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Savoir piloter un side-car sportif : les conseils des pros

Près de 200 chevaux pour 315 kilos

Comment réussir à aller vite avec un truc fondamentalement instable, sur base d'Hayabusa

Le side-car, quel bel engin pour se balader tranquillement en famille ou entre amis ! Le Repaire a abordé à de nombreuses reprises ces engins particuliers notamment en donnant des conseils de conduite de side et en présentant un comparatif de deux machines atypiques, un Triumph Scrambler CS Concept et un Ural Ranger 2WD, réalisé sur les pistes du Maroc. Deux engins parfaits pour aller à la chasse à la gazelle.

Suzuki Hayabusa attelée, à tête de FZR !

Mais la gazelle, ça va bien cinq minutes, car le side-car peut également servir pour aller à la chasse au chrono : car l'homme est ainsi fait qu'il cherche toujours à aller plus loin et surtout plus vite. Et c'est pour comprendre comment faire pour piloter un side-car sportif que Le Repaire est allé passer une journée sur le circuit de Vaison Piste (71), organisée par le Central Team, où ne roulaient pas moins que le Champion de France des Rallyes Routiers 2015, Alain Amblard, ainsi que le Champion de France des Rallyes Routiers 2016, Norbert Jacob, en compagnie d'autres amateurs. Parfait pour récolter les conseils des pros.

186 chevaux à la roue...

S'il n'y a pas de recette miracle, les coïncidences sont parfois significatives : c'est ainsi que les trois propriétaires de side-car sportifs rencontrés ce jour se sont construits un side sur base de Suzuki Hayabusa. Et tous sont unanimes : "c'est un moteur solide, avec du couple et de l'allonge et on peut lui tirer dedans sans que ça casse". Juste bien réglée et un rien optimisée, l'Hayabusa d'Alain Amblard sort 186 chevaux à la roue. Joli rapport poids / puissance pour un engin qui pèse juste 315 kilos avec les pleins.

On le sait, une des clés de la conduite d'un side-car tient au centre de gravité : plus c'est haut, moins c'est stable et je peux vous déjà vous garantir qu'entre un Ural Ranger (posé sur des roues de 19 pouces) et un Ural Tourist (posé sur du 18), il y a déjà de sacrées différences à la conduite.

Savoir piloter un side-car sportif : l'avis d'Alain Amblard, Champion de France 2015

Là, nous sommes évidemment dans un registre nettement plus radical. Nos engins donnent l'impression d'être posés par terre.

Notamment l'Hayabusa rouge d'Alain Amblard, chaussée de roues de 13 pouces : c'est meilleur pour le centre de gravité", dit-il et puis j'ai fait le choix de pneus étroits, des 175/60, qui sont un atout sous la pluie". On demande alors aux autres pourquoi ils sont en roues de 15 pouces : "pour pouvoir mettre des disques de frein plus grands", précise Norbert Jacob, ce à quoi Alain Amblard répond avec un gros disque de frein excentré, tandis que Norbert a mis une grande écope pour canaliser de l'air frais vers le centre de sa jante.

Savoir piloter un side-car sportif : l'avis de Norbert Jacob et Franck Bacon, champion de France 2016

On le voit, chacun développe un peu son side selon ses sensibilités. Un point commun, cependant : centre de gravité et équilibrage des masses. C'est pour cela que le réservoir d'essence est souvent dans le panier, tout comme la batterie et le silencieux d'échappement. La coque arrière de la "moto" est la plus basse possible et la selle n'est en fait qu'un simple morceau de mousse. Lorsque je m'en étonne, Alain Amblard répond à juste titre : "ben quoi, c'est pareil sur les motos de course". Le confort, c'est surfait.

Vous aimez les centrifugeuses ?

Bon, assez parlé chiffons. Heureux fait du sort, Norbert Jacob n'avait pas de singe pendant la matinée. L'occasion rêvée pour le Repaire de sauter dans le panier. Et de se faire centrifuger la tronche ! Je m'y suis donc collé.

Car les fondamentaux de la conduite d'un side-car se retrouvent sur ces engins de guerre : rentrer sur les freins aide à tourner à gauche et il est conseillé de maintenir un filet de gaz et d'avoir la direction en contrainte, avec le coude extérieur bien tendu, dans les virages à droite. Quiconque sait manier un side retrouvera donc ses repères. Du moins, tant que le rythme est calme.

Piloter un side-car sportif : bien sortir dans les virages à droite

Ce qui change, c'est la violence du truc ! Car, même lestée, l'Hayabusa pousse carrément comme il faut et les virages vous sautent littéralement à la figure, surtout sur un petit tracé comme celui de Vaison Piste, qui n'offre aucun temps de repos.

S'il ne faut retenir qu'une règle, c'est celle-ci : sur l'avant du panier, il y a une barre. C'est la barre de survie. Ne jamais la lâcher. Jamais. Et je vais vite découvrir que pendant plusieurs tours, ce petit bout de métal sera mon seul horizon de confort, mon seul lien à la vie.

Car de la théorie à la pratique, il y a un gap. La théorie, elle est simple : sortir le corps à l'extérieur dans les virages à droite, se placer sur la roue arrière, derrière le pilote, dans les virages à gauche. La réalité apporte une autre dimension à ce bel exposé : celui de la gravité. À Vaison, l'entrée du virage 4, dit "La Cuvette", est un gauche en montée qui fait suite à deux virages à droite, dont le précédent, "Le Vélo", est en fait assez long. Mais sorti du "Vélo", le pilote fouette les gaz et se jette à gauche. En plus, c'est une cuvette en montée, qui tasse la machine. Là, c'est simple : si tu rates le momentum pour changer de position (et avec 186 ch, c'est facile de le rater), tu es juste écrasé par la force centrifuge, éclaté dans le side au fond à droite, alors que tu devrais être déjà posé sur la roue arrière.

De son côté, le pilote est plein gaz (en même temps, c'est son boulot) et évidemment, il n'a pas vu que tu étais en détresse. Conséquence, le side n'est pas lesté à gauche, va donc se mettre à glisser, ce que le pilote va compenser en forçant au guidon et en remettant du gros gaz. Et toi, là, âme simple et en perdition dans le fond de ta nacelle, tu viens juste de comprendre une nouvelle signification du mot "essorage". Et moi, désormais, j'aurai désormais un petit pincement au cœur en lançant une nouvelle lessive.

Question de feeling

Là où l'amateur se fait tabasser virage après virage et au bout de 4 tours, commence à être rincé, ne plus avoir de souffle ni de bras et se retrouver systématiquement en décalage d'un virage (pas conseillé pour la stabilité de l'ensemble), le pro, qui mérite beaucoup de respect, dévoile sa technique. Arrivé dans l'après-midi, après avoir fait un triathlon (et après ils vous disent que ça ne demande pas de condition particulière), Franck Bacon, "singe" de Norbert Jacob et donc lui aussi Champion de France (et c'est plus que mérité, puisque tous vous disent qu'un bon passager représente au moins 60 % de la performance globale), explique son rôle.

Savoir piloter un side-car sportif : virage à gauche

"La clé, c'est d'être capable d'anticiper", dit-il, "de savoir lire la route et d'être toujours bien positionné au bon moment. Et pour que ce soit le moins physique, il faut utiliser l'inertie du side pour t'aider à changer de position et ne pas avoir cette énergie contre toi. Donc il faut bien connaître ton pilote, lire la route, comprendre les sensations et le fonctionnement de la machine".

Ok, c'est clair. Mais comment tu fais pour lire la route, dans les virages à gauche, quand ton seul horizon est un bout de pneu et le fessier (certes seyant !) de Norbert Jacob ? Hein, comment ? C'est sûrement ce qui distingue le poireau du pro. Bref, moi je vivais le truc en termes de souffrance latérale, lui en rajoute une couche et comprends son rôle en termes d'efficacité sur les deux plans. Car le singe pro est aussi capable d'aider son pilote en étant capable de bouger également en avant ou en arrière, pour optimiser la motricité ou la stabilité au freinage ainsi que, latéralement, savoir combien il faut sortir du side pour aider à tourner sans trop gréver la motricité. Tout cela en spéciale de rallye, avec les arbres et les murets à quelques centimètres du casque. Et tout cela, aussi, en se faisant secouer en permanence. Respect, franchement !

Le détail qui tue ? Franck est équipé d'un gilet de karting, qui protège les côtes. Sous l'apparente simplicité du discours, voilà qui démontre comment ça tabasse à l'intérieur.

Et au guidon ?

Tout occupé à faire de mon mieux balloté au fond du panier, je n'ai pas trop eu le temps de voir comment le pilote bossait au guidon. Et c'est donc tout naturellement que je leur posa la question. Et c'est avec le même naturel qu'ils me proposèrent, tous, de prendre les commandes de leur machine (note : penser à aller voir Rossi pour lui demander comment marche sa brèle, pour voir s'il a les mêmes réflexes). Ayant pas mal d'expérience en side-car classique, mais zéro en side sportif, c'est peu de dire que j'étais curieux !

Comment piloter une Hayabusa attelée ?

Ce qui impressionne le plus : la vivacité et le faible roulis. Par rapport à un side routier, on rentre nettement plus vite dans les virages à droite sans le petit pincement au cœur de sentir que l'engin va se lever et que ça va vite devenir compliqué à gérer. Et quand la roue se lève, la grande rigidité de l'ensemble fait que la machine reste contrôlable et que le retour d'informations donné au pilote est juste excellent. Ce qui est appréciable, aussi, c'est la grande stabilité au freinage due au système couplé. Par contre, les sides ont tendance à guidonner dans les gauches en pleine accélération et plus encore celui d'Alain Amblard que celui de Norbert Jacob. "C'est parce que tu ne le conduis pas comme il faut", me dit Alain. "Il faut rentrer plus vite, le mettre en contrainte et le faire glisser". J'aurais du y penser...

Savoir piloter un side-car sportif : récupérer la glisse

C'est à ce stade qu'entrent en scène les Chanal. Eux ne sont pas (pas encore ?) Champion de France des Rallyes Routiers, mais après avoir testé la discipline cette année, ils vont courir le Championnat entier en 2017. Les Chanal, c'est une belle histoire de père et fils. Ils roulent ensemble (ils sont partis en vacances avec leur Hayabusa orange à tête de Yamaha FZR cet été), ils courent en Rallye ensemble et ils sont interchangeables, se partageant le guidon et le panier au gré des envies. Leur moto est plus dédiée au tourisme sportif qu'à la compétition : elle est réglée un peu plus souple et la direction est moins lourde, mais à mon petit niveau, je ne l'ai pas trouvée moins efficace que les autres.

Savoir piloter un side-car sportif : l'avis des Cesar et Gilles Chanal

Dans tous les cas, piloter un side-car sportif sur circuit reste carrément physique, notamment dans la partie retour du circuit et sa succession de virages à droite, qui vous grillent un peu les bras, alors qu'il va justement falloir freiner fort et se jeter dans un dernier droite !

De vrais moments de poésie

Dans les deux cas, vivre cet expérience en side-car est générateur de grands moments de poésie. Au guidon, j'ai kiffé dans le virage 11, un gauche serré au bout de la ligne droite des stands : se jeter à la corde avec cette direction précise, sentir le passager accroché dans son dos, réaccélérer tôt, faire patiner le pneu arrière sous les 186 chevaux, viser large en sortie et sentir le side qui cisaille le bitume en reprenant du grip, forcer au guidon pour le faire tenir sa trajectoire, monter la troisième au shifter avant de se jeter dans le pif-paf qu'il va aborder sans se tordre, quel pied !

Et dans le panier, dans les longs virages à droite, avoir le haut du corps sorti, l'horizon déformé, avoir comme champ de vision un bout de pneu et la piste qui défile, les narines à un moins d'un mètre de la sortie d'échappement, sentir physiquement le châssis travailler (rien de moins normal, puisque l'on a le dos posé sur la traverse arrière), sentir de la manière la plus directe qui soit les pertes d'adhérence et la roue du panier qui se lève, même de quelques millimètres, sentir ma nouvelle combinaison Bering Supra-R frotter sur le pneu (comme ça elle est baptisée !), quel bonheur !

Savoir piloter un side-car sportif : un travail d'équipe

Le side sportif, un état d'esprit plein de générosité

Au guidon comme dans le panier, il faut une réelle condition physique pour mener ces engins sur circuit. Mais Alain et Norbert nous assurent que c'est plus facile en Rallye Routier, même si, en spéciale, ils font des chronos qui les placent dans le top 10 et que Alain Amblard a déjà été chronométré à plus de 200 km/h entre les arbres et sur les bosses.

Mais les side-caristes font également preuve d'une simplicité et d'une générosité qui n'a d'égale que leur engagement au guidon. Vous en connaissez beaucoup, vous, des groupes à qui vous allez demander conseils et explications et qui, quelques minutes après, vous laissent le guidon, "comme ça, tu pourras te rendre compte par toi même".

Le side-car est une grande famille et nos compétiteurs et champions du jour l'ont déjà pratiqué, sur route et en usage loisirs, bien des années avant de venir jouer le jeu de la compétition. "Depuis que j'ai 8 ans, je suis en side-car avec mon père sur son 1000 Guzzi Jewel", précise César Chanal. "Quand j'ai pu en prendre le guidon, je savais déjà comment ça marchait".

Bref, avec le side-car sportif, un fan de moto est sûr de découvrir de nouveaux horizons et de nouvelles sensations ! Un attelage complet sur base d'Hayabusa vaut, à l'heure actuelle, entre 35 000 et 40 000 €, moto comprise. Mais quand on aime, on ne compte pas !

Plus d'infos sur le pilotage des side-cars sportifs

Commentaires

CharlyCRX

ça fait plaisir de voir des articles sur les sides !
Merci à vous !

Si tu as pensé être dans une centrifugeuse en side de rallye routier, va falloir venir essayer du side de piste F2 / F1 ! :)

A++

07-09-2016 12:01 
Phil G

Du F2, ce sera sur le Repaire la semaine prochaine. Et un F1, je veux bien essayer, mais je veux aussi conduire. Possible ?
sourire
Philippe

07-09-2016 14:59 
froggyfr99

Moi m'ssieur, moi m'ssieur, moi m"ssieur !!!

Marre de me trainer en basset BMW. Je veux aussi faire le singe en F1 !!!


speed

07-09-2016 19:59 
Slet

Bravo bel article et je confirme déjà 4 tours en singe c'est beau ... au bout de 2 j'étais cuit total mais avec un énorme sourire figé sur ma figure ! Super mecs ces pilotes de side-car sportif !

08-09-2016 15:11 
tom4

J'adore les derniers articles du repaire
merci

tom4

08-09-2016 15:12 
Bronco

Citation
tom4
J'adore les derniers articles du repaire
merci

tom4

Pareil, on sent une montée en puissance et une ligne éditoriale plus éclectique: bravo

08-09-2016 16:36 
Yannick85

Quelle référence ! Ural, , , , c'est impressionnant !

01-02-2022 12:09 
 

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