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Décryptage : le calage des moteurs

Avec l’arrivée sur le marché de nouvelles mécaniques « à sensations » et de moteurs en ligne qui se comportent comme des moteurs en V, on y perd son latin. Lerepairedesmotards vous propose de revisiter le cycle 4 temps de l’intérieur, pour mieux comprendre les phénomènes qui s’y déroulent.

Le calage d’un moteur, est un terme qui désigne l’ordre successif des combustions dans le temps.

Décryptage : le calage des moteurs

Le bicylindre

Voyons le cas du bicylindre parallèle, pour commencer. Jadis il en existait deux types : « A l’anglaise », avec les 2 pistons qui montent et qui descendent de façon simultanée et à la « japonaise » avec un piston qui monte quand l’autre descend.

Calage de twin à l'anglaise

Sur la version anglaise, les 2 explosions ne se produisent pas ensemble pour autant, comme dans une sorte de gromono avec 2 cylindres. En effet, il faut 2 tours de vilebrequin (2 X 360°) pour réaliser un cycle 4 temps au complet. Dès lors, sur les anglaises, on décalait le cycle de chaque cylindre d’un tour par rapport à l’autre… soit 360°. On parle donc de bicylindre calé à 360°.

Concrètement, cela signifie que lorsque les deux pistons remontent, celui de droite expulse les gaz brûlés, lors de la phase d’échappement, alors que celui de gauche comprime les gaz frais du cycle suivant, lors de la phase de compression. Chacun explose donc successivement, avec une répartition « idéale » au rythme de une combustion par tour de vilebrequin. C’est une mécanique souple, à la sonorité régulière. L’inconvénient de ce calage se situe au niveau de l’équilibrage du moteur, puisque les deux pistons montent et descendent en même temps. Voilà qui génère de grosses vibrations destructrices, qui empêchent le moteur de prendre des tours. C’est le calage des twins, BSA, Norton, Triumph et autres mécaniques venues d’outre Manche.

Le parallèle twin sauce nippone

L’autre configuration « à la japonaise », consiste à décaler les pistons d’un demi-tour (180°). L’un monte quand l’autre descend. Cela permet un meilleur équilibre dynamique, puisque les deux mouvements étant opposés, les efforts d’inertie s’annulent, à leur décalage en largeur près. Ce décalage crée un petit couple d’oscillation que l’on ressent comme un fourmillement. Quand le piston de gauche qui descend s’arrête au point mort bas (PMB), alors que celui de droite monte et s’arrête au point mort haut (PMH), le moteur a tendance à vouloir tourner autour de son axe longitudinal, comme le volant d’une voiture. Cependant, cet équilibre relatif et naturel permet au moteur de monter plus haut en régime, sans se détruire, ni endommager la moto. Les japonais ont donc adopté cette solution pour développer des machines plus puissantes et ainsi battre les 650 anglaises avec des motos de cylindrée inférieure, telles les premières 450 Honda au milieu des années 60. Aujourd’hui encore, Honda garde ce calage sur ses 500 et Kawasaki l’utilise sur son ER6. L’inconvénient c’est que le cycle moteur n’est pas régulier, puisque les explosions se produisent toujours sur 2 tours, mais avec une répartition asymétrique : Deux combustion séparées de 180° d’abord (1/2 tour), puis 1 tour et ½ sans rien (360+180= 540°). A l’oreille on remarque bien cette sonorité irrégulière. Ça cahote et c’est moins souple, mais plus rageur que le calage à 360°.

Illustration : tableau de calage des twins à 180 et 360° :

Qu’est-ce qui fait tourner un moteur ?

La question parait un peu simpliste. On pense tout de suite à la pression de combustion qui pousse la surface du piston pour le faire descendre, créant ainsi un couple sur l’arbre moteur. Mais ce n’est pas là le seul effort auquel est soumis le vilebrequin. En effet, quand le piston élancé à pleine vitesse (parfois près de 150 km/h !!!!), se rapproche du PMH, il doit ralentir puis s’arrêter. Ce faisant, il tire sur la bielle, qui elle-même tire sur le vilebrequin, créant ainsi un couple moteur.

A contrario, pour repartir du PMH, il faudra pousser le piston, ce qui se traduit par un couple résistant sur le vilebrequin. Au final, la moyenne de ces efforts est nulle, au frottement près, mais l’alternance de couple moteur et de couple résistant liés aux efforts d’inertie se superpose aux effets de la pression qui règne dans le moteur. La phase de compression par exemple va à l’encontre des effets d’inertie du piston qui tendent, eux, à allonger la bielle. Selon le régime et/ou l’ouverture des gaz, l’amplitude des efforts d’inertie est de plus en plus forte relativement aux effets de la combustion. Pour reprendre une expression de Yamaha, ce signal d’inertie « pollue » le signal de la combustion. C’est comme un bruit de fond qui viendrait perturber l’écoute d’un morceau de musique, ou les sensations du pilote quand il met des gaz. Le pilote accélère, le régime monte, mais les efforts d’inertie qui augmentent, l’empêchent de bien profiter des sensations de son moteur.

Yamaha brouille les cartes.

Attardons nous maintenant sur les efforts d’inertie de ces 2 moteurs et particulièrement sur ce qui ce passe aux alentours des PMH et PMB. Les deux pistons s’y arrêtent simultanément, avec une tendance à « figer » le moteur, puisqu’on leur demande de repartir dans l’autre sens, ce qu’ils n’ont nullement envie de faire.

Décryptage : le calage du moteur de la MT 07

A cet instant tous les axes du moteur (axe de piston, axe de la bielle, axe du vilebrequin) sont alignés dans un même plan, droits comme un « i ». Il n’y a donc aucun couple disponible. On peut tirer ou pousser sur le piston, il sera théoriquement impossible de faire tourner le moteur, puisque l’on pousse dans l’axe du vilebrequin. C’est un peu comme si vous tentiez de lancer le tourniquet d’un jardin public, en poussant vers son centre, plutôt que de façon tangentielle pour l’entraîner. Vos efforts seraient vains. A cet instant, il n’y a donc que l’inertie du vilebrequin, lancé à plusieurs milliers de tr/mn, pour franchir ce cap. Regardons maintenant la configuration d’un moteur en Vé ouvert à 90°. Ici, les deux bielles sont fixées sur le même maneton (le même axe, voir photo ouverture). Ainsi, quand l’un des cylindres est au PMH, l’autre n’est pas dans une phase «neutre» où ses axes sont alignés. En pratique, avec un angle de 90°, la combinaison des efforts d’inertie des deux équipages mobiles est équivalente à un effort constant, que l’on équilibre facilement par un balourd opposé, comme on le ferait pour une roue mal équilibrée. Dès lors, quand le régime augmente, les efforts d’inertie augmentent, proportionnellement, comme ceux du balourd que l’on a installé en vis à vis. Pour le pilote, c’est transparent, la somme de ces efforts ne varie pas. Le signal du couple moteur n’est plus perturbé par un « bruit » qui va crescendo avec le régime. De fait, quand il accélère, il sent juste l’effet du surcroît de mélange air/essence qui augmente la pression sur le piston et donc, le couple moteur. Il y a ainsi, une très bonne connexion entre la poignée de gaz et les sensations du pilote. C’est le cas sur un V2 ouvert à 90° (Ducati) et c’est aussi ce que l’on recherche en moto GP avec le calage « big bang ». D’où l’idée de Yamaha de décaler le vilebrequin d’un twin parallèle, non pas de 180 ou 360°, mais de 90°, pour lui donner le comportement d’un V ouvert à 90°. Une solution employée pour la première fois dans les années 90 sur la TRX, qui visait à concurrencer les Ducati justement. Une configuration que l’on retrouve aujourd’hui sur la MT 07, la 1200 XTZ superténéré et qui a été copiée par Triumph sur certaines versions dérivées de la Bonneville.

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Notions de couple moyen et couple instantané

Selon le nombre de cylindres et leur disposition, la superposition des efforts de chacun se combine de façon plus ou moins heureuse. Voilà qui nous amène à la notion de couple instantané, qui forge le caractère d’un moteur.

Ce que l’on mesure sur un banc d’essai, c’est le couple moyen du moteur en fonction du régime. L’indication qui figure sur la fiche technique, c’est aussi le couple moyen maximum à un régime donné. Mais ce que ressent le pilote, de façon plus ou moins forte, c’est le couple instantané, celui qui résulte de la combinaison des efforts de pressions appliqués sur le piston et des efforts d’inertie. Ici la géométrie du moteur joue un rôle, même sur la combinaison des efforts de pression. Ainsi, si la combustion d’un cylindre se produit au moment de la compression d’un autre, cela calme l’intensité du pic de couple instantané, mais cela ne change en rien la valeur du couple moyen sur 2 tours moteur. Revenons à nos 2 twins parallèles : Avec un couple moyen de 90,4 Nm identique sur les deux, on enregistre un pic de couple instantané de 58,2 mdaN sur le moteur calé à 180°, contre seulement 52 mdaN, sur le twin calé à 360°, plus « placide ». Le V à 90° sera quant à lui « plus méchant » encore que les deux autres. Même caractéristique pour le moteur trois cylindres calé à 120°. A bas et moyen régime, ses pics de couple instantané sont très supérieurs à ceux d’un 4 cylindres « ordinaire » c’est-à-dire calé à 180°, même de cylindrée supérieure de 25%.

Couple moyen 3 cylindres

Couple moteur en fonction de l'angle vilebrequin sur moteur 4 cylindres en ligne

Le cross plane

Ce terme désigne chez Yamaha, un vilebrequin dont les manetons ne sont pas sur un même plan, mais sur des plans perpendiculaires. Prenons l’exemple d’un 4 cylindres en ligne classique calé à 180°, aussi appelé « screamer ». Quand 2 pistons extérieurs montent, les deux centraux descendent.

Décryptage : le calage du moteur de la BMW S1000RR

Le vilebrequin est « plan », c’est-à-dire qu’au PMH et au PMB, tous les axes sont alignés droits comme des « i » selon un plan vertical. Au PMH et au PMB, tous sont simultanément en phase neutre. En décalant les manetons de 90°, ils se retrouvent sur un plan croisé et le moteur en ligne se comporte alors comme un moteur en V ouvert à 90°…

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Conclusion

A cylindrée égale, la disposition du moteur influence les sensations et la façon dont le couple et la puissance sont délivrés, sans modifier cependant les valeurs moyennes qui sont sur la fiche technique. C’est pour cette raison que les moteurs en Vé et les trois cylindres calés à 120° sont plus sensationnels que les moteurs parallèles conventionnels. Les constructeurs moto l’ont compris, mais l’automobile aussi, comme en témoigne les très nombreux petits trois cylindres qui fleurissent sous les capots remplaçant avantageusement les 4 cylindres fades et pointus.

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