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Comment bien débuter en flat-track

Tourner en rond sur un anneau de terre battue, rentrer en glisse en virage et sans frein avant

On a essayé le flat-track sur une Harley 750 Street Rod en Croatie et on a kiffé !

Le flat-track est sans doute l'une des plus anciennes courses de motos, un concept d'abord réservé aux bicyclettes puis aux motos tournant en rond sur un anneau ovale de terre battue de ¼, ½ ou 1 mile, soit un peu plus de 400, 800 ou 1600 mètres, sur lequel on tourne dans le sens antihoraire. La moto n'a pas de frein avant ni de phare et est chaussée de pneus non cramponnés. Si la discipline fête désormais ses cent ans, elle a surtout été largement dominée par Harley-Davidson. Quelques noms ont ensuite contribué à faire connaître le flat-track ou dirt-track comme Smokin’” Joe Petrali.

Conseil pour faire du dirt-track
Conseil pour faire du dirt-track

Le principe est simple : il n’y a pas de frein avant et on doit gérer ses entrées de courbe en glisse et ses sorties de courbe en travers. Normalement, si vous êtes un peu constitué comme moi, d’une petite sensibilité routière, vous devriez avoir peur rien qu’à l’énoncé du programme.

En gros, le pari est simple : il faut réussir à faire le strict opposé de ce que l’on fait sur la route. Mettre de l’angle sur la terre, essayer de faire glisser la moto. Bref, des trucs pas faciles à appréhender pour la caste des routards de base dont je fais partie.

Nous sommes en Croatie dans un petit village posé sur un flanc de montagne et Harley-Davidson a créé un petit circuit de flat-track, a amené un stock de Street Rod 750 à peine préparées et, comme instructeurs, nous a fourni rien de moins que Grant Martin, actuel leader du championnat européen Hooligan Series, ainsi que Ruben Xaus qui, outre une belle carrière en WSBK et MotoGP, est aussi connu pour avoir fait les photos de la Ducati Hypermotard 1100 SP, en dérive des deux roues, genou par terre et en faisant coucou d’une main. Les travers de porc, il connaît donc bien et ce ne sera pas du luxe pour essayer de nous convaincre de faire glisser l’engin dans la terre. Alors, c’était bien ? Comment on fait ? On vous raconte…

Quelques mots d’histoire

Le flat-track fait partie intégrante de la culture moto américaine puisque selon les archives de l’AMA (American Motorcycle Association), les premières courses remontent à 1924 et le premier championnat de la discipline est créé en 1932. On le voit : ça date !

Le championnat a été quasiment sous la coupe permanente de Harley-Davidson, qui a longtemps été le seul constructeur constamment impliqué dans la discipline. Les premières décennies ont vu une bataille entre Harley et Indian, tandis que Indian a fait faillite au milieu des années 50 (et du coup, Harley gagne tous les championnats consécutifs entre 1954 et 1961, par exemple), que BSA et Triumph s’y sont essayés dans les années 60 et que Yamaha ne s’y est essayé que dans les années 70 (Kenny Roberts a été champion en 1974 et a mis à profit sa maîtrise de la glisse pour révolutionner la technique de pilotage en GP) et Honda ne s’est mis à la discipline qu’au milieu des années 80 (avec une vraie bizarrerie, une base mécanique de CX 500 retournée pour être placée longitudinalement, avec 4 soupapes par cylindres et une cylindrée portée à 750 et relié à une transmission par chaîne). Cela n’a pas empêché Harley de remporter 9 des 10 championnats de la décennie 1980 et cela fait du constructeur de Milwaukee le plus titré dans ce genre un peu particulier, très populaire aux USA mais qui a quand même un peu de mal à percer ailleurs.

Aujourd’hui, après avoir été un peu en déclin à cause du succès du motocross et du supercross, le flat-track revient vraiment à la mode aux USA, puisque les deux marques nationales, Harley-Davidson et Indian s’affrontent à nouveau.

La moto

C’est très simple : il s’agit d’une Harley-Davidson Street Rod à peine modifiée. Les roues restent en 17 pouces, mais désormais chaussées de pneumatiques Avon ProXtreme « pluie » (gonflés à 2 bars), qui conviennent très bien sur ce genre de surface. Les modifications apportées à la moto sont simples : disparition totale du frein avant (sic), de l’éclairage et des clignotants, suppression des garde-boue et des repose-pieds passager, apparition d’un nouvel ensemble selle & coque arrière et changement de la boîte à air. La transmission finale reste identique, tout comme le réglage des suspensions. Voilà pour nos motos d’essai.

Harley Davidson Street Rod préparée pour le flat-track
Harley Davidson Street Rod préparée pour le flat-track

Par rapport à une vraie machine de course, telle la Street Rod de Grant Martin, qui mène le championnat européen Hooligan Series : on a en plus des roues de 19 pouces plus étroites (montées en Dunlop DT3), il y a un peu de travail sur l’échappement et le mapping ; le réservoir est celui d’un Sportster (mais c’est pour décorer), le vrai réservoir est dans une petite boîte collée sur la gauche du moteur ; le guidon est également différent et une couronne de 52 dents fait son apparition à l’arrière. On voit que se préparer une moto de flat-track n’est pas très compliqué, en fait.

Prépa Harley Davidson pour le Dirt Track
Prépa Harley Davidson pour le Dirt Track

L’équipement

Les vrais pilotes de l’AMA sont en général en combinaison de cuir piste et casque intégral, avec des bottes de cross. Nous avons suivi ce type de mélange : cuir piste Bering Supra R, bottes trail Forma Adventure, casque AGV AX-8 Evo.

Seule obligation : se mettre une semelle en fer en dessous de la botte gauche, pour pouvoir prendre appui dessus et aider la moto à pivoter et se lier un coupe circuit autour du poignet avant de partir... Ca se complique, ce truc !

Coupe contact pour le flat-track
Coupe contact pour le flat-track

La technique

C’est Ruben Xaus qui nous explique : « c’est une moto lourde, ce n’est pas une vraie moto de tout-terrain, mais on va devoir faire avec ». Ici, en plus, le circuit est particulièrement petit. « Vous n’utiliserez que la première et la seconde vitesse et comme avec la semelle sous la botte gauche, qui est lourde, c’est difficile de changer les vitesses, vous démarrez en seconde, en partant à fond. La difficulté en flat-track, c’est qu’il n’y a pas de frein avant et que si l’on veut pouvoir faire tourner la moto, il faut quand même du transfert de masse et donc tout va se jouer sur la position de conduite et le momentum dans la gestion du frein moteur ».

Plus ça avance, moins je suis rassuré !

« Dans la première ligne droite, vous serez en seconde. Avant le virage, vous coupez les gaz brutalement, vous prenez un peu le frein arrière, vous rétrogradez en première, vous relâchez l’embrayage et vous inclinez la moto vers le point de corde. Ce qu’il faut, c’est mettre du poids sur l’avant pour accompagner le transfert de masse. Si le geste est bien fait, la moto commence à se mettre sur l’angle et vous allez accentuer l’arrondi du pneu arrière, ce qui va remettre plus de frein moteur et vous aider à tourner. Au même moment, la jambe gauche touche le sol, bien dans l’axe de la moto, sinon vous vous ruinez les ligaments et vous poussez sur la cuisse et le mollet pour prendre appui et vous aider à faire tourner la moto ».

Bien, bien. Et après ?

« Ensuite, vous devez vous penchez en avant, toujours, pour faire comme si vous vouliez vous mordre le coude. Après le point de corde, vous redressez la moto et vous mettez du gaz et vous restez encore sur l’avant pour garder du pouvoir directionnel, tant pis si l’arrière balaye la piste, c’est l’avant qui vous aide à sortir sur la bonne trajectoire. Puis vous restez à fond, vous passez la deux et c’est reparti pour un tour » .

#scepticisme.

Conseil pilotage en flat-track
Conseil pilotage en flat-track

Alors, c’est bien ?

Je vais être honnête : j’appréhendais un peu cette journée. Peur de ne pas y arriver, peur de tomber, peur de me faire mal. On n’efface pas trente ans de conduite sur la route comme cela.

Et pourtant. Il m’a fallu à peu près dix secondes (le temps de la première ligne droite) pour me prendre au jeu. Déjà, la moto est cool, racée. En plus, elle fait un beau bruit avec l’échappement racing, on s’y croit. Alors oui, l’absence de frein avant est carrément flippante. Alors oui aussi, démarrer en seconde, gaz en grand, ça met tout de suite dans l’ambiance.

Il ne m’a fallu que quelques tours pour commencer à ressentir de vraies sensations : effectivement, le déplacement du corps vers l’avant, le passage en première, forcer la moto à prendre de l’angle sur la terre, tout ça est vite jouissif et l’on sent bien le train arrière qui enroule et vous aide à prendre le virage. Forcer sur la jambe fait travailler des muscles pas forcément sollicités d’ordinaire et j’ai eu un peu de mal durant les premiers tours du matin, mais c’est devenu naturel dans l’après-midi.

Dérapage sur un anneau ovale de terre battue
Dérapage sur un anneau ovale de terre battue

Ensuite, on travaille les détails : la position du haut du corps, le fait de ne pas trop réaccélérer brutalement et de rechercher de la traction en sortie de courbe, de se projeter virage après virage, d’en faire une routine au point de ne plus compter les tours. Puis, on apprécie les sensations : entendre le bruit de la semelle métallique frotter sur la terre, sortir de courbe en dérive, plein gaz, à ras des bottes de paille, se tirer la bourre contre des collègues lors de duels gentiment organisés par Harley, essayer de faire l'intérieur et de retarder son entrée en virage, sans frein avant, de sentir l'arrière qui dérive et qui enroule gentiment et qui vous place au point de corde : voilà des sensations tellement différentes de ce que l'on ressent sur la route, qui se font à des vitesses raisonnables, sur une machine simple et peu chère et, pourtant, c'est assez intense !

Evidemment, ce n’est qu’une prise de contact. Mais mettre de l’angle sur la terre, sentir l’arrière dériver gentiment en entrée de courbe, ne plus s’angoisser parce que l’on n’a pas de frein avant, tout cela, ce sont de vraies sensations et c’est avec le sourire aux lèvres que je quittais chaque séance.

Et si vous vous prenez au jeu ?

Il y a un championnat européen, les Hooligan Series, réservé aux machines bicylindres de 750 cm3 minimum. Pour l’instant, le championnat ne compte que 5 manches, dont 4 en Grande-Bretagne et une aux Pays-Bas, caution au côté européen du truc. Mais la discipline semble avoir le vent en poupe, puisque la Suède, par exemple, possède un championnat national assez relevé.

En championnat européen, les pistes sont plus longues (de l’ordre de 400 mètres) et l’on peut trouver jusqu’à 12 motos simultanément dans les manches. Alors, tenté ?

Course de flat-track
Course de flat-track

Et l’avenir ?

Harley-Davidson nous a fait le coup du « on fait ça pour le plaisir, il n’y a pas de stratégie ni de plan produit derrière ». Fort bien. On constate cependant que la discipline est très populaire aux USA (et un peu en Italie aussi), que Indian va sortir l’an prochain un 1200 FTR flat-track de série, que Ducati a une école de flat-track avec des Scrambler en Italie et que le truc pourrait bien être la prochaine monture à la mode chez les hipsters. Mais Harley nous dit qu’ils n’ont rien dans les cartons. Wait and see.

Plus d'infos sur le flat track

Commentaires

waboo

Ca me rappelle le dirt en Yam 500 SR... on s'était bien maré

02-05-2018 18:26 
 

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dafy