi le circuit a rapidement séché et j'ai pu enchaîner 35 tours à bord de la V4 R, étant à chaque fois un peu plus impressionné par celle-ci. Ça, c'est une moto !

Bautista et Davies étaient eux-aussi à Jerez pour essayer la V4 R

En ville, sur autoroute et sur départementales

Bien qu'il respire à travers quatre corps de papillon elliptiques gigantesques (diamètre de 56mm), le moteur Desmo V4 R est extrêmement maniable, voire même amical dans sa manière de délivrer la puissance. On peut honnêtement s'imaginer conduire cette moto pour faire ses courses tellement elle tire proprement à bas régime, à peine au-dessus du ralenti à 1.500 tr/min, sans à-coup de transmission et sans avoir besoin de trop insister pour utiliser l'embrayage à sec à glissement. Malheureusement, nous n'avons pas eu l'occasion d'aller poser les roues de ce monstre italien sur route ouverte pour en détailler un peu plus le comportement. Direction donc le circuit pour les choses sérieuses.

La Panigale V4 R

Sur circuit

Tout en partageant la même base technique de la plus prosaïque, mais très performante de la V4 S, il s'agit vraiment d'une moto très différente. Tout d'abord grâce au moteur, par sa course plus courte de 48,4 mm contre 53,5 sur la S, offre plus d'appétit dans les tours avant même l'adoption d'un vilebrequin contrarotatif en acier forgé plus léger de 1,1 kg, de bielles en titane et de soupapes d'admission de 34 mm. Cela permet non seulement de relever le plafond de régimes au rupteur placé à 16.500 tr/min, mais également de permettre à la V4 R d'accélérer plus rapidement et de sortir plus vite des courbes. Elle est aidée par le même double allumage que sur la Desmosedici GP16 obtenu par un maneton déporté à 70° et un angle de cylindres de 90°, les deux cylindres de gauche tirant pratiquement ensemble suivi des deux cylindres de droite avec un ordre d'allumage de 0°, 90°, 290° et 380°. Le son de la V4 R est semblable à celui de la MotoGP avec le même rugissement aigu et profond des deux échappements.

La Ducati Panigale V4 R sur le circuit de Jerez

La puissance augmente de façon totalement linéaire jusqu'à un peu plus de 8.500 tr/min, alors que 80% du couple est déjà disponible, à mi-chemin de la zone rouge, les choses commencent alors à s'accélérer. Ce "petit" moteur V4 vous catapulte encore plus vite que sa grande soeur V4 S tout en offrant une plage de puissance extrêmement large, ce qui signifie que vous restez sur les 2e et 3e vitesses sur de longues portions de la piste de Jerez, là où Chaz Davies affirme n'utiliser que 4 des 6 vitesses de sa moto de course.

La Ducati Panigale V4 R au freinage

Le shifter fonctionne naturellement sans débrayer dans les deux sens, même si je devais me rappeler d'être assez énergique pour sélectionner le rapport inférieur du lent virage en épingle de Curva Lorenzo donnant sur la ligne droite. Là je suis tombé sur un faux neutre allant de la deuxième à la première une demi-douzaine de fois, mais peut-être que le problème sera moins présent sur une boîte à plus fort kilométrage. Soit ça, soit utiliser la 2e vitesse comme Chaz m'a dit qu'il faisait. Oui, mais... !

Essai de la Ducati Panigale V4 R sur piste

A partir de 13.000 tr/min, les cornets d'admission à longueur variable se soulèvent pour raccourcir les voies d'admission, de sorte que les arbres à cames à course plus élevée puissent commencer à faire leur travail. Honnêtement, on ne ressent jamais cette transition. Et pourtant, sachant qu'elle était là, j'ai bien cherché! Mais il n'y a aucun ressenti à ce niveau. Au lieu de ça, la vitesse et la puissance générées par les régimes sont constantes, notamment grâce aux échappements Akrapovic en titane montés sur les 4 machines d'essai que nous avions à disposition. Je présume que la configuration avec l'échappement homologué Euro4 est encore plus facile dans son fonctionnement. Qui plus est, j'étais sur le mode course, une des trois options disponibles avec Sport et Street qui offrent également toute la puissance disponible, mais avec des degrés de réponse différents.

La Ducati Panigale V4 R en courbe

Le moteur V4 R prend rapidement de la vitesse, tirant de manière irrésistible plus qu'explosive, mais avec un sens aigu de la tâche, jusqu'à ce qu'un voyant orange du levier de vitesse apparaisse en haut à gauche du même écran TFT 5 pouces que celui de la V4 S à 14.500 tr/min, puis un rouge à droite à 15.000. Les hauts régimes sont rendus possibles par l'absence de ressorts de soupape sur ce moteur desmodromique, ce qui permet d'utiliser une conception d'arbre à cames plus radicale aux côtés des éléments internes légers et de réduire le frottement d'éléments tels que les pistons en aluminium forgé offrant un rapport volumétrique de 14:1 ; une autre raison des très fortes reprises en sortie de courbe.

La Panigale V4 R en courbe

Lorsque l'on atteint le rupteur à 16.000 tr/min, il n'y a pas de coupure brutale : le papillon numérique s'abaisse tout simplement et cesse de tirer. La réponse à la poignée se fait immédiatement et bien ressentir sur le pneu arrière, ici monté sur un slick Pirelli. Malgré la puissance et les performances extrêmes, il s'agit d'une moto très contrôlable avec une puissance parfaitement gérée, même lorsqu'elle commence à s'énerver sur circuit.

Pas de doute, la V4 R envoie du lourd

Partie cycle

La nouvelle Ducati tient vraiment bien ses trajectoires, même sur les accélérations brusques. Bien que sans aucune chicane (hourra !), Jerez n'est pas un circuit idéal pour tester la capacité d'une moto à passer très rapidement d'un angle à l'autre, sauf aux virages 2 et 3, où elle semblait à la fois agile et réactive à la conduite.

La journée d'essai touche à sa fin

Avec un train avant légèrement plus souple et un ressort plus rigide à l'arrière que sur la S, l'ensemble de suspensions Öhlins du modèle R offre une stabilité impressionnante et des retours d'information exceptionnels. Il y a un énorme sentiment de réponse de l'avant qui vous donne une confiance supplémentaire pour maintenir de la vitesse lors des passages en courbes. Et grâce au biais de masse de 54/46% ceci s'applique aussi dans les freinages brusques.

Amortisseur Öhlins de la Ducati Panigale V4 R

On peut sentir du bout des doigts à quel point le Pirelli avant accroche à l'asphalte, une confiance qu'il doit également aux ailettes montés sur l'avant du carénage. Ces dernières permettent d'offrir une plus grande force d'appui sur la roue avant à grande vitesse (16 kg à 200 km/h, 30 kg à 270 km/h) sans que cela n'affecte la vitesse de pointe. Elles jouent sans aucun doute un rôle important dans l'optimisation de l'adhérence du pneu avant ET dans la confiance du pilote. Lorsque l'on se redresse pour freiner avant un virage, on peut alors les voir sortir du nouveau design du carénage, même si celui-ci est plus large de 38 mm de chaque côté que sur la V4 S.

Freins

Les grands disques jumeaux de 330 mm et les plus légers étriers radiaux monoblocs Brembo Stylema 4 pistons font un travail phénoménal en arrêtant la moto à grande vitesse, mais avec beaucoup de dosage et sans brutalité. Il reste aussi un bon degré de frein moteur dans les réglages de l'embrayage. Tout cela apporte la confiance nécessaire pour garder de la vitesse en courbe comme dans le virage en dévers à droite, du nom de Sito Pons, qui se prend en troisième.

Freins avant de la Ducati Panigale V4 R

Electronique embarquée

Le package électronique Bosch de la V4 R, doté d'une centrale IMU 6 axes, comprend tout, du chronomètre au contrôle de départ en passant par l'ABS en virage et le pit lane limiter (réglable en 40 et 80 km/h et qui permet d'éviter les contraventions lors des traversées de villes et villages), le contrôle de wheeling, le contrôle de traction DTC EVO, le contrôle de glisse DSC, le contrôle de frein moteur EBC...

Instrumentation de la Ducati Panigale V4 R

Le DWC pourrait fonctionner mieux ceci dit. J''ai en effet rencontré quelques gros wheelings lors du passage du 2e vers le 3e rapport, mais le DTC est particulièrement efficace, intervenant à plusieurs reprises doucement, mais efficacement lors d'une session où le Pirelli arrière avait commencé à s'user après d'innombrables chronos. Ducati a beaucoup d'expérience sur la façon de cartographier ça correctement et ça se voit.

Conclusion

Ducati a aussi beaucoup d'expérience sur la manière de concevoir une superbike avec des phares. C'est la dernière en date et d'une certaine manière c'est la meilleure pour le moment.

Je ne suis pas devin, mais je prédis quand même et que malgré le prix élevé, Ducati vendra facilement plus de 1.000 exemplaires de la V4 R. Il suffit sinon d'attendre que BMW produise une version M comparable de sa nouvelle S 1000 RR avec un moteur boosté pour le WSBK et toutes les pièces M en fibres de carbone déjà proposées. Sauf que la Ducati V4 R est déjà là et offre un niveau de performances homologuées pour la route sans égal de la part d'une moto de série. Commencez à économiser dès maintenant !

La Ducati Panigale V4 R à Jerez

Points forts

  • Moteur
  • Agilité, précision et stabilité
  • Qualité des suspensions et du freinage
  • Design marquant
  • Une vraie Superbike de route

Points faibles

  • Tarif élevé dans l'absolu
  • Gestion de l'anti-wheeling
  • Shifter un peu dur en descente de rapport

La fiche technique de la Ducati Panigale V4 R

Commentaires

Bee Loo

Ben l'empattement il est "sobre" (!) ou il est long ?

18-01-2019 12:30 
Monsieur_C

Mais du coup elle est mieux ou moins bien que la V4 S ?

18-01-2019 13:19 
eriko

Elle est mieux , mais pour la route la V4S est suffisante.

25-01-2022 09:26 
 

Connectez-vous pour réagirOu inscrivez-vous