english

Le freinage en GP

Braking news : au coeur des secrets du freinage en MotoGP

Un pic de décélération à 2.2 G!

Récemment une campagne de la prévention routière mettait en évidence le fait qu’une voiture « basique », freinait mieux qu’une moto, « basique » elle aussi. Une surprise ? Non pas vraiment. Mais à l’aube du GP de France, nous voulions savoir quel est réellement le potentiel des meilleures motos du monde en GP dans ce domaine ? Pour le savoir, Lerepairedesmotards.com a mené l’enquête en coulisses chez Tech3….

Bradley Smith au freinage à Sepang...

Diantre, une Clio freinerait mieux qu’une MT 07, pourtant légère et richement dotée en équipement de freinage… Etonnant non?

Pas tant que ça, car en moto la limite de freinage sur sol sec ne se situe plus depuis longtemps sur la puissance de son équipement, ni même sur le niveau d’adhérence des pneus. Aujourd’hui, la limite c’est le basculement de la moto par-dessus la roue avant. Un phénomène qui intervient, avant le blocage de la roue sur sol sec.

En effet, lors d’un freinage, il se produit un transfert de charge vers l’avant. Ce transfert est proportionnel à l’intensité de l’effort de freinage, mais aussi à l’empattement de la moto et à la hauteur de son centre de gravité (CDG), pilote compris. De fait, si son équipement pneumatique et son ensemble de freinage le lui permettaient, un custom, avec un empattement long et un pilote assis très bas, pourrait freiner beaucoup plus fort qu’un supermotard avec un pilote perché et un empattement relativement court. C’est une affaire de bilan des forces. D’ailleurs vous remarquerez qu’il est plus facile de faire un stoppie ou une roue arrière, avec un supermot’ qu’avec un custom ! De même on peut freiner très fort de l’arrière avec un custom, pas avec un supermot’, qui bloque immédiatement sa roue arrière. Cette première remarque nous ramène à la voiture. Avec son empattement long, son ou ses passagers assis bas et son propre CDG (Centre De Gravité) bas, la voiture ne risque pas le stoppie. Moralité, elle peut freiner jusqu’à la limite d’adhérence de ses pneus sur sol sec. Pas la moto. Donc, nous freinons indiscutablement moins court ou plus long ! Pour ordre d’idée, sur un freinage à basse vitesse (moins de 100 km/h), nous freinons à environ 1,1 G.

Espargaro-Malaysia-Sepang

Revanche sur route mouillée!

Quand la pluie s’en mêle, la limite d’adhérence est plus basse et selon la nature du revêtement, le blocage de la roue avant peut intervenir avant le phénomène de basculement. Dans ce cas, moto et voiture se retrouvent à égalité, ou presque. Toutes deux exploitent au maximum l’adhérence disponible et la voiture ne peut plus freiner plus court. Moralité, L’eusse-tu-cru mon ami, pour taxer une voiture au freinage, il vaut mieux faire la danse de la pluie !…

Le cas des motos GP

Comme tout un chacun, les motoGP sont soumises aux lois de la physique, cependant, elles évoluent dans des conditions limites différentes des nôtres. Pourtant, si l l’on regarde la courbe que nous fournit Tech 3, on voit un pic de décélération maxi à 2,2 G sur la courbe fuchsia qui indique l’intensité du freinage en nombre de G. La courbe verte indique la vitesse, la blanche indique l’enfoncement de la suspension arrière, la jaune celle de la fourche avant.

Courbes au freinage d'une M1 en GP

Freinage M1

Que se passe-t-il donc pour qu’ils atteignent de telles valeurs ?

Outre leurs pilotes d’exception, les MOTO GP disposent de pneus offrant un coefficient d’adhérence supérieur aux nôtres et atteignent des vitesses telles, que l’aérodynamique induit des phénomènes… spectaculaires ! Il ne s’agit pas ici des petits ailerons qui font tant parler, mais tout simplement de la résistance à l’avancement, qui prend des proportions énormes. En effet, imaginez que vous roulez à 350 km/h par exemple. Pour cela il vous faudra une moto qui développe environ 260 chevaux, afin de vaincre la résistance aérodynamique de l’air (et un peu la résistance au roulement). A supposer que cela soit la vitesse maxi de votre moto, c’est-à-dire qu’elle n’accélère plus, on dit alors que le système moto/ résistance aérodynamique est en équilibre, ce qui signifie que la puissance développée par le moteur se traduit par une force de propulsion égale à la résistance de l’air. Que vaut cette force ? C’est tout bête : P=F x V

La puissance est égale au produit de la force et de la vitesse. Nous connaissons la puissance et la vitesse, donc nous pouvons trouver la force, à condition de respecter les bonnes unités (Watts, mètre par seconde et Newton).

Dans le cas présent et pour rester dans les approximations, nous trouvons environ 2000 N, soit environ 200 kg pour ceux à qui cela parle plus.

Le wheeling en GP

De fait, au moment où le pilote coupe les gaz et sans compter le frein moteur, il ne reste plus d’effort de propulsion, mais juste la résistance à l’avancement qui va le ralentir. Soit un «aérofreinage » de 200 kg alors que moto + essence+ pilote équipé pèsent 160 kg + 16,5 kg + 70 kg (ce sont des jockeys), soit 246,5 kg. Comptons 238 kg à mi-course. La décélération sera alors de 200/238 = 0,84 G, qui s’ajoute à l’éventuel effort de freinage et ce, sans faire basculer la moto pour autant, car la résultante aérodynamique s’applique au centre de poussé aérodynamique de la moto, qui est en général au-dessus du centre de gravité. A cela s’ajoute encore un autre phénomène : l’inertie de la moto, qui fait que l’on peut dépasser brièvement sa limite de basculement, avant qu’elle ne se soulève réellement. Ainsi, le pilote, s’il en a le courage et les compétences va « jouer » avec cette limite, pour maintenir sa moto au plus près du « stoppie », sans passer par-dessus.

Stoppie au freinage en GP

Freinage de Bradley Smith sur les vibreurs de Sepang. A ce moment, la pression dans le circuit de freinage oscille entre 15 et 18 bars.

La pratique confirme la théorie !

Que nous disent les courbes ? Que la décélération maxi est atteinte à très haute vitesse, en tout début de freinage (ici un freinage à 331 km/h). Ensuite, à partir du moment où la roue arrière est à la limite du décollage (la courbe blanche flirte avec 0 mm de débattement à la roue arrière, alors que la courbe jaune indique 121,5 mm de débattement pour la fourche avant) et que la vitesse diminue, le pilote maintient la moto en équilibre. Cependant, la décélération moyenne diminue, du fait de la baisse d’influence de l’aérodynamique. Ainsi, quand la roue arrière commence à se reposer au sol, l’intensité du freinage « n’est plus que » de 1,3 G environ. Moralité, moins on va vite, moins on peut freiner fort, ce qui n’était pas forcément évident au départ !

Profitons encore de ces belles courbes pour remarquer l’incroyable potentiel d’une moto GP, capable d’accélérer à 1,2 G !

Pour freiner la M1 reçoit une paire de disques carbone de 340 mm. Les écopes sont là en cas de besoin pour maintenir les disques entre 400 et 650°C…

disques carbone sur la M1 en GP

Et les F1 ? 5 G !

Pour revenir à notre comparaison auto/moto, parlons un peu de la F1. Ici on entre dans un autre univers. Centre de gravité bas, empattement long, sont déjà les clés d’un freinage puissant, avec un potentiel incomparable à celui d’une moto. Larges pneus tendres, donc fort coefficient d’adhérence, ajoutent à ces qualités. Mais la F1 va encore plus loin en y ajoutant l’effet de sol. Avec sa forme d’avion qui vole sur le dos (une F1 pourrait rouler collée au plafond dès 130 km/h, ça ferait joli dans le tunnel à Monaco !), elle est plaquée à la route. Voilà qui renforce spectaculairement son poids adhérent, celui qui donne du grip aux pneus. A 300 km/h, l’appui est de l’ordre de 1500 kg. Cependant son poids réel est très faible (environ 700 kg avec le pilote). De fait, les pneus qui disposent d’un poids adhérents énorme (environ 2,2 T, à 300 km/h), ont beau jeu d’arrêter 700 petits kilos… Et c’est ainsi qu’on enregistre des pics de décélérations à 5G ! Un truc à vous sortir les yeux de la tête… Si la voiture bat de peu la moto, la F1 écrase la moto GP, comme le confirment les chronos !

Les motos GP sont relativement longues (env. 1500 mm d’empattement, 50 mm de plus qu’une hyper sport) pour contenir les transferts de charge dans la limite du raisonnable du fait de leurs 260 ch.

Les motos GP sont relativement longues

Ah ben ça c'est sûr, elle va freiner beaucoup moins bien comme ça! La limite d'efficacité du freinage est atteinte quand la moto décolle... ici au BSB.

La limite du freinage quand la moto est en plein vol

Remerciements à Maxime Reysz de Tech3 pour ces précieuses informations

Plus d'infos sur le freinage en GP