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Essai Monard 650 de Bill Ivy

Hotrod fait maison

Bicylindre Triumph de 649 cm3, embrayage et fourche de Norton Manx, 48 ch, 129 kg à sec

Les courses de Superbike et leur dérivé Supersport sont en grande partie responsables de la disparition de l'art des préparations spéciales. De nos jours, quand on peut entrer chez n'importe quel concessionnaire multimarque et avoir l'embarras du choix pour l'achat d'une moto homologuée sur route offrant un niveau de performances similaire à celui des MotoGP d'il y a une décennie, il n'y a pas grand chose à gagner à rouler avec sa propre création, en plus du fait que l'on ne pourra de toute façon pas concourir dans ces compétitions principalement basées sur les modèles de série. Imaginez si John Britten était encore vivant et venait de créer l'oeuvre d'art d'ingénierie qu'était sa magnifique sportive V-Twin. Il n'aurait nulle part où courir, sauf dans la classe Open du Senior TT sur l'Ile de Man...

Essai de la Monard 650
Essai de la Monard 650

Découverte

Mais il y a 60 ans, la faible disponibilité de motos de course pour les clients (les Nortons Manx étaient soigneusement rationnées, les AJS 7R également et les deux coûtaient de toute façon une fortune) signifiait que dans la Grande-Bretagne de l'après-Guerre, la route vers une carrière en compétition impliquait de modifier une moto que l'on avait l'habitude de piloter pour la vie de tous les jours, ou mieux encore, de concocter sa propre préparation de course afin de donner libre cours à ses propres convictions techniques. Peu l'ont fait avec autant de succès que Geoff Monty et Allen Dudley-Ward. Leur concession Monty & Ward de Twickenham était dans les années 50 et 60 le terreau de la création d'une série de prépas portant les noms GMS et Monard et qui, au cours de leur longue décennie de succès sur piste, ont été la crème de la crème des préparations britanniques sur circuit.

Les deux partenaires s'étaient associés pour lancer une entreprise de motos en 1946. Ils ont ainsi construit, préparé et engagé des motos pour eux-mêmes et leurs clients. Et au fil des ans, c'est devenu l'une des plus grandes concessions du Royaume-Uni.

Parmi toutes leurs créations, on peut citer la GMS (Geoff Monty Special) qui, entre les mains de son créateur, a battu la plupart des autres 250 dans les courses britanniques des années 50, "sauf John Surtees sur sa NSU Sportmax. Je pouvais battre n'importe qui d'autre, mais lui jamais !" m'avait glissé le moustachu Geoff lors d'une de mes visites chez Monty & Ward à Edenbridge dans le Kent. Il est resté à la barre de l'entreprise presque jusqu'à la fin avant de décéder en 2008 à l'âge de 92 ans.

Tommy Robb et Geoff Monty avec la GMS 250 en 1959
Tommy Robb et Geoff Monty avec la GMS 250 en 1959

Construit à l'hiver 1955/56, la GMS 250 se composait d'un moteur BSA à course courte, monté dans le propre cadre à épine dorsale ultra-léger dessiné par Monty et habillé par un carénage Dustbin en aluminium, lui aussi réalisé par Monty & Ward. Deux exemplaires de ce cadre ont été construits, l'un pour abriter le moteur Pike-BSA 250, l'autre pour une moto de catégorie 350 qui utilisait un moteur Gold Star. Mais cette dernière ne connaîtra jamais la réussite de la GMS 250 qui était vraiment compétitive. Il faut dire que le moteur avait été développé par le regretté Roland Pike, chef du département expérimental du constructeur et également bon pilote.

Dans la construction des deux machines GMS propulsées par BSA, qui ont ensuite été transformées en Monard à moteur Triumph, Geoff Monty a utilisé des tubes d'acier de calibre 16 de 2¼ pouces pour concevoir la base d'un cadre composite utilisant la géométrie de la Norton Manx, mais beaucoup plus léger. Ce sera le précurseur du châssis de la marque Egli qui verra le jour une décennie plus tard, avec son moteur suspendu derrière deux tubes descendant en Reynolds 531 (celui de gauche intégrant le lubrifiant pour la chaîne primaire), sans rail inférieur, mais avec un long axe pour le bras oscillant caissonné. Les plaques latérales en aluminium et un sous cadre arrière sur lequel les extrémités supérieures reçoivent des amortisseurs Girling boulonnés complètent un châssis poids plume englobant le moteur Triumph et la boîte de vitesse Norton pour créer un design digne d'une création factory plutôt que d'un atelier de Twickenham. Le fait que ces deux motos aient couru de manière intensive durant 20 ans avec une variété de cylindrée allant de 250 à 750 cm3 tout en restant compétitives jusqu'à leur retraite, en dit long sur la technique et la qualité de savoir-faire développé dans la création de ces prépas GMS/Monard.

Le cadre est réalisé à partir d'un tube d'acier central
Le cadre est réalisé à partir d'un tube d'acier central

Après sa première victoire en course 250 à Aintree en 1056, la GMS a rencontré de nombreux succès avec Geoff Monty dans le pays et à l'étranger durant les trois années suivantes, y compris lors de sorties pour courir dans les Grands Prix scandinaves de Suède et de Finlande. Mais bien que Geoff ait toujours pris soin de faire en sorte que la course soit rentable, même s'il s'est engagé essentiellement pour le plaisir, les exigences d'une entreprise en pleine croissance l'ont amené à se retirer de la course et à faire appel à d'autres pilotes sous la bannière Monty & Ward. Parmi eux, Alan Shepherd, Mike O'Rourke (11e du Lightweight TT de 1957 pour la première apparition de la GMS 250 sur l'Ile de Man), Ron Langston, le futur pilote de Formule 1 Bob Anderson et le futur vainqueur de l'Ulster GP Tommy Robb qui a immédiatement pris la mesure de sa GMS en remportant la North West 200 en 1959 puis en terminant 4e derrière l'équipe usine MV Agusta au Lightweight TT avant de prouver que ce n'était pas un hasard en terminant à nouveau 4e de l'Ulster GP. Huitième du championnat du Monde et de nombreux succès sur les circuits britanniques durant les trois saisons que Robb passa sur la moto ont souligné la valeur de la GMS en tant que sportive 250 100% britannique la plus réussie. Cela a permis à Tommy de rejoindre l'équipe officielle Honda en 1962 et donné à Geoff Monty une certaine satisfaction, par rapport à la façon dont il a perdu son prochain pilote vedette...

Le départ de Robb a effectivement marqué la fin de route pour la 250 GMS, car le moteur monocylindre était désormais dépassé par des multicylindres plus puissants. Mais en 1962, Honda demande à Monty & Ward de préparer trois motos de route de 50 cm3 pour un test d'endurance à Goodwood visant à démontrer la fiabilité, alors non prouvée, des productions de la firme japonaise en les faisant tourner pendant une semaine en continu avec une équipe de 19 pilotes. L'un d'eux était un jeune prometteur du nom de Bill Ivy. Après l'avoir vu en action pendant 7 jours, Geoff Monty savait qu'il avait trouvé le pilote qui récompenserait le temps et les dépenses nécessaires pour donner un nouveau souffle à sa paire de prépas.

Geoff Monty et la Monard
Geoff Monty et la Monard

Pour y parvenir, la 250 GMS est alors transformée en 500 Monard, toujours avec le même châssis, mais maintenant équipé d'un bicylindre de Triumph Tiger 100 à longue course et réglé par Allen Dudley-Ward. La 350 cm3 devient quant à elle un 650 Monard avec un moteur de Triumph Bonneville réglé pour les catégories Unlimited. Mais le travail de Ward n'était pas terminé car en 1964 il remplace le 500 Triumph par une version spéciale de 71 x 62,5 mm à course courte avec des cylindres surdimensionnés, un vilebrequin Laystal monobloc, des cames spéciales, une culasse retravaillée, des pistons à haute compression, des soupapes en alliage nimonic et un orifice d'admission plus bas. Associé à une boîte de vitesse Aagard à 5 rapports et un embrayage à sec Norton, le twin Monard 500 plafonnait à 9.000 tr/min. Sa soeur 650, moins travaillée mais toute aussi compétitive, a permis à leur jeune pilote de se faire un nom dans les courses britanniques, devenant une sérieuse menace sur l'ordre établi pour les stars de l'époque comme Derek Minter, John Cooper, Dave Croxford, Dan Shorey, Dave Degens et Ray Pickrell. La cinquième place d'Ivy avec la Monard 500 sur la course de Mallory Park, derrière la MV victorieuse de Mike Hailwood, mais devant Minter et de nombreux as en Norton, sous le regard des 40.000 fans a consacré la première saison de "Little Bill" sur les prépas à twin Triumph.

Concurrent régulier au top 6 sur les deux motos, Ivy n'a jamais remporté un événement national sur aucune des deux, mais était toujours ici ou là dans la lutte pour la victoire. Les exploits du pilote du Kent à bord des prépas faites-maison contre les pilotes de GP plus exotiques et plus onéreuses ont conféré le statut d'outsider à un coureur dont la minuscule stature et dont la façon avec laquelle il se glissait derrière le carénage laissaient toujours croire qu'il était éclipsé par l'énorme moto. En fait, les Monard étaient beaucoup plus petites et plus légères que leurs rivales Norton, tout en conservant la même géométrie et l'empattement de 1.435 mm avec des fourches Manx Roadholder réduites. Celles-ci accentuaient leur faible encombrement, 50 mm plus courtes à la tête de direction qu'une Manx. Il faut dire aussi que que Geoff Monty montait des pneus de 18 pouces, initialement pour améliorer la stabilité au freinage, par rapport aux 19 pouces originels des Norton.

C'est ensuite un bicylindre Triumph de 649 cm3 qui sera installé dans la moto
C'est ensuite un bicylindre Triumph de 649 cm3 qui sera installé dans la moto

L'accent a été mis par Geoff sur la réduction de poids, une autre raison pour laquelle il avait hâte de laisse Ivy la piloter. Faut-il parler aussi du tambour de Manx utilisé à l'avant et couplé à l'arrière avec un SLS et un bras extra long pour empêcher les mouvements de la roue sur les gros freinages. L'économie de poids a été jusqu'à appliquer le minimum de peinture ! La moto avait juste des sections du cadre en rouge, avec des plaques latérales en dural et une copie de carénage de Yamaha TD1 en fibres de verre blanches (Monty & Ward était le premier concessionnaire Yamaha au Royaume-Uni) laissées brutes. Le résultat de ces détails et de nombreux autres points visant à gagner en légèreté a abouti à une Monard 650 ne pesant que 130 kg à sec et délivrant 48 chevaux à la roue arrière, soit la même puissance qu'une Manx à monocylindre DOHC de 500 cm3 18 kg plus lourde et qui était également plus grande avec une plus grosse zone frontale. Ce n'était pas seulement "encore une autre satanée prépa" !

Celle-ci a également servi de banc d'essai pour une gamme de pièces Monty & Ward pour la gamme de bicylindres Triumph avec des éléments comme une pompe à huile de plus grande capacité, un carter à ailettes, une alimentation d'huile des culbuteurs ainsi que des poussoirs, culbuteurs et pignons en aluminium, tous commercialisés par la firme de Twickenham après le développement sur les sportives Monard. Il était même envisagé à un moment de produire une courte série de Monard Replica équipées de moteurs préparés selon les choix des clients. Mais cela n'a pas abouti, bien que des plans aient été prévus pour intensifier les activités de course en 1965, toujours avec Bill Ivy comme pilote. Il faut dire que ce dernier avait encore marqué les esprits en remportant le titre britannique 125 sur une Honda CR93.

Bill Ivy sur la Monard 500 à Brands Hatch en 1964
Bill Ivy sur la Monard 500 à Brands Hatch en 1964

Dès l'abaissement du drapeau à l'ouverture de la saison à Mallory Park en mars 1965, Ivy était dans une forme olympique, ne terminant jamais au-delà de la quatrième place dans aucune course du début de la saison. A Pâques, il avait déjà participé à 20 courses. Alors quand il a chuté avec la Monard 650 dans l'épingle de Mallory Park le lundi de Pâques, Geoff Monty l'interpréta comme un burnout de début de saison lorsque le petit pilote lui dit qu'il "ne voulait plus piloter de grosse moto".

Geoff Monty :

Je lui ai dit qu'il s'était fait un peu mal après un week-end difficile et lui ai suggéré de rentrer chez lui, de se reposer une bonne nuit et d'y réfléchir avant de prendre des décisions précipités. Il m'a appelé le lendemain soir et m'a dit qu'il allait rouler pour Tom Kirby et qu'il ne courrait plus sur mes machines, désolé et merci quand même. J'étais bouleversé, c'était une façon terrible de se comporter de leur part.

Pourtant, après cet épisode malheureux, la valeur des Monard fut confirmée par les hommes qui remplacèrent Ivy sur les motos. Tout d'abord John Blanchard qui est immédiatement entré dans les points à Brands et Mallory, puis Ray Pickrell, qui a suffisamment marqué les esprits en 1967 pour être recruté par Dunstall la saison suivante. Pour 1968, les motos ont été confiées au préparateur de M&W Roy Francis, un ami proche d'Ivy qui était resté en contact avec la société après le départ de son copain et avait déjà piloté des motos de plus petite capacité pour Monty. Lors de sa toute première course sur la 500 Monard, Francis a vaincu Peter Butler sur sa 650 Boyer-Triumph pour remporter le titre de Lord of Lydden sur son circuit national, puis décrocha une deuxième place au photo-finish sur la 650 lors de la Hutchinson 100 à Brands, avant une autre victoire à Crystal Palace, cette fois face à Dave Nixon sur la Boyer-Triumph.

Bill Ivy sur la Monard 650 face à Ray Pickrell sur la Dunstall Norton
Bill Ivy sur la Monard 650 face à Ray Pickrell sur la Dunstall Norton

Roy Francis :

J'avais passé l'hiver 68/69 à reconstruire les Monard et grâce à l'attention portée aux détails par Geoff et Allen, j'obtenais de bons résultats à chaque fois. Mais vint alors ce terrible jour de 1969 lorsque Bill fut tué au guidon de la Jawa 4 cylindres en Allemagne de l'Est. J'étais chez Monty & Ward à travailler sur les motos lorsque la nouvelle est passée à la radio. Je ne pouvais tout simplement pas y croire. J'ai jeté les clés et rangé les affaires. Je suis sorti, je suis monté la voiture et je suis rentré à la maison comme si tout ça n'était qu'un mauvais rêve. Mais ce n'était pas le cas et quand Bill a été tué, il n'était plus question de rouler. Je venais perdre tout intérêt.

C'était presque la fin de la route pour les Monard aussi car bien que Martyn Ashwood et John Taylor les aient tous deux pilotés en 1969/70, l'intérêt de Geoff Monty était désormais focalisé sur le développement de la prépa à moteur Triumph 750 huit soupapes monté dans un cadre Rickman Métisse. Le dernier homme à piloter la Monard, désormais en version 750 mais toujours avec quatre soupapes, fut Keith Martin, qui termina quatrième derrière les Triumph de Pickrell et Smart et la John Player Norton de Peter Williams dans la course F750 de 200 miles à Thruxton en 1972. Ce fut la dernière sortie majeure pour cette machine dont la carrière en course s'étalait sur deux décennies; toujours contre toute attente...

La Monard roulera pendant près de deux décennies en compétition !
La Monard roulera pendant près de deux décennies en compétition !

Après avoir retiré les Monard pour de bon, Geoff Monty les a démontées et les a stockées dans la caverne d'Ali Baba de chefs-d'oeuvre mécaniques qu'était sa boutique d'Edenbridge, aux côtés de machines aussi exotiques que la 125 Villa de Chas Mortimer, l'ex-Pagani 500 Linto ou son coupé Alfa Romeo Montreal V8. Les tentatives répétées de divers passionnés d'en faire l'acquisition ont toutes échoué, jusqu'à ce que l'ingénieur civil Mike Braid le fasse finalement en 1999 pour la meilleure des raisons :

Remontons le temps jusqu'en 1964 et une journée d'essai à Brands Hatch. Geoff Monty était là avec Ivy sur les deux Monard et une Yamaha 250, c'était la première fois que les voyais. Un ami et moi avions fabriqué une Triton à partir d'une ancienne Manx Rod Gould que nous avions constuit avec un moteur de Triumph Tiger 100 à la culasse complètement revue, nous en savions donc assez sur ce que Geoff avait fait avec les Monard pour vraiment apprécier son travail. C'étaient des oeuvres d'art.

Au cours du semestre suivant, je me suis particulièrement intéressé aux Monard, chaque fois qu'Ivy roulait avec l'une d'elles. Pour autant que je me souvienne, il n'a jamais remporté de course avec, mais il était toujours dans le top 6 et étant donné les humbles origines de ce qui vraiment juste une préparation que n'importe qui aurait pu construire avec la moitié du talent de Geoff et Allen, je les ai toujours appréciés. EN fait, j'ai demandé à Geoff d'acheter un des kits de châssis qu'il était censé construire car j'avais envisagé de construire une réplique de Monard après avoir retiré toutes les pièces de ma Manx et les avoir recyclées. Mais cela ne s'est jamais produit et j'ai ensuite convenu avec Geoff qu'après que Blanchard ait terminé quatrième à Mallory à l'automne 1965 avec la 500 que la moto soit complètement démontée et plus jamais roulé jusqu'à ce que je l'achète et la reconstruise. La 650 qui fut une 350 est restée complète et a été converti en 750 puis à couru jusqu'au milieu des années 70 jusqu'à ce qu'une bielle casse lors d'une journées d'essais. Après quoi elle fut entreposée jusqu'à ce que Geoff me vende les deux motos en 1999. Je savais que Roy Francis avait exprimé son intérêt d'en avoir une, en hommage à Bill Ivy ainsi que pour ses propres souvenirs avec la moto. J'ai donc pris mes dispositions pour lui laisser la 750 tout de suite. Geoff m'a également fourni un moteur de course 650, que je suppose être celui avec lequel Ivy à couru, avant de le passage au 750. Donc, comme il était prêt à l'emploi et ne nécessitait que des vérifications, c'est celui que j'ai utilisé pour assembler la moto. Voilà comment celle qui était à l'origine la 250 GMS est devenu plus tard la 500 Monard et désormais la 650 Monard !"

Restée sagement stockée, la Monard a été reconstruite par Mike Braid en 1999
Restée sagement stockée, la Monard a été reconstruite par Mike Braid en 1999

Autant dire, qu'imaginer pouvoir avoir la chance de monter sur cette moto historique pour en faire l'essai, a fait monter la pression et l'excitation.

En selle

Cette Monard est à la fois aussi originale et authentique que n'importe quelle autre prépa qui a évolué au fil des ans pour devenir ce qu'elle devait être. Je peux en témoigner pour avoir pu piloter la Monard dans sa configuration 650 un jour de roulage à Mallory Park. La position de conduite trahit immédiatement l'âge de la moto et ses racines. Elle offre la même position allongée qu'une Norton Manx sauf que l'on se sent assis beaucoup plus bas. Même si je ne pouvais toujours pas tout à fait cacher ma tête derrière la bulle du carénage Yamaha. Forcément, ici on a affaire à Too-Tall Al plutôt qu'à Little Bill.

La position de conduite est très typée pour la course
La position de conduite est très typée pour la course

Le compte-tours Smith inversé demande un peu de temps pour s'y habituer. Mais après avoir réussi à démarrer la Monard avec l'aide d'un certain Phil Read et redécouvert les vibrations à bas régimes typiques de ces twins britanniques de courses de l'ère Classic, nous avons constaté que l'embrayage de Manx de la Monard glissait. L'idée de Phil d'ajouter un disque d'embrayage supplémentaire s'est avérée utile et j'ai alors pu prendre la piste pour la première sortie de la Monard depuis plusieurs décennies, avant que Mike Braid ne l'assemble à nouveau et ne lui donne un second souffle.

Un petit coup de main de Phil Read (à gauche) pour redémarrer la Monard pour la première fois, ici avec La Rédaction, Fred Walmsey, Andrew Cathcart et Mike Braid
Un petit coup de main de Phil Read (à gauche) pour redémarrer la Monard pour la première fois, ici avec La Rédaction, Fred Walmsey, Andrew Cathcart et Mike Braid

Essai

Le résultat s'approche plus d'une taille grossière que du pur-sang, un hotrod maison en quelque sorte qui était dynamiquement puissant pour son époque. Je n'ai jamais vu Bill Ivy piloter la moto, mais je peux comprendre après l'avoir piloté comment sous sa forme 650 elle disposait des meilleures chances de succès. Même un twin à poussoir à course courte allant jusqu'à 9.000 tr/min aurait eu du mal contre les Norton Manx de course, mais on peut sentir que, surtout avec ce poids plume, cette version offrait de bonnes performances pour son temps. Même si la symphonie du silencieux se fait entendre très bas, il n'y a pas beaucoup de puissance sous les 5000 tours. Il faut donc rouler avec l'embrayage pour sortir vite du virage en épingle de Mallory. Profiter de la longue et large piste là-bas est le meilleur moyen de maintenir son élan et donc le régime. Avec ce qui ressemble à des cames empotées, le moteur aime être maintenu à un rythme soutenu. La puissance à mi-régime n'est pas si grande, mais elle semble a contrario assez puissante en haut.

Essai de la Monard 650 de Bill Ivy à Mallory Park
Essai de la Monard 650 de Bill Ivy à Mallory Park

Cependant, les rapports de la boîte suédoise Aagard à 5 rapports avec son sélecteur de vitesse au pied droit sont très bien adaptés à la nature de la puissance de la Monard, permettant des changements de rapport rapides et sans embrayage à mesure que le moteur approche de son pic de puissance de 7.500 tr/min. Ironiquement, c'est là que le moteur se lisse vraiment. Car si les vibrations sont toujours présentes, elles ne sont plus excessives. On le remarque principalement via les bracelets en alliage plutôt qu'au niveau des repose-pieds ou de la selle. Même si après avoir allumé la moto dans le paddock et fait vibrer mes plombages dentaires à bas régimes, je n'avais pas vraiment hâte de monter dans les tours en piste.

Contrairement aux autres twins parallèles britanniques à 360° du milieu des années 1960 que j'ai pilotés, elle a les mêmes caractéristiques qu'un twin à 180° comme les Paton, avec une vibration qui s'estompe à mesure que le moteur monte en régime. Claironner le long de la ligne droite de Mallory avec l'immanquable boom d'un twin triumph préparé et ces double silencieux mégaphones a toutefois révélé un plaisir indéniable, en particulier lorsque le moteur se lisse sur les 500 derniers tours avant de passer à la vitesse supérieure à 7.500 tr/min.

Le moteur de 48 ch vibre de moins à moins à l'approche des 7.500 tr/min
Le moteur de 48 ch vibre de moins à moins à l'approche des 7.500 tr/min

Bien que la position de conduite allongée ressemble beaucoup à celle de la Manx, la similitude s'arrête là car la maniabilité est assez différente, meilleure à certains égards, pire à d'autres. C'est aussi ce point qui en faisait une confrontation fascinante pour le duo Ivy/Monard contre les Norton puisque Bill était capable de briller à des endroits où aucun de ses rivaux ne le pouvait, mais eux avaient l'avantage à d'autres moments.

Là où la Monard excelle, c'est dans les changements d'angle dans les virages serrés. Mais elle a tendance à sous-virer à l'accélération. Bien que le frein avant stoppe parfaitement cette moto légère, il est juste convenable et le double tambour, plus lourd, monté sur la Manx 1961 que j'ai pu piloter à Daytona et Assen pour Ian Telfer réduisait considérablement plus les distances de freinage avec un mordant plus prononcé. Cependant, ce constat est fait avec un pilote pesant le double de Bill Ivy. Il est donc probable que Monty ait eu raison d'opter pour un frein plus mince et plus léger. Je pouvais malgré tout faire en sorte de ralentir suffisamment la Monard à l'entrée de l'épingle de Mallory en appuyant fermement sur la pédale de frein arrière et en serrant le levier avant de toutes mes forces. En revanche, il n'y a aucune marge d'erreur. Si quelqu'un vous dépasse ou vous fait l'intérieur, le risque est donc constant et encore plus dans le feu de la course sur un circuit des années 60.

Les tambours de Manx sont tout juste suffisants pour stopper la Monard
Les tambours de Manx sont tout juste suffisants pour stopper la Monard

Pourtant, prendre une courbe en arrivant fort sur les freins, ou passer d'un angle à l'autre dans la chicane est très simple grâce au faible poids de la moto, ce qui signifie qu'elle aborde également très bien les bosses à la sortie de Gerard et ce malgré une précontrainte resserrée à l'arrière pour convenir à mon surplus de poids par rapport à Bill. Ce qui s'est passé juste après n'est en revanche pas si bon. La Monard fait glisser son pneu avant Avon nervuré de manière sensible sur les fortes accélérations sur l'angle droite à la sortie de Gerard et on s'efforce alors de la retenir ici à chaque passage. C'est aussi le cas dans les Esses et dans le Devil's Elbow. C'est peut-être une conséquence du faible poids ou de mes kilos supplémentaires en abaissant un peu l'arrière, mais la moto dans son ensemble ne semble pas aussi bien équilibrée qu'une Norton Manx et ne se manie certainement pas aussi bien. Fait intéressant, bien que je n'ai pas réussi à faire osciller la Monard, ce qui était apparemment un fait commun lorsque Bill était aux commandes et sortait d'une courbe rapide comme Clearways à Brands Hatch ou Gerard ici, maintenant sa trajectoire mais ondulant encore sous les fortes accélérations.

Plus agile qu'une Manx, la Monard est aussi moins équilibrée
Plus agile qu'une Manx, la Monard est aussi moins équilibrée

C'est une raison pour laquelle Monty avait monté une jante arrière WM3 plus large, pour réduire cette tendance, mais sans corriger complètement le problème... jusqu'à maintenant ! La raison est certainement la construction plus robuste du pneu arrière Avon moderne que Mike Braid a monté et qui s'écrase moins à l'accélération tout en offrant plus d'adhérence qu'à l'époque. L'autre effet collatéral de ces pneumatiques modernes est la réduction de la garde au sol : la Monard fait frotter ses repose-pieds gauche sur Elbow et droit aux Esses. Heureusement, les sliders de bottes ont depuis été inventés eux-aussi...

Conclusion

Il est difficile de trop souligner à quel point le travail de Geoff Monty fut impactant en créant d'abord la GMS 250 à l'aide de Roland Pike puis les twin Monard avec Allen Dudley-Ward. Celles-ci reste la quintessences de l'art du préparateur, telle qu'elle s'exprime par le biais des courses sur circuits et en tant que telles, elles sont un élément important dans l'histoire des courses sur route.

La Monard 650
La Monard 650

Points forts

  • Une pièce d'histoire
  • Agilité
  • Moteur

Points faibles

  • Stabilité
  • Freinage

La fiche technique de la Monard 650

Commentaires

froggyfr99

Merci pour cet article!
C'est la première fois que je lis quelque chose sur cette moto.

24-04-2020 13:54 
la carpe

Pareil pour moi, moto inconnue au bataillon... Y a-t-il eu des exemplaires exportés sur le continent pour s'illustrer sur nos circuits? Apparemment non selon l'article.

24-04-2020 16:12 
Luch1801

Excellent article, bravo. Je découvre également la marque mais aussi cette période de la carrière de Bill Ivy sur les championnats nationaux anglais avant les GP avec Yamaha. Très instructif, merci.

24-04-2020 21:50 
1364

RAHAAHA! C'est la passion originelle à ce stade là! Chanceux ceux qui l'ont vécu!
Superbe article d'Alan Cathcart... comme toujours!

27-04-2020 07:51 
 

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