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Maîtriser un gros trail dans la boue, le gras

Motricité, freinage, équilibre, adhérence : tous nos conseils pour faire du hors-bitume...

Des leçons tirées d'un stage tout-terrain au Honda Adventure Centre au Pays de Galles

Ah, l'Afrique, ses grandes étendues désertes, des milliers de kilomètres de pistes sabloneuses, ses palmiers... Ca fait rêver ! Oui, mais c'est loin. Pas une raison cependant pour sacrifier l'envie de faire du tout-terrain ou du tout-chemin avec un gros trail. Mais nos écosystèmes sont plus humides et le terrain de jeu le plus proche de chez vous consiste probablement en un sous-bois bien boueux. Le Repaire vous propose donc de faire le tour de la question avec une série de conseils qui ont été validés en Honda Africa Twin, lors d'un stage intensif au Honda Adventure Centre avec pour professeur, rien de moins que le quadruple champion du monde de Motocross : Dave Thorpe.

Certificat de Formation Honda Adventure Centre
Certificat de Formation Honda Adventure Centre

Premier point : l'équilibre

Avant de faire des sauts de deux mètres de haut au-dessus d'une pile de rondins, peut-être faut-il commencer par les fondamentaux. Car les joies du tout-terrain tiennent d'abord par la nature instable de la surface. Donc, avant même de penser à déplacer la moto, si vous êtes novice en la matière, il va déjà falloir penser à la gérer à l'arrêt... Quelques conseils, donc, histoire de ne pas être en difficulté avant même d'avoir commencé !

Figurez-vous d'abord qu'une moto est moins instable guidon braqué que guidon droit : il y a un effet de bras de levier qui permet de la caler plus facilement. Ainsi, lors des manœuvres, il sera plus facile de se mettre côté gauche de la moto, d'utiliser le grand guidon comme bras de levier et de caler la machine contre son bassin pour limiter les pertes d'équilibre. Une logique naturelle par rapport au côté de la béquille, mais qui peut être facilement inversée pour se sortir d'un mauvais dévers côté droit, par exemple. L'idée est de faire toujours travailler la masse de la moto en votre faveur.

C'est ainsi qu'un exercice facile peut consister à mettre la moto droite, sans béquille, sur une surface plane et à se déplacer autour en changeant de point d'appui et en limitant vos points de contacts avec deux doigts seulement. Plus question de force, ici, mais de finesse et d'équilibre. Mettez-là droite, tenez-là juste par un bout de guidon, puis déplacez vous au niveau du porte-bagages, tenez-là juste avec deux doigts, faites le tour du porte-bagages, passez de l'autre côté du guidon, puis tenez-là simplement en lui pinçant la bulle et finissez votre tour.

Exercice pour travailler la bonne position à l'arrêt sur un gros trail
Exercice pour travailler la bonne position à l'arrêt sur un gros trail

Par ce type d'exercice, vous allez déjà commencer à domestiquer votre moto et à comprendre que vous n'aurez pas toujours à lutter contre elle.

Second point : la position

On ne conduit pas une moto en TT comme sur la route et il va falloir notamment apprendre à vous tenir debout. Et pour ça, il ne suffit pas de se lever tel un bonobo en pleine phase d'évolution et de considérer que c'est ok. Car le diable se cache dans les détails. Commençons dans l'ordre : les pieds ? Au lieu de se contenter d'avoir les orteils sur les repose-pieds, il va falloir s'avancer un peu plus et se reposer carrément sur la voute plantaire. Rassurez-vous, les grosses bottes de TT permettent de bien s'arrimer sur les gros repose-pieds crantés. Autre bénéfice de cette position : un accès direct à la commande de frein arrière, qui est plus sollicité en TT que sur la route.

Conseils de pilotage dans la boue
Conseils de pilotage dans la boue

Autre détail : les doigts et la préhension du guidon. C'est une évidence, la pratique du TT, ça secoue. Et à la manière d'un marin accroché à sa barre par force 8, le motard sur son chemin va tenir fermement son guidon. Il va donc falloir tenir le manche avec fermeté mais aussi avec deux doigts !

Côté gauche, entrainez-vous à tenir le guidon avec l'annulaire et l'auriculaire ; l'index et le majeur sont alors dédiés au maniement de l'embrayage et la garde du sus-mentionné embrayage doit être réglée en rapport. Ainsi, vous devenez capable de progresser au millimètre, par exemple dans un pierrier, debout les repose-pieds, tenant fermement le guidon avec deux doigts (plus le pouce) et maniant l'embrayage avec les deux autres. Même punition côté droit, vous allez devoir apprendre à freiner avec un ou deux doigts, afin de pouvoir effectuer cette manœuvre en position debout.

Pieds et mains bien positionnés, le reste du corps doit suivre sans forcer : les poignets sont souples et pas cassés au niveau du guidon, épaules et genoux sont souples, également...

Tourner avec les pieds !

Maintenant que vous êtes prêts à avancer, autant vous prévenir tout de suite. Le gras, dans l'assiette, ça colle (mais c'est bon), mais par terre, ça glisse. Perte de motricité, faible pouvoir directionnel, ornières : tout cela va devenir votre quotidien. Ceci étant posé, vous venez donc de comprendre que ce n'est pas forcément, ou du moins uniquement, avec le guidon que vous allez devoir tourner, vu l'effet que cela va avoir sur une surface peu adhérente et visqueuse.

Ainsi, c'est par des appuis sur les repose-pieds que vous allez commencer à influer sur le cap de la machine. Et ça tombe bien, puisque vous n'êtes pas posés sur orteils mais, si vous avez bien lu (et retenu) le paragraphe précédent, sur les plantes des pieds. Si l'exercice parait peu naturel, entraînez-vous à faire de petits slaloms le long de cônes... jusqu'à ce que cela devienne naturel.

Exercice de slalom dans la boue en gros trail
Exercice de slalom dans la boue en gros trail

Accélération, traction, motricité

Dernier détail d'importance pour avancer : comprendre et gérer sa motricité. Une partie plus ou moins importante de l'accélération va être diluée en patinage. La déperdition peut devenir considérable, voire fatale en cas de forte grimpette : il vaut mieux arriver avec un bon momentum et grimper l'obstacle avec un minimum de gaz que d'arriver quasiment à l'arrêt et de devoir monter gaz en grand... pour se retrouver tanké au milieu...

La lecture de la piste est donc cruciale : est-ce que telle section de terre (ou de boue) est plus porteuse que d'autres ? En cas de patinage, vais-je pouvoir compter sur des pierres ou des racines pour retrouver un peu de motricité ? Dois-je prendre l'ornière et me laisser guider ou, au contraire, la franchir pour contourner l'obstacle ? Cette bonne lecture... et compréhension du terrain est primordiale : c'est elle qui, ensuite, va définir votre vitesse et votre niveau d'accélération. Sur les gros trails modernes, souvent équipés de contrôle de traction, il sera nécessaire de faire des tests en amont (là encore, une surface plane mais boueuse est suffisante et permet de comprendre l'essentiel), pour savoir quel niveau de patinage et de motricité autorisent chacun des modes possibles.

Passage de gué dans la boue avec un gros trail
Passage de gué dans la boue avec un gros trail

Autre belle difficulté : le freinage, surtout en descente. L'erreur serait de laisser l'électronique tout gérer et l'ABS prendre les choses en main. Car en cas d'adhérence quasi nulle, la centrale ABS va sans cesse "relâcher les freins" et vous risquez, non seulement de ne pas vous arrêter, mais surtout, de prendre une vitesse nettement plus importante que celle souhaitée ! Là encore, il faut y aller par étape, en sentant le potentiel d'adhérence du trail avant dans les freinages en descente... et vous risquez alors d'être positivement surpris par le "grip" des pneus TT modernes. Un bon compromis est alors de mettre l'ABS, sur les motos qui en sont équipées, en mode "TT" : l'arrière peut alors se bloquer, ce qui peut aider à tourner, tandis que l'on est quasiment assuré de ne pas perdre l'avant.

Freinage en descente dans la boue avec un gros trail
Freinage en descente dans la boue avec un gros trail

Tu veux la conquérir, cette forêt ?

Se balader en sous-bois au guidon d'un gros trail est source de plaisirs. Certes, on pourrait aussi le faire au guidon d'une moto d'enduro, mais ce serait plus brutal, plus sportif, moins polyvalent et moins soyeux... Et puis il faut une remorque pour rentrer chez soi alors que le gros trail sait tout faire.

Se reposer tout près d'un ruisseau, regarder la vallée, en bas, du plus haut point de vue possible, aller approcher des arbres pluri-séculaires ou aller à la cueillette des champignons, voilà autant de situations où les gros trails s'épanouissent. Il faudra ne pas négliger la monte pneumatique si la surface du sol est grasse et ne jamais oublier les spécificités de ce type de conduite. Un apprentissage méthodique et humble (plus de 250 kilos en perdition, vous préférez éviter !), apprendre à lire le terrain (comme sur la route, le rôle du regard est primordial), apprendre à mettre du gaz plutôt que de freiner pour se sortir des situations difficiles (un paradoxe pour les routards, mais ça marche...) et surtout, se construire une volonté à toute épreuve. C'est souvent cela qui fait la différence entre un obstacle franchi... ou pas ! Enfin, comme toujours en aventure, évitez de partir seul.

Traverser la forêt en gros trail
Traverser la forêt en gros trail

Plus d'infos sur la conduite d'un gros trail dans le gras

Bering