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Histoire constructeur : Magni

Entre pièces spéciales et café racers exclusifs

L'ancien responsable de la compétition MV Agusta sublime ces machines et fait perdurer l'héritage

Demandez à Valentino Rossi (au hasard...) l'importance que peut avoir un chef mécanicien dans la réussite d'un pilote : ce rôle est crucial pour que le pilote soit totalement en confiance et puisse ainsi donner le meilleur de lui-même sur une machine parfaitement réglée.

Ce rôle, Arturo Magni l'a exercé au sein du département compétition de MV Agusta, à l'époque où MV Agusta faisait autre chose que de la figuration en Mondial Superbike. Arturo Magni a en effet été responsable de la compétition MV Agusta de 1949 à 1976 et a donc côtoyé des pilotes de la trempe de Giacomo Agostini, John Surtees, Mike Hailwood, Phil Read et bien d'autres encore.

Gilera 500 4 cylindres GP 1947

Pour en arriver là, Arturo Magni, né en 1925, est d'abord entré chez Gilera en 1947. Le garçon était passionné de mécanique et de moto et l'usine d'Arcore était située tout à côté de son petit village natal de Usmate, dans le nord-est de Milan : c'était donc le destin. Là, il devient l'assistant de l'ingénieur qui concevra le 4 cylindres 500 de la moto de GP. Arturo découvre ainsi le monde de la compétition. Il passe chez MV Agusta en 1949 et est nommé responsable de la compétition l'année suivante. Il a alors 25 ans et connaîtra des années absolument fantastiques puisque MV Agusta domina littéralement le monde des GP avant l'arrivée des Japonais, avec 75 titres mondiaux (38 titres pilotes, 37 titres constructeur) et plus de 270 victoires en GP.

La MV 500 de GP était quasiment imbattable : son quatre cylindres de 497 cm3 crachait 78 chevaux et ses 118 kilos à sec permettaient à l'ensemble d'atteindre 260 km/h à fond de 7ème !

1977 : ouverture des ateliers Magni

Que fait un spécialiste de la mécanique de compétition quand sa marque fétiche se retire des GP ? Il passe à la concurrence ? Ou il rentre chez lui et valorise son expérience ? C'est la seconde option qu'a choisi Arturo en fondant l'atelier Magni à Varese en 1977, un an après le retrait de la compétition de MV Agusta, car son attachement à la marque était indéfectible.

Magni va commencer à produire des pièces spéciales pour les MV Agusta de route : des jantes, des kits d'optimisation moteur et des kits de transmission par chaîne, car les MV de route de l'époque n'avaient pas vocation à être trop sportives et étaient dotées d'une transmission par cardan. Et c'est en toute logique qu'Arturo franchit l'étape suivante : de la pièce à l'ensemble, il n'y a en effet qu'un petit pas.

Magni MV 750

Sur la base des MV 750 Sport et MV 790 America, Magni va concevoir ses propres machines, avec un cadre, un réservoir et une selle de sa conception, sans oublier la transmission secondaire par chaîne pour leur conférer un caractère plus dynamique. Magni proposa également un kit moteur de 860 cm3, qu'il installa sur nombre de ses machines.

1980 : Magni s'occupe de Honda

Changement de registre en 1980. Fan de MV Agusta, Arturo Magni n'est pas non plus insensible aux nouvelles tendances du marché et apprend les joies de la diversification quand la production des MV Agusta périclite à la fin des années 1970. Non contents d'avoir fait main basse sur le monde des GP, les Japonais sont devenus la référence en termes de sportives de route. Ainsi, Magni travaillera sur le missile sol-sol de l'époque, la fameuse Honda CB 900 Bol d'Or. Deux versions sortiront de ses ateliers, la MH1 (roadster) et la MH2, carénée. Magni faisait assurément partie des sorciers de l'époque, si l'on considère que la Bol d'Or passait de 95 à 120 chevaux, qu'elle avait un nouveau cadre en acier chrome-molybdène, un nouveau réservoir, une selle et des caches latéraux. La MH2 possédait en plus un bras oscillant avec réglage de la chaîne par excentrique, un guidon Tomasselli et un nouvel échappement.

 Magni MH2 sur base Honda 900 Bol d'Or

256 Magni MH ont été construites, la plupart d'entre elles personnalisées dans les détails à la demande de l'acheteur. Magni, ici est dans une démarche similaire à Bimota (jusque dans la logique de dénomination des machines), en concevant des cadres maison sur des bases mécaniques existantes.

1982 : la parenthèse BMW

Et l'exercice continue en 1982 avec les MB1 et MB2 : cette fois-ci, Magni, le sorcier des motos performantes, va s'attaquer à une base mécanique plus placide, le brave flat-twin BMW. Bizarrerie ou coup de mou de la part du bel Arturo ?

Pas du tout ! Car en cette époque lointaine, les ingénieurs japonais étaient bien plus doués pour concevoir des moteurs qui poussent que des châssis qui tenaient la route. C'est ainsi que de Georges Martin à Fritz Egli et bien d'autres encore, de savants sorciers ont pu se construire une belle réputation grâce à leur talents en matière de conception de partie-cycle. Magni en fait partie et ses MH1 et MH2 ont connu une belle carrière internationale, en étant notamment particulièrement appréciées des motards allemands. Et c'est ainsi que le représentant allemand de Magni lui demanda de travailler sur une base BMW.

Magni MB BMW

Là encore, tout le savoir-faire d'Arturo Magni lui permit de sublimer ces machines allemandes. Magni conçut une culasse à 4 soupapes pour le flat, ce qui lui permit de faire passer la puissance de 70 à 90 chevaux, tandis qu'une partie-cycle épurée faisait descendre le poids en dessous des 200 kilos, malgré un réservoir qui passait de 19 à 26 litres, à la demande du sus-mentionné importateur allemand.

Avec la mode actuelle du vintage et du café-racer, nul doute que ces machines auraient un joli succès. Hélas, à l'époque, la mayonnaise n'a pas pris avec le marché allemand et ces Magni MB1 et MB2 ont été un échec commercial, puisque elles ont été produites à seulement 150 exemplaires. Et en 1983, BMW cesse le développement sa gamme flat-twin "sportive", avec le lancement des séries K et leur nouveau moteur à quatre cylindres horizontal et longitudinal.

1985 : le début d'une longue histoire avec Moto Guzzi

Magni se recentre donc sur ses fondamentaux et c'est en Italie que bat de la manière la plus sûre le Cuore Sportivo ! Tout comme Ghezzi-Brian le feront bien plus tard, Magni va donc devenir un spécialiste de l'optimisation des Moto Guzzi et son histoire d'amour avec la marque de Mandello del Lario durera plus d'une quinzaine d'années.

Magni Guzzi Classico

Pendant toutes ces années, une multitude de versions virent le jour, d'abord sur base de 850 Le Mans, puis de 1000 et 1100, à 2 et à 4 soupapes, tant dans des déclinaisons routières à selle biplace (les Classico et Arturo), que Café Racer (les Sfida 1000), voire même des machines de course (les Australia) et des sportives de route (les Sfida 1100). Il y a même eu 90 exemplaires d'une Magni Sfida 400 destinée au marché japonais, où les travaux du concepteur italien jouissent d'une grande renommée. C'est ainsi que la Giappone 52 a été spécialement conçue pour le marché japonais, pays où il en resterait 45 sur les 52 qui ont été construites.

Magni 850 Le Mans a amortisseur parallélogramme

Magni Giappone 52

Magni Sfida 2 soupapes

Comme Magni ne pouvait pas supprimer les transmissions par cardan des Moto Guzzi, il a travaillé sur les cadres et surtout sur les suspensions arrière pour tenter de supprimer les réactions du cardan, peu souhaitables en conduite sportive. Une première version d'une suspension, en forme de parallélogramme, a ainsi été développée et brevetée, suivie par une seconde, quelques années plus tard, qui reprenait les grands principes du Cantilever.

Magni Australia a suspension cantilever

Les années : néo rétro sur base de Suzuki GSX qui marquent le retour de l'héritage MV Agusta

Avec la fin de l'aventure Moto Guzzi, Magni se recentre sur ses fondamentaux et revient à ses premières amours : MV Agusta., Magni nous concocte un bizta dont il a le secret : la 1200 S est ainsi un bel hommage aux MV 750 S des années 70, mais la base mécanique est une roturière Suzuki GSX 1200 Inazuma dont le moteur n'est même pas optimisé. Un échappement à quatre sorties tente de reproduire le bruit d'une MV d'époque, une mission impossible pour le brave 4 cylindres Suzuki. Une fourche Ceriani tente de faire illusion, mais le soufflé retombe vite à la vue du tableau de bord d'origine de la Suzuki, en plastichrome véritable. Cette curiosité n'aurait été vendue qu'à 10 exemplaires, 6 au Japon, une aux États-Unis et 3 en Europe.

Magni 1200 S

En ce début des années 2000, la nostalgie redevient à la mode et l'atelier Magni est sollicité pour restaurer des MV d'époque bien fatiguées et préparer des machines de course qui s'engagent sur des compétitions historiques dont les plateaux deviennent de plus en plus fournis et qualitatifs. Magni a même réussi à engager une moto au Bol d'Or Classic en 2011. Et pendant que les parents revivent leur jeunesse sur des machines de course restaurées, les enfants rêvent d'être plus grands au guidon de mini motos... fabriquées par Magni.

Magni MV Racing

Mini moto Magni MV Agusta

Magni revient aux machines de route en 2013. L'idée de relancer un hommage à la MV 750 S des seventies est globalement identique à celle qui a présidé à la sortie de la 1200 S de 1999, mais cette fois-ci la base est nettement plus légitime, puisqu'il s'agit d'une MV Brutale 1090, même si le résultat manque encore un peu de finesse.

Magni Storia 1090

Mais c'est l'année suivante que Magni est de nouveau touché par la grâce avec la Filo Rosso. Cette fois-ci, c'est le 3 cylindres 800 des MV de dernière génération, développant 125 chevaux, qui est monté dans cette réplique des motos de course des années 50, disponible en version carénée ou pas. Le poids n'est que de 145 kilos à sec et le sens du détail est proprement ahurissant, à l'image des trois cornets d'admission, du sélecteur de vitesse lié au repose-pied pivotant, duquel part une tringle jusque la boîte, du réservoir en aluminium fait à la main, des roues de 18 pouces en magnésium anodisé, du cadre double berceau qui reprend le dessin de ceux d'antan, de la fourche Ceriani et des freins Brembo au look d'époque. On se prend à rêver d'une homologation. Hélas, elle n'est pas prévue...

Magni Filorosso naked

En tout, ce sont plus de 2000 Magni qui auront été produites.

Arturo Magni est décédé le 2 décembre 2015 à l'âge de 90 ans. Son fils Giovanni est toujours aux commande de l'entreprise et perpétue son œuvre.

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